C’est tard dans la soirée du lundi 21 septembre dernier que les services de communication de la présidence de la République annonçaient in extremis l’annulation de la visite du président de la République prévue à Goma (Nord-Kivu) le lendemain. Parée aux couleurs des pays et effigies des chefs d’Etats de la sous-région des grands-lacs en prévision d’un sommet manqué, la ville de Goma se préparait à accueillir le président rd congolais qui était censé communier avec la population meurtrie du Nord-Kivu.
La visite du chef de l’Etat Fatshi à Goma a été annulée en dernière minute pour cause de son agenda chargé. Il devait ce même mardi 22 septembre prononcer son discours par visioconférence à partir de Kinshasa en marge de la 75ème session de l’Assemblée générale des Nations-Unies. Tout s’était passé comme si le protocole du Secrétariat général des Nations-Unies avait surpris la diplomatie congolaise au dernier moment et que la ville de Goma n’avait pas pris des dispositions pour assurer une communication par visioconférence. Mais là n’est pas le propos.
En fait, ce discours très attendu du chef de l’État congolais qui s’était engagé à faire de son pays l’Allemagne de l’Afrique était très attendu, surtout en cette année 2020 annoncée par lui comme «année de l’action» mais que la Covid-19 a transformée en cauchemar pour tous. L’opinion s’attendait donc à un discours très volontariste et pragmatique d’un point de vue économique, assorti de prévisions chiffrées sur de nouvelles pistes à explorer.
Des lieux communs inadaptés
Avec des collaborateurs rouleurs de mécaniques comme Marcellin Bilomba, le conseiller principal du chef de l’État chargé des questions économiques et financières, que l’on a entendu revendiquer lors de sa prestation au procès des 100 sa capacité à produire 50 notes techniques par semaine et son cursus «dans une université suisse où les diplômes ne s’achètent pas», l’on attendait du nouveau dans ce premier grand discours post-Covid-19 du chef de l’État, notamment au sujet de la manière dont les dirigeants congolais entendaient repenser l’économie nationale à court, moyen et long terme, en sortant des sentiers battus pour trouver dans la crise sanitaire mondiale de nouvelles opportunités économiques pour la RDC. Etaient aussi attendues en cette rare occasion où le monde entier écoutait la voix de la RDC, des estimations chiffrées du manque à gagner causé par la pandémie et la définition de nouvelles orientations pour des investissements innovants à l’intention des marchés financiers.
Par contre, on a eu droit à la même rengaine. « Sur le plan économique, la RDC a fait du programme de développement durable à l’horizon 2030 et de l’agenda 2063 de l’Union Africaine le pivot sur lequel se fonde sa politique de développement», a déclaré le président Tshisekedi, comme si la Covid-19 n’était pas venue remettre à plat toutes les perspectives habituelles de l’économie de surconsommation. Et de poursuivre: «depuis 2016, le pays met en œuvre des objectifs de développement durable visant l’inclusion, l’équité sociale et la transparence à tous les niveaux. Pour ce faire, mon gouvernement a mis en place le plan national stratégique de développement qui constitue le cadre fédérateur de toutes les politiques et stratégies nationales, provinciales et sectorielles sur les objectifs de développement durable afin de permettre à la RDC de diversifier son économie encore basée sur l’exploitation des ressources naturelles et d’accélérer les investissements dans les infrastructures et le capital humain, tout en favorisant les investissements dans les secteurs sociaux». Du déjà entendu.
«L’on aurait souhaité, fait remarquer un professeur d’économie industrielle qui s’est confié à nos rédactions, que le chef de l’État s’inspire en l’occurrence des innovations du nouveau code minier pour questionner la sous-estimation de nos matières premières sur les marchés internationaux. Ce serait une façon digne et appropriée d’en appeler à plus de solidarité entre les pays industrialisés et les pays fournisseurs des matières premières au lieu de se contenter d’un rééchelonnement de la dette par le G20 comme il l’a fait », pointe-t-il.
Avenir monotone
Face au manque d’audace au sommet à un moment où le pays a davantage besoin d’opérer une révolution économique que de ressasser des théories devenues caduques avec la survenue de la Covid-19, il y a lieu de s’interroger sur les réelles capacité pour la RDC de tirer le meilleur d’une crise sanitaire globale dont le monde entier se rend compte qu’elle a des conséquences économiques. En plus, qui a dit au président de la République qu’à chaque défi devrait correspondre la création d’un programme ou d’une cellule rattachée à la présidence? C’est dans la création des richesses et d’une main d’œuvre qualifiée que le combat contre la pauvreté se gagne et non à travers des structures abstraites, budgétivores, inopérantes et inutiles qui ne sont que des doublures des services gouvernementaux ayant les mêmes attributions.
Même si dans ce discours Fatshi a dit reconnaître que «le contexte actuel marqué par la Covid-19 représente un réel défi qui ralentit le rythme d’atteinte des objectifs de développement durable», il ne s’est pas empêché cependant, fidèle à sa solution alchimique de création de programmes, cellules et autres services spécialisés, en lieu et place de la réquisition de l’expertise nationale disponible, de se vanter de l’élaboration d’un «programme multisectoriel d’urgence d’atténuation des impacts de la Covid-19».
A tout prendre, ce sont là des solutions ponctuelles qui, au lieu de booster le cadre macro-économique durement éprouvé par la crise sanitaire causée par la Covid-19, risquent à terme de plonger le pays dans une profonde récession.
JBD