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Coincer Kabila signifie neutraliser Tshisekedi !
Certains y ont vu une opération de communication pour annoncer sa rentrée politique. D’autres, un message à l’endroit de ceux de ses partenaires se comportant parfois en adversaires. D’autres encore, un avertissement à ceux de ses proches tentés de changer de camp ou de cap. Il y a même eu deux réactions surprenantes avec le même contenu: lier cette sortie à une preuve d’inéligibilité pour un nouveau mandat présidentiel.
Aussi curieux que cela puisse paraître, le retour éventuel de Joseph Kabila sur la scène politique est redouté moins par ses adversaires que par certains de ses partenaires de la coalition. Certains ont vu dans l’exercice par JKK de ses fonctions de sénateur à vie une occasion de le castrer politiquement. Ils ont lancé dans la riche lexicologie politique congolaise une nouvelle terminologie : jurisprudence !
Si on en fait un principe acquis, c’est que dans l’éventualité de sa non participation (possible) ou de son échec à l’élection de 2023, devenu alors sénateur à vie à 60 ans, Félix Tshisekedi se verra interdit lui aussi par la fameuse « jurisprudence » de briguer pour le reste de sa vie la magistrature suprême.
Personne, en dehors de l’intéressé, ne peut prétendre être dans le secret des dieux, si tant est que ces derniers s’identifient soit à un ex-chef d’État, soit à un chef d’État actif, soit à un chef d’État en puissance.
Quand on a été, on est ou on veut être son collaborateur, on doit s’exercer à la vertu du triomphe modeste.
De la sortie de Joseph Kabila, parlons-en !
On le savait sortant dès le 26 juillet 2018, date de promulgation de la loi 18/021 portant statut des anciens présidents de la République élus et fixant les avantages accordés aux anciens chefs de corps constitués. Déjà, le 26 janvier de la même année, six mois plus tôt, lors de ce qui entre dans l’histoire comme sa dernière conférence de presse en tant que chef de l’Etat, Kabila a affirmé et confirmé qu’il respecterait la Constitution, s’agissant du mandat présidentiel. Il ne restait qu’une condition pour appliquer cette loi : le vote. Joseph Kabila en a facilité le processus aux étapes essentielles du financement, de la sécurisation et de l’investiture qui relèvent de la compétence de l’Exécutif national.
A ceux qui lui contestent alors tout mérite, une question pertinente suffit : à quelle étape a-t-il flanché ? Aucune ! De ce fait, l’histoire a le devoir de lui reconnaître la qualité de père de la démocratie. Dans la vie, on n’est père que par rapport à ce qui existe ou a existé. Ainsi, le 15 septembre 2020, au Palais du Peuple, Joseph Kabila a été applaudi par des vrais démocrates, peu importe la configuration présente de la classe politique. Il a certes été observé dans le chef de quelques faux démocrates une tentative de récupération politicienne du come back. A ceux-là, une observation simple : on ne détient quelque chose qu’après l’avoir obtenue. C’est le sens de la cérémonie de remise-reprise. Celle-ci n’a eu lieu ni entre Kasa-Vubu et Mobutu, ni entre Mobutu et Laurent-Désiré Kabila et encore moins entre ce dernier et Joseph Kabila. Ce qui s’est produit le 24 janvier 2019 entre Kabila et Thisekedi peut être comparé à la Parole de Dieu en 1 Corinthiens 3 :6 «J’ai planté, Apollos a arrosé, mais Dieu a fait croître…». Engager un tel débat n’a de productif que l’alternance politique acquise par voie électorale.
Ceci dit, dans cette Afrique où des chefs d’Etats octogénaires se contorsionnent à tripatouiller leurs constitutions pour s’offrir des 3ème mandats ouvrant la voie à une sorte de règne «ad vitam æternam », il faudrait plutôt féliciter Joseph Kabila Kabange d’avoir refusé à 47 ans à peine de s’y engager pendant qu’il en avait tous les moyens politiques et juridiques de le faire. Maintenant qu’il a son titre de sénateur à vie ayant son soubassement constitutionnel à l’alinéa 7 de l’article 104 de la Constitution, la question est de savoir si ça ressemble à une condamnation à vie. La réponse est non ! Ni la Constitution, ni la loi 18/021 du 26 juillet 2018 ne portent dans l’un ou l’autre deses 229 articles pour la première et ses 24 articles pour la seconde une seule disposition spécifique interdisant d’abord à un chef d’État ayant accompli son (ses) mandat (s) prévus à
l’article 70, devenu ensuite sénateur à vie au cours d’un autre quinquennat au cours duquel s’applique l’incompatibilité avec un nouveau mandat présidentiel, de renoncer à son mandat de sénateur à vie pour postuler pour un mandat présidentiel. Tout ce qui n’est pas interdit est permis. L’article 5 de la Déclaration universelle des droits de l’homme stipule en effet que « la Loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la Société. Tout ce qui n’est pas défendu par la Loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas ».
Prof. Barnabé KIKAYA Bin Karubi