La rentrée parlementaire de septembre 2020 était annoncée houleuse depuis que les torchons brûlaient entre le FCC, majoritaire au parlement et le CACH, son partenaire au sein de la coalition dont le leader, Félix Tshisekedi, a gagné l’élection présidentielle.
Plusieurs questions qui fâchent devront y être abordées alors que la situation socioéconomique est en constante détérioration du fait de la Covid-19 pendant que la situation sécuritaire est préoccupante dans les provinces de l’Est où des groupes armés se développent de manière exponentielle.
D’autres questions relatives notamment aux réformes institutionnelles sur la justice, l’administration territoriale et le système électoral seront également débatues, en marge de l’examen et de l’adoption de la loi de Finances (budget) 2020 qui constituera le point d’orgue de la session de septembre 2020.
On note que renonçant aux voyages diplomatiques qu’il affectionne tant, le président Félix Tshisekedi avait convié pour le 13 septembre dernier quatre de ses homologues de la région des grands-lacs à Goma sur les berges du lac Kivu pour un mini-sommet de la paix.
Le Burundi a été le premier à décliner cette invitation avant que le Rwanda, l’Ouganda et l’Angola n’y aillent à leur tour de leurs circonlocutions diplomatiques pour exprimer leurs réticences à prendre part à l’événement à la date convenue et annoncée en grande pompe par Félix Tshisekedi en conseil des ministres. Finalement, l’annonce a viré en eau de boudin et on parle de plus en plus d’un report non encore confirmé même si des sources diplomatiques congolaises avancent maintenant la date du 20 septembre 2020.
Hormis ce mini-sommet qui allait ravir tous les feux de la rampe, le président de la RDC entendait selon certains de ses pourfendeurs, se rabattre sur la présence à Kinshasa de son homologue brazza-congolais Denis Sassou Nguesso venu participer aux obsèques de Madame Germaine Djembo, la sœur cadette de son épouse Antoinette, pour faire contre-poids à une rentrée parlementaire de tous les enjeux. Reçu au palais de la nation le lundi 14 septembre par Tshisekedi, Denis Sassou Nguesso a passé la nuit à Kinshasa sur fond d’une forte couverture médiatique.
Funérailles grandioses vs rentrée parlementaire
Cerise sur le gâteau : l’ancien président béninois Boni Yayi avait lui aussi effectué le déplacement de Kinshasa pour la circonstance.
Pour donner plus de couleurs à ces funérailles grandioses, l’UDPS, le parti présidentiel, s’était efforcé de convier ses membres à participer massivement aux obsèques de Mme Djembo aussi bien à la messe de requiem dans la cathédrale Notre Dame de Lingwala, qu’au lieu de la sépulture à N’Sele, en banlieue de Kinshasa. Un ténor du parti de la 10ème rue s’exprimant sous le sceau de l’anonymat a déclaré que l’occasion était belle pour «banaliser de manière mémorable le rituel de la rentrée de ce parlement à majorité arithmétique prévue le 15 septembre car on s’attend à des discours très critiques à l’égard du chef de l’Etat que s’apprêtent à prononcer les présidents des deux chambres parlementaires sur les prétendues dérives totalitaires et tribalistes de Félix Tshisekedi et ses partisans». Une crainte infondée car les allusions à la nécessité de respecter la constitution et d’éradiquer le tribalisme faites par les speakers du Sénat et de l’Assemblée nationale ont été moins ‘’virulentes’’ que ne le prévoyait ce cacique de l’UDPS.
La surprise de Kingakati
C’est de Kingankati que viendra l’événement qui va défrayer la chronique ce mardi 15 septembre 2020 lorsque, à la surprise générale, le président de la République honoraire Joseph Kabila, en sa qualité de sénateur à vie, a décidé de participer pour la première fois aux travaux de la chambre haute du parlement, volant ainsi la vedette autant à la présidence de la République avec ses invités brazza-congolais et béninois qu’à la chambre basse dirigée par Jeanine Mabunda.
On le croyait englouti par sa passion pour la terre et les animaux dans sa ferme de Kingakati, à une soixantaine de kilomètres de Kinshasa au point de l’imaginer fort éloigné du jeu politique. Voilà que le «Raïs» refaisait surface à un moment où le pays donnait l’impression de perdre ses repères. Pour de nombreux observateurs, c’était un grand retour.
La première participation de celui qui a présidé aux destinées du Congo-Kinshasa pendant 18 ans à la cérémonie d’ouverture de la session parlementaire de septembre est un signal fort, car l’ancien président vient de s’affirmer publiquement sénateur à vie alors que beaucoup de spéculations couraient sur la nature réelle de son come back et du rôle dans lequel il se voyait pendant la mandature de son successeur et partenaire Félix-Antoine Tshisekedi.
Le président Kabila est à cet égard un modèle d’homme d’Etat. Car «respecter la constitution est une chose, mais l’observer et surtout la mettre en application en est une autre», ainsi que le souligne Néhémie Mwilanya, coordonnateur du FCC, plateforme de l’ancien chef de l’État.
«Le président avait déjà promis qu’il respectera la Constitution quand au troisième mandat et il l’a fait », rappelle Mwilanya qui a ajouté qu’«il faut y voir une marque d’humilité et de simplicité».
D’autres commentateurs y voient un retour salvateur pour la RDC.
L’ analyste politique Fridolin Bosengo estime ainsi que Joseph Kabila «offre une formidable leçon de démocratie à ses concitoyens. Il joue le jeu jusqu’au bout en respectant le rôle que lui réserve la constitution de la RDC et montre à toute la classe politique la voie à suivre».
C’est la raison pour laquelle il a reçu une ‘’standing ovation’’ à son entrée dans la salle des plénières du Sénat par tous les parlementaires et invités présents visiblement réconfortés par sa présence.
Le FCC, sa plateforme pourra y puiser la bonne inspiration pour prendre les grandes décisions qui lui appartiennent en tant que première force politique dans les chambres parlementaires. Entre-temps, les commentaires fusent de partout et une certaine inquiétude semblait gagner quelques extrémistes du camp présidentiel qui ne rêvent que plaies et bosses.
Discrétion, silence et élégance
Sans rien dire au préalable sur son intention de participer enfin aux travaux parlementaires, notamment par sa présence en qualité de sénateur à vie à la cérémonie de la rentrée parlementaire de la chambre haute, Joseph Kabila en a en effet surpris plus d’un en enfilant fièrement pour la première fois son écharpe sénatoriale, manifestement heureux de jouer pleinement le jeu démocratique. Toujours emmuré dans son silence flegmatique et énigmatique, le fils de Mzee Kabila dont toute la presse se disputait les images à chaque geste a totalement éclipsé les autres prestations publiques de ce 15 septembre même si, dans un geste d’élégance, il s’était fait représenter par son épouse Olive Lembe Kabila au deuil de la belle famille du président Sassou Ngouesso aux côtés du couple présidentiel rd congolais.
L’homme du jour dans la capitale congolaise, et en Afrique, ce mardi 15 septembre aura bel et bien été le quatrième chef d’Etat rd congolais qui prenait ses marques comme sénateur à vie de son pays. Il rappelle à tous ceux qui le noient dans des discours haineux politiquement ou économiquement motivés que sans tripatouiller ni malmener la constitution, il avait accepté de quitter le pouvoir à seulement 47 ans pour préserver la stabilité des institutions démocratiques et l’intangibilité de la loi fondamentale. En apportant la preuve qu’il y avait une vie après la présidence de la République, Kabila donne une leçon à ceux qui multiplient des prétextes à travers le continent pour s’accrocher à tout prix au pouvoir. D’où l’intérêt suscité dans diverses capitales africaines par son apparition soudaine dans les habits de sénateur qui a provoqué plus de 20 millions d’interactions sur les réseaux sociaux au cours de la seule journée du 15 septembre 2020.
Un succès médiatique incontestable
Cette présence remarquée sur les bancs du sénat du fils et successeur de Mzee Laurent Désiré Kabila, a éclipsé les deux invités de marque du président de la République Félix Tshisekedi, Denis Sassou Nguesso et l’ancien président béninois Boni Yayi qui auraient dû occuper les devants de la scène. Il n’y avait pas match.
C’est flanqué de deux membres de sa plateforme, le 1er ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba à sa gauche et la présidente de l’Assemblée nationale Jeannine Mabunda à sa droite, que le ‘‘simple’’ sénateur Joseph Kabila a fait une brève procession dans les couloirs du palais du peuple avant d’entrer dans la salle des plénières du sénat où ses homologues et leurs invités lui ont réservé un accueil plus que chaleureux. Peu disert comme à son habitude, Joseph Kabila se sera contenté d’une communication par l’image. La plupart des chroniqueurs évoquent à ce sujet un sénateur pas comme les autres parce que chef incontesté de la majorité tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. Dans les réseaux sociaux et autres médias, certains analystes indiquent que le pays a basculé dans l’instabilité et les bisbilles déstabilisatrices depuis que Joseph Kabila a quitté le pouvoir et que sa rentrée politique active pouvait permettre de sauver les meubles. En effet, depuis le départ de Kabila du pouvoir suprême, les Congolais ont perdu 40% de leur pouvoir d’achat alors que six armées étrangères et une myriade de groupes armés écument le territoire national comme en terre conquise. Au plan interne, le tribalisme et la violence partisane verbale et physique atteignent des proportions inquiétantes. L’insécurité bat tous les records surtout à l’Est du pays où les tueries et l’horreur tendent à se banaliser.
Quoiqu’on en dise, force est de constater que la RDC va mal et pas seulement à cause de la Covid-19. Le pire n’est plus à craindre. Il est déjà là. Ce ne sont pas les victimes des groupes armés étrangers et nationaux qui ont sanctuarisé à nouveau des pans entiers de certaines provinces septentrionales ni les paysans du Sankuru assommés pour un oui ou un non par la répression des bandes de manipulateurs stipendiés sous l’œil complice ou indifférent des représentants des pouvoirs publics qui diront le contraire.
Au demeurant, la présence de Joseph Kabila à qui est acquise la majorité au Sénat et à l’Assemblée nationale peut être considerée comme un rappel à l’ordre pour maintenir à tout prix le bateau RDC nation à flot.
L’homme qui a démontré sa passion pour son pays en se retirant du pouvoir conformément à la constitution après avoir mis en oeuvre tout l’arsenal démocratique constitutionnel ne peut qu’avoir la gorge serrée devant ce spectacle de son œuvre en train de se déliter.
L’heure est grave, à chacun de jouer sa partition pour arrêter la descente aux enfers…
JBD, am avec le maximum