L’affaire est désormais sur la place publique puisque un communiqué alarmant de la Police judiciaire des parquets l’a lancé comme un véritable pavé dans la marre : «Les 100 millions de dollars américains payés par la société “Mutanda Mining” n’ont jamais été versés dans le compte général du Trésor», peut-on lire dans cette communication qui ressemble à s’y méprendre à la conclusion d’un verdict juridictionnel. C’est par son communiqué de presse n°004/QGP/IG/2020 publié le 2 septembre courant que l’Inspecteur général de la police, ce corps auxiliaire du ministère public a alerté le public après avoir entendu Deogratias Mutombo Muana Nyembo, le gouverneur de la Banque centrale du Congo (BCC)
Le même communiqué fait état de l’existence, à la banque centrale de « 52 sous-comptes parallèles au compte général du Trésor dans lesquels sont logés un montant global de 1.223.301.268.677 FC (mille deux vingt-trois milliards un million deux cent soixante-huit mille six cent septante-six franc congolais). Soit l’équivalent de 650.000.000 USD».
A première vue, le document ainsi publié dans la presse tend à démontrer que ce service auxiliaire de la justice sacrifie à une saine pratique de transparence qui fait obligation aux organes de l’Etat de communiquer pour s’ouvrir au public par la presse. La démarche est appréciable mais s’agissant de l’étape préliminaire d’une enquête judiciaire, on est en droit de questionner la légitimité de cette recherche de publicité qui caractérise ces responsables au regard particulièrement du sacro-saint principe du caractère secret de l’instruction pré-juridictionnelle.
Ce n’est pas sans raisons que les lois en vigueur en RDC ont consacré ce principe de la discrétion des enquêteurs à ce niveau de leur mission. « Le fait de mettre sur la place publique les résultats de l’instruction pré-juridictionnelle porte atteinte à ce principe de confidentialité et est de nature à compromettre le succès d’une investigation. C’est une faute professionnelle », déclare à ce sujet un spécialiste de la procédure judiciaire.
Les sous-comptes, une irrégularité ?
S’agissant du montant de 1.223.301.268.677 FC « découverts » dans des sous-comptes déclarés « parallèles », le communiqué de l’Inspecteur de la police judiciaire dit les avoir « bloqués en attendant l’issue des enquêtes ». On comprend que, de l’aveu même de l’enquêteur, les investigations sur cette affaire qui défraye la chronique, ne sont pas encore terminées, loin s’en faut. La question que l’on est en droit de se poser est la suivante : dès lors que la police judiciaire des parquets, reconnaît elle-même que ses enquêtes sur ce dossier ne sont pas encore bouclées, qu’est-ce qui justifie cette publication tapageuse de leurs conclusions sous forme d’aveu, si aveu il y a eu, du patron de l’institut d’émission ?
Un haut cadre à la retraite de la Banque centrale témoigne à ce sujet. «Lorsque les enquêteurs de la PJ disent avoir constaté l’existence à cette étape de leurs recherches enquêtes, de 52 sous-comptes parallèles au compte général du Trésor, cela ne veut absolument pas dire qu’il y ait eu une quelconque prévarication.
Il s’agit d’une pratique qui n’énerve aucune disposition légale en la matière dans notre pays car l’Etat en sa qualité d’ordonnateur des Finances publiques, est en droit de demander à sa caissière qu’est la Banque centrale, d’ouvrir un (des) sous-compte(s). Il n’y a là rien d’illégal », affirme-t-il sur pied de l’article 13 de la Convention du Caissier de la RDC, publiée au numéro spécial du Journal Officiel du 20 janvier 2013 qui stipule que «la Banque ouvre dans ses livres, à la demande et au nom de l’Etat, un ou plusieurs sous-comptes de l’Etat. Sans préjudice des dispositions des “Règlements des comptes courants” de la Banque, le fonctionnement de ces comptes est soumis aux règles arrêtées par leurs titulaires et approuvées par le ministère des Finances».
Les 100 millions USD de Mutanda Mining
Le simple fait de placer 100 millions USD payés par un contribuable (Mutanda Mining en l’espèce) dans des sous-comptes du compte général du Trésor ne constitue donc pas en lui-même une violation de l’orthodoxie de la gestion des finances publiques, sauf à prouver que tel n’avait pas été la volonté des représentants attitrés de l’Etat en la matière (gouvernement). En ce qui concerne particulièrement les fonds acquittés par la société Mutanda Mining, des sources bancaires attestent qu’ils avaient effectivement été logés dans un sous-compte intitulé « Appui au développement sur redevance Mutanda Mining CC001714 ». Aligner sans aucune justification ce sous-compte du Trésor parmi la catégorie des « sous-comptes parallèles » du compte général du Trésor relève donc d’une dramatisation malveillante de la part des auteurs du communiqué.
J.N