Alors que de par le monde, les fondamentaux acquis du libéralisme autour des besoins sociaux, économiques et politiques de la population s’effondrent peu à peu suite aux dernières mutations, il est nécessaire pour la RDC de réfléchir sur la place qui sera la sienne dans les enjeux mondiaux actuels.
La convoitise des potentialités de ce pays pousse, on le sait, les impérialistes à se faire la guerre, afin de les contrôler. Les corollaires de ce statu quo inchangé depuis des décennies justifie l’instabilité politique qui caractérise la RDC depuis son indépendance. La RDC qualifiée de «scandale géologique » de par son sous-sol riche en minerais et toutes ses potentialités constitue un enjeu pour son intégrité territoriale. L’impact de mettre en valeur les atouts dont regorge le pays est cruciale pour lui permettre non seulement de se consolider en tant que nation mais aussi pour le hisser au rang de puissance africaine. A juste titre, Frantz Fanon avait déclaré que «l’Afrique a la forme d’un revolver dont la gâchette est placée au zaïre», c’est-à-dire une plaque tournante pour l’épanouissement et l’émergence de l’Afrique.
Sur l’échiquier international depuis la conférence de Berlin en 1885, le statut de la RDC serait tout d’abord un Etat indépendant et souverain qui ne devait être soumis à aucune autorité supérieure, mais plutôt appartenir à la communauté internationale. L’attitude de la majorité des acteurs politiques de la RDC qui ont fait échec la semaine dernière à une énième tentative de mettre en veilleuse les institutions nationales légitimes pour leur substituer un forum national boutiqué par des proconsuls belges est exemplaire à cet égard.
On était là en pleine politique de brouillage des identités et des genres. Une sorte de réminiscence de l’époque où les libéraux du XIXe siècle avaient pensé que la paix perpétuelle se faisait au prix de l’élimination des grands régimes impériaux européens et de l’asservissement de l’Afrique.
Le libéralisme occidental se voulait l’instrument de cette vision du monde avec pour monnaie générique le dollar américain sous-tendu par des prétentions de cosmopolitisme. Le libéralisme était exclusivemeent conçu comme un outil de nivellement culturel excluant les coutumes, plus particulièrement en Afrique. C’est la définition de l’universalisme qui, dans la pratique, rime avec l’eurocentrisme.
Aussi, le Congo de Lumumba s’est-il trouvé embarqué dans cette cosmogonie, contraint de troquer sa souveraineté contre la vision occidentale du monde. Ceci se vérifie encore à l’heure actuelle en politique avec ceux qui se prennent pour les vrais propriétaires d’un bien sans maître que devrait être le Congo.
Aujourd’hui, avec l’effondrement de la toute puissante Amérique, même une fausse illusion d’universalisme serait difficile à soutenir. Le libéralisme s’en trouve ainsi ébranlé dans ses principes fondamentaux faussement présentés comme un projet universel. L’oeuvre de John Stuart Mill, philosophe et économiste anglais du 19è siècle, consistait en la revendication de la validation coloniale de l’Europe, notamment du fait de l’extermination des populations indigènes américaines considérées comme une catégorie non productive de la population. La RDC devrait se servir de tels prérequis idéologiques pour se donner les moyens de sa politique afin d’atteindre ces objectifs de développement et de puissance régionale.
Avec la mise en cause du libéralisme par les impératifs écologiques notamment, d’autres modèles se présentent, comme des paradigmes à expérimenter par des Etats selon leur logique propre. Organisés autour de leurs cultures propres, ils peuvent mieux protéger leur tradition en englobant les régions qui s’y accomodent.
Il s’avère désormais que le libéralisme occidental a montré ses limites. S’il peut petre adapté à certains Etats occidentaux, il n’est guère interchangeable au point d’être décalqué sur des pays dont la culture, l’histoire et la géographie n’ont pas de commune mesure avec les nations occidentales. L’ère du numérique a fini par faire du monde un village planétaire dans lequel la raison du plus fort est toujours la meilleure.Les monnaies numériques ne feront qu’accélérer la force centrifuge en désarticulant les systèmes monétaires des pays du tiers monde pendant que les plus puissants comme les USA, la Chine, la Russie, l’Iran, le Royaume-Uni et l’Italie numérisent leurs économies.
Lors d’une réunion des ambassadeurs de France l’année dernière, le président Macron a déclaré que la Chine, la Russie et l’Inde n’étaient pas seulement des rivaux économiques mais « de véritables États-civilisations … qui n’ont pas seulement perturbé notre ordre international et joué un rôle clé dans l’ordre économique, mais qui ont également remodelé avec beaucoup de force l’ordre politique et la pensée politique qui l’accompagne, avec beaucoup plus d’inspiration que nous».
Avec un tel aveu d’impuissance d’un ancien empire colonial, la RDC peut prendre exemple sur les pays émergents pour définir sa propre stratégie de puissance sur base de ce qu’elle a à offrir au monde. L’enjeu serait de ne plus rester à la traîne de ses partenaires traditionnels, mais d’imposer un rapport de force à tous ceux qui se disputent ses ressources naturelles, essentielles à l’expansion des nouvelles technologies.
En confessant que «les civilisations disparaissent, les pays autant que l’Europe», Macron reconnaît que le l’Europe est en phase de déclin, ce qui donne la possibilité à bien d’autres Etats de s’affirmer sur la scène internationale.
Le discours du président français ne semble pas avoir aiguilloné les élites africaines qui se complaisent dans la reproduction du modèle occidental obsolète fondé sur une pure technocratie déguisée et totalitaire, au lieu d’explorer d’incomensurables possobilités en veilleuse dans leur histoire et leurs jeunes générations.
Alfred Mote