Le grand débat est lancé. Les politiciens congolais ont assez tiré notre pays vers le bas. Les contestations des résultats électoraux font pratiquement partie du paysage. La modernisation et la fiabilisation du système électoral intéressent toutes les forces vives de la nation et pas seulement des politiciens soucieux d’entretenir leur propre visibilité.
La RDC est appelée, toutes affaires cessantes, à explorer un système d’organisation électorale qui mettrait tout le monde d’accord sur les résultats. À l’ère du numérique, jusqu’à preuve du contraire, c’est la seule voie permettant de mener un processus électoral sain, simple et économique. Les ingénieurs congolais doivent dès lors se mettre à l’oeuvre dans l’objectif immédiat de mettre au point un programme totalement informatisé d’opérations électorales. Ce système ne ferait intervenir les acteurs de la CENI le jour du scrutin, qu’à des étapes règlementées, techniquement paramétrées et sécurisées. À savoir, la programmation des opérations, la mise en marche du système au démarrage du vote, la surveillance pendant le déroulement des opérations, l’arrêt des opérations de vote et enfin, l’édition et la proclamation des résultats. La CENI, ou ce qu’elle sera suite à cette réforme, devrait être dotée d’un Data Center (Centre de données), composée d’une salle de commande et d’une grande salle de Monitoring verrouillée à partir de la veille du jour du vote avec une clé à code informatisée hyper-sécurisée remise en séance solennelle au premier ministre. Cette opération se fera une fois les machines et leur fonctionnement programmés pour le vote, inspectés, testés en présence d’observateurs accrédités. Certification en sera faite dans un rapport signé par tous les ingénieurs du Data Center, les observateurs attitrés et le premier ministre, assisté du ministre ayant les élections dans ses attributions.
Opérations simples et sécurisées
Avec le vote électronique on ne réinvente pas la roue. Les opérations empruntent le processus similaire à celui de la monnaie électronique à l’instar d’Airtel money, M-PESA, TIGO CACH, VISA, etc…. Evidemment en amont, il y a l’identification biométrique suite à la constitution du fichier d’identification nationale. La carte d’identité du citoyen et électeur en âge de voter comprendra une puce avec code numérisé.
Le téléphone portable de l’électeur peut faire office de bureau de vote et de machine à voter. Ainsi, l’électeur votera comme s’il opérait une transaction monétaire sur son téléphone. Autrement dit, en s’isolant pour émettre un vote secret. La procédure de vote sera la même que celle utilisée pour la machine à voter lors des scrutins du 30 décembre 2018, mais cette fois-ci à partir du smartphone de l’électeur.
Chaque électeur est identifié et reconnu par le Data Center grâce à son code numérisé lisible sur sa carte d’identité biométrique. Comme pour la machine à voter, les candidats sont repérables sur le portable de l’électeur en un clic. Le paramétrage des opérations de vote définiront les étapes du processus avec toutes les techniques de verrouillage hyper-sécurisé. Il sera possible avec le même portable accessible dans un village éloigné par exemple de permettre à tout le monde de voter avec son code numérisé. Ceci devra être une rare exception. Cependant, pour assurer le secret et la liberté de vote pour tous, le gouvernement devrait promouvoir une année à l’avance la commande et la distribution (vente) des smartphones simples, en mode hors taxe à des prix abordables. L’État devra dans ce cas investir dans la couverture de toute la République en réseaux GSM et accorder un crédit d’investissement d’extension des réseaux aux sociétés de téléphonie mobile pour résorber les poches noires sur le vaste territoire national. Grâce notamment à un satellite géostationnaire ayant pour fonction la couverture de réseaux de téléphone mobile ou d’autres applications similaires. Il n’y aura donc plus d’investissement en perte sèche comme par le passé. D’une pierre, plusieurs coups, dont celui consistant à hisser nos populations à l’usage du numérique dans plusieurs domaines de la vie. Le même numéro ID servira à plusieurs usages.
Un Data Center commandé par des informaticiens nationaux
Le personnel technique de la CENI sera ainsi réduit à une équipe d’une centaine d’ingénieurs liés au Data Center. Celui-ci disposera, entre autres, d’une salle de commande et d’un centre d’observation équipée de 300 postes de monitoring avec 100 postes réservés aux ingénieurs du Data Center et 200 autres aux observateurs électoraux, eux-mêmes ingénieurs informaticiens pour suivre la régularité des opérations.
Les ingénieurs du Data Center et les observateurs électoraux prêteront serment en acceptant des sanctions pénales sévères en cas d’indélicatesse ou sabotage des machines. En plus de leur travail technique, les ingénieurs assureront un rôle d’observateurs d’opérations électorales pour le compte, non plus des candidats, mais de la République et de l’ensemble du corps électoral. Ils seront recrutés par quota provincial sur concours et correctement rémunérés.
Les observateurs des ONG crédibles et impartiales seront admis à vérifier le bon fonctionnement du système. Ils ne seront accrédités que s’ils acceptent de faire leur constat et de signer leur rapport d’observation séance tenante devant les autres missions d’observation et en présence des officiels de la centrale électorale.
Publication des résultats
Le dépouillement étant automatique, chaque électeur aura accès aux tendances provisoires au moment de son choix après son vote. Il pourra suivre l’évolution du scrutin, communiquer avec d’autres électeurs et comparer les tendances affichées progressivement sur son portable. Cet affichage sera règlementé par le paramétrage officiel et le résultat définitif sera celui affiché après la clôture des opérations de vote.
Avec de telles innovations, les opérations de vote peuvent se dérouler sur 48 heures, jour et nuit, sans interruption. L’électeur aura le loisir d’effectuer un vote à blanc, avant de se décider à valider un autre choix définitif. C’est-à-dire, il peut s’amuser à tenter d’afficher les différents candidats sur «sa machine à voter» autant de fois que de besoin. A la fin, il recevra le message : «A Voté. Merci de votre civisme», ou tout autre message similaire de sorte que la même personne ne puisse voter qu’une seule fois. Les handicapés moteurs pourront se faire assister par leurs proches dans l’intimité familiale, comme prévu par la loi. Fini donc les encombrements et les files d’attente devant les bureaux de vote. Même en cas d’intempéries, le vote pourra avoir lieu à l’endroit choisi par l’électeur. Le vote blanc sera disponible sur le menu électoral du smartphone dès l’ouverture de la campagne électorale.
Quid de la CENI ?
Le président de la CENI sera choisi par ses pairs ingénieurs parmi les cadres techniques les plus expérimentés. Les autres membres de la centrale électorale suivront les critères identiques. La loi va fixer l’organisation en se focalisant sur le fonctionnement technique du Data Center. Le président de la CENI qui sera en même temps le chef des ingénieurs du Data Center ne pourra que valider et proclamer les données chiffrées déjà à la disposition du public dans son téléphone. Chaque électeur pourra voter où qu’il se trouve, mais, au scrutin de sa circonscription en ce qui concerne les élections législatives, provinciales, municipales et locales. Peut-être pourra-t-on envisager le vote des Congolais de l’étranger, avec possibilité préalable de s’être fait enrôler en ligne.
DANIEL MAKILA KANTAGNI
SENIOR MANAGER DE SOCIÉTÉS DE DROIT OHADA, MANAGER DE TRAVAUX PUBLICS, ANALYSTE POLITIQUE.