Après l’UDPS et d’autres partis de l’opposition Lamuka qui ont manifesté contre Ronsard Malonda à la tête de la CENI et les propositions de lois Minaku et Sakata, après le FCC qui a fait la démarche contraire, c’est au tour d’une branche de la société civile de monter au créneau. Pour exiger la dissolution de l’Assemblée nationale. Sous la férule de Christopher Ngoyi son président, ce groupe pro-UDPS a organisé, mardi 11 août dernier, un carnaval à Kinshasa pour sensibiliser la population et recueillir des signatures en faveur de la dissolution de l’Assemblée nationale.
Cette démarche visant une institution dans laquelle le FCC est majoritaire est inspirée par quelques faucons du parti présidentiel qui accusent à tort ou à raison la chambre basse du parlement de défier le leadership de Fatshi. Ils sont encouragés en cela par de puissants lobbies occidentaux qui, il y a quelques mois encore, dénonçaient pourtant les résultats de l’élection présidentielle en faveur du leader de l’UDPS.
En fait, le paradoxe n’est qu’apparent. L’objectif de ces lobbies qui avaient raté leur coup à Genève du fait du retournement de dernière minute du duo Tshisekedi-Kamerhe reste de séparer le FCC du CACH, première étape pour revenir au projet initial de donner le pouvoir suprême en RDC à un de leurs poulains de Lamuka qui multiplie les promesses de ‘‘solidarité’’ avec le CACH de Tshisekedi et Kamerhe pour mieux l’étouffer.
Des compatriotes exaltés comme Christopher Ngoyi et sa ‘‘société civile’’ sont instrumentalisés à cette fin.
Des exigences irrationnelles
On caresse l’amour propre de certains sociétaires du parti présidentiel en utilisant l’argument de leur minorité au sein de l’Assemblée nationale pour les amener à exiger une dissolution constitutionnellement impossible car au regard de la loi fondamentale, seule une crise persistante entre l’Assemblée nationale et le gouvernement justifierait la dissolution comme un arbitrage de l’institution président de la République. Mais dans le cas d’espèce, l’Assemblée nationale et le gouvernement sont au même diapason, même si les relations entre les deux et le président ne sont pas toujours au beau fixe. Pousser le président à dissoudre l’Assemblée nationale pour raison de convenance personnelle, c’est une incitation à violer la constitution avec les conséquences fâcheuses qui ne feraient l’affaire ni de cette 1ère institution de la République elle-même, ni celle des deux autres institutions premières concernées par le mécanisme de dissolution. En prêtant une oreille attentive à ceux qui le poussent sur cette voie, le chef de l’Etat ouvrirait la porte aux vieux démons de l’autocratie anti-constitutionnelle car seuls les perdants de Genève auraient tout à gagner d’un tel coup d’Etat. Sans oublier que les partisans du FCC auraient beau jeu de brandir les dispositions de l’article 64 de la constitution en vertu duquel «tout Congolais à le devoir de faire échec à tout individu ou groupe d’individus qui prend le pouvoir par la force ou qui l’exerce en violation des dispositions de la présente Constitution (alinéa. 1). Toute tentative de renversement du régime constitutionnel constitue une infraction imprescriptible contre la nation et l’Etat. Elle est punie conformément à la loi (alinéa 2)».
Dissolution de l’Assemblée nationale : rappel
C’est le 19 janvier 2020 que le président Tshisekedi s’adressant à une base de la diaspora UDPSienne chauffée à blanc à Londres, avait évoqué l’éventualité de la dissolution de l’Assemblée nationale si on tentait de bloquer la réalisation de son programme politique.
D’aucuns l’avaient pris au mot parmi les sociétaires du FCC autant que ceux de CACH, alors qu’il s’agissait de propos à replacer dans le contexte du moment et sur lequel il semble être revenu à la faveur de sa dernière visite à Brazzaville lorsqu’il a annoncé qu’il n’était nullement dans son intention de mettre fin à la coalition entre sa plate forme CACH et celle de son prédécesseur Joseph Kabila le FCC. Il a le devoir d’éviter une crise politique et institutionnelle qui prendrait les allures d’un tsunami pouvant amener le pays à plonger dans un dangereux précipice et à se détourner des priorités du développement et de l’émergence que lui permettent ses immenses potentialités naturelles.
La communication du président de la République à Londres ne reflétait dès lors pas le fond de sa pensée. A la réflexion, il s’agissait d’une pure figure de style antithétique : la négation de ce que l’on affirme implicitement. Un minimum de sagacité permettrait aux extrémistes de part et d’autre de relativiser leurs espoirs ou craintes de voir le chef de l’Etat résolumment engagé à franchir le Rubicon de la dissolution de l’Assemblée nationale dont la perspective ressassée à longueur de journées a fini par ressembler à arme ultime d’écrasement de partenaires politiques rivaux.
Dissolution unilatérale impossible
Contrairement à la fougue populiste qui pousserait le président à pareille mesure extrême, il ne s’agit pas d’une arme de convenance personnelle à dégainer automatiquement et unilatéralement. En effet, à la lumière de l’article 148 de la Constitution du 28 février 2006 en vigueur, trois arguments sont à prendre en compte. Primo, le président de la République n’étant pas responsable devant le parlement, les conflits politiques extra-institutionnels et les difficultés à asseoir son leadership au sein du gouvernement dont une majorité n’est pas encartée par son UDPS ou sa plate-forme CACH, ne peut servir de base légale crédible à une dissolution de l’Assemblée nationale. Ce serait une violation délibérée de la Constitution. Secundo, le même article 148 de la loi fondamentale prescrit clairement une cause unique et exclusive de dissolution : une crise persistante entre le gouvernement et l’Assemblée nationale. Tertio, enfin, la Constitution congolaise nourrie par la volonté générale du souverain primaire de prévenir l’abus des pouvoirs présidentiels a bien prévu elle-même la procédure à suivre en pareil cas : «le président de la République consulte le 1er ministre, le président de l’Assemblée et le président du Sénat». C’est donc le principe du consensus interinstitutionnel et non d’une volonté unilatérale qui est ainsi consacré et mise en oeuvre dans le cas d’espèce par le contreseing du 1er ministre sur une éventuelle ordonnance de dissolution. Les frustrations politiques, l’agacement suscité par des projets qui patinent, les manœuvres politiciennes de quelques ministres pour se rapprocher du chef de l’Etat, sans oublier l’effervescence populiste des combattants, ne sont pas des motifs valables pour dissoudre l’Assemblée nationale.
Dissolution, prélude à la balkanisation
«L’amnésie est une pathologie récurrente de notre classe politique», a déclaré le Libre penseur, Ecrivain et Chercheur en gouvernologie, Hubert Kabasubabo Katulondi (Le Maximum n° 698 de vendredi 31 janvier 2020). Qui rappelle que la dissolution cavalière du premier parlement congolais par le président Joseph Kasa-Vubu en 1963 fut à la base de la rébellion lumumbiste-muleliste, sous le label du Conseil National de Libération (CNL) dirigée par Christophe Gbenye. Cette rébellion se termina par la proclamation de la République Populaire du Congo à Stanleyville (Kisangani) en 1964.
Aujourd’hui, irrémédiablement, une dissolution inconstitutionnelle de l’Assemblée nationale ne profiterait ni au peuple congolais, ni à personne au FCC encore moins au CACH. Elle serait de nature à replonger la RDC dans une nouvelle spirale de guerre civile aux conséquences incalculables qui permettrait seulement aux puissances extérieures soit de balkaniser le pays comme ils l’ont fait au Soudan voisin, soit d’imposer leurs hommes-liges qui sont à l’affût, attendant patiemment de tirer les marrons du feu.
Le carnaval de la société civile de Christopher Ngoyi mardi 11 août pour exiger la dissolution de l’Assemblé nationale démontre simplement que la RDC est malade de ses élites qui ne parviennent pas à en finir avec leurs éternels discours de victimisation.
HERMAN MALUTAMA