C’est sur le site Axenordsud Média que le professeur Godefroid Bokolombe est intervenu au sujet de la controverse qui défraye la chronique à Kinshasa : « S’il voulait restructurer les forces armées comme la constitution lui en reconnaît la compétence, le président Tshisekedi n’avait vraiment pas besoin pas d’envoyer le premier ministre en mission et donner la très mauvaise impression de prendre une telle décision à la sauvette comme s’il le poignardait dans le dos », écrit-il.
Selon cet académicien qui prend le contrepied de la position défendue passionnément par un de ses collègues le professeur Mbata Betukumeso lors d’un débat sur Top Congo le 23 juillet au sujet des ordonnances du président de la République contresignées par le vice premier ministre, ministre de l’Intérieur, Sécurité et Affaires Coutumières agissant en lieu et place du premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba, on a fait commettre une erreur au chef de l’Etat.
« Je n’ai pas la possibilité de débattre avec chacun de ceux qui interviennent à ce sujet, c’est pourquoi je livre par écrit à l’opinion quelques réflexions sur les points de vue que j’ai entendus ci et là. De prime abord, je réitère avec la même fermeté mon propos selon lequel les ordonnances de nomination des officiers généraux et supérieurs aux grades et fonctions ainsi que des hauts magistrats ont violé la lettre et l’esprit de la constitution de la République Démocratique du Congo particulièrement dans son préambule et ses articles 81 et 82 », a-t-il déclaré.
Selon Bokolombe, au regard du droit constitutionnel, l’empêchement du premier ministre peut engendrer deux conséquences différentes selon qu’il est définitif ou temporaire. « Si l’empêchement est définitif, il débouche sur la démission du premier ministre, entraînant la chute de l’ensemble du gouvernement. C’est un empêchement temporaire du premier ministre qui donne lieu à l’intérim », explique-t-il avant de préciser toutefois que l’empêchement temporaire du premier ministre ne peut donner lieu à l’intérim que dans des cas sérieux comme un voyage à l’étranger, une hospitalisation, un enlèvement ou une disparition. « Une courte mission à l’intérieur du pays comme celle de Monsieur Ilunga Ilunkamba ne peut être considérée comme un cas d’empêchement. Du C’est à cause de cela que certains chroniqueurs de la presse internationale ont eu des mots moqueurs en évoquant ces ordonnances en disant que la polémique dans notre pays était née d’une situation provoquée à la suite d’un déplacement court du premier ministre considéré comme un empêchement alors qu’il était allé Lyon ou à Strasbourg ».
Du reste, pour ce scientifique congolais, contrairement à l’opinion défendue par le professeur Mbata, le premier ministre, empêché, peut formellement déléguer ses pouvoirs à un intérimaire et délimiter les matières faisant l’objet de la délégation. « La raison en est qu’on se trouve en matière politique et non administrative. C’est ainsi que le président du Sénat assumant l’intérim du président de la République, empêché, ne peut par exemple mettre en place un gouvernement ou procéder à la dissolution du Parlement. De même que le vice-ministre assumant l’intérim d’un ministre ne peut prendre des arrêtés », dit-il avant d’ajouter que ceux qui soutiennent les erreurs contenues dans les derniers textes promulgués par le chef de l’État n’aiment ni ce dernier. Ce sont à mon avis des fanatiques ou des chercheurs d’emploi sans scrupules qui soutiennent le président comme la corde soutient le pendu.
« Le président de la République, chef de l’État est la première institution du pays. Il a la charge de garantir la conformité à la constitution du fonctionnement de toutes les autres institutions et services publics et quiconque veut sa réussite devrait s’efforcer de l’aider à remplir fidèlement cette mission. On doit à cet égard éviter de recourir à des artifices pour lui faire prendre de manière questionnable certains actes même lorsque, comme c’est le cas ils relèvent de sa compétence. S’il veut opérer des changements dans l’armée, il en a légitimement le droit, il n’y avait aucune urgence pour son intérimaire de faire endosser la responsabilité d’actes d’aussi haute portée au gouvernement en y apposant son contreseing au motif que le premier ministre, chef du gouvernement était allé à Lubumbashi, à deux heures d’avion de Kinshasa comme si on voulait poignarder le premier ministre dans le dos », martèle Godefroid Bokolombe qui, révolté par l’impudence de certains de ses collègues, suggère au ministre de l’Enseignement supérieur se prononce sur cette dérive caractéristique de certains professeurs qui s’abritent derrière leur statut pour « vendre » leur pseudo-expertise au plus offrant alors qu’à son avis, un acteur politique digne de ce nom, fut-il professeur d’université n’a pas à brandir ce titre lorsqu’il s’exprime en qualité de politicien. « On n’a jamais vu Jack Lang, Michèle Alliot-Marie ou Dominique Strauss Khan se gargariser de leurs parchemins lorsqu’ils interviennent dans des débats politiques », conclut-il mezza voce.
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