Alors qu’un fonds spécial a été alloué par le gouvernement à la riposte contre la Covid-19 en RDC, il est incompréhensible de voir le personnel chargé de cette campagne aller en gève. Ce mouvement entamé la semaine dernière intervient sur fond de soupçons de rétro-commissions, enrichissement illicite au sein du ministère de la Santé, gestionnaire de ces centaines de milliers de dollars décaissés par le gouvernement. Du coup, le ministre de la Santé, le Dr. Eteni Longondo est pointé du doigt pour le présumé détournement de cet argent.
A travers une question écrite à ce membre du gouvernement le 03 juillet dernier, le député national François Nzekuye exige de Eteni des explications sur les allégations sur un système qu’il aurait mis en place pour conditionner des rétro-commissions de la gestion de la Covid-19. « Il me revient qu’à votre cabinet, un système serait mis en place pour exiger et conditionner des rétro-commissions, qui iraient jusqu’à 33% dans certains cas, pour tout paiement des fonds de Covid-19. Ce serait le cas pour les hôtels et résidences utilisés pour le confinement de certaines personnes suspectes ou infectées par la Covid-19…», peut-on lire dans la lettre de Nzekuye qui affirme par ailleurs que le ministre de la Santé aurait acquis des biens de valeurs ne correspondant pas à ses revenus et qui sont postérieurs à son entrée au gouvernement.
Le député dit noter en plus que l’état financier du ministère de la Santé connaît de sérieuses difficultés. «Le ministre et le vice-ministre de la Santé ne s’accordent pas sur cette question sensible… Des sommes importantes seraient décaissées en dehors de toute orthodoxe financière (contreseing du vice-ministre, respect des procédures de passation de marchés)», fustige-t-il en faisant remarquer des manquements d’ordre éthique, politique et professionnel dans l’achat des médicaments dans le cadre du programme d’urgence de 100 jours. «Il a été démontré que le dernier lot de moustiquaires imprégnées achetées pour la RDC ne remplissait pas les normes fixées par l’OMS. Comment se fait – il que ces moustiquaires impropres à l’utilisation soient distribuées dans certaines provinces? Etes-vous conscient des effets néfastes à la santé que présente l’utilisation de ces moustiquaires?», s’interroge encore Nzekuye.
Plutôt que de répondre au député, le ministre de la Santé a préféré réserver la primeur à la presse. Eteni a révélé au cours d’une émission radiodiffusée que son ministère avait reçu 10 millions USD seulement sur les 27 millions engagés pour la riposte et qu’il en a géré que trois. « Nous avons acheté des ambulances et autres véhicules. Nous avons effectué une dépense de 1,4 millions. Les autres sommes étaient directement versées dans des comptes des hôpitaux qui en avaient besoin», s’est-il justifié, soutenant que la lutte contre le Coronavirus étant multisectorielle, une autre partie du fonds a été affectée à d’autres secteurs.
M’peti contredit Eteni
Contrairement à son titulaire, le vice-ministre de la Santé Albert M’peti charge Eteni Longondo et alerte le premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba. Dans un mémorandum qu’il a adressé au chef du gouvernement, M’peti denonce la gestion calamiteuse et opaque des fonds alloués à la riposte contre la Covid-19 au ministère de la Santé.
Il révèle en plus une gabegie financière et l’affairisme qui ont élu domicile au ministère de la Santé ainsi que l’existence des réseaux mafieux qui dilapident et exigent des rétro-commissions jusqu’à hauteur de 35 % auprès des structures bénéficiaires de ce fonds.
«Monsieur le premier ministre, je me fais le devoir de vous apporter des informations sur la gestion calamiteuse et opaque des fonds alloués à la riposte contre le Coronavirus, car ayant l’intime conviction qu’il y a une gabegie financière et l’affairisme qui on élu domicile au ministère de la Santé. Cette gestion de fonds alloués par le gouvernement et ceux reçus de nos partenaires se fait en dehors de toute orthodoxie financière», écrit-il.
Selon Albert M’peti, le ministre de la Santé signe seul «le décaissement de gros montants» sans l’associer et lui signer sous pression des documents financiers non prioritaires.
Notamment le paiement des arriérés de plus de deux mois d’achat de produits pharmaceutiques d’entretien hygiénique en faveur de la polyclinique Pierrot Nketi et le paiement en faveur de l’administrateur gestionnaire de l’hôpital Kimbanguiste de Kinshasa pour les factures des malades insolvables, libérés sur ordre du ministre de la santé.
Face à ces magouilles et pour ne pas tomber dans les dépenses non éligibles qui s’élèvent à plus de 8 millions USD auprès de la Banque Mondiale, du FMI et d’autres partenaires, Albert M’peti exhorte le premier ministre à prendre des dispositions pertinentes.
En réaction à toutes ces accusations, Eteni Longondo a saisit la justice à travers une plainte contre inconnu par ses avocats interposés.
A.M