Ministre d’Etat en charge de la Décentralisation et Réforme institutionnelle, Azarias Ruberwa Manyiwa, a décidé d’ester en justice contre des personnes “mal intentionnées” qui l’accusent depuis plusieurs semaines à travers des réseaux sociaux, d’être responsable des morts en cascade à la présidence de la République. Il serait à la base d’un mouvement armé en gestation pour déstabiliser les institutions et aurait érigé un cachot dans sa résidence où logeraient 2.000 militaires à sa solde, selon des rumeurs sur la toile. Face à de telles accusations, le leader du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD) a porté plainte mercredi 3 juin dernier auprès du procureur général près la Cour d’Appel de Kinshasa-Gombe, pour des faits de ”cybercriminalité” dont il est victime.
« Il s’agit de la manifestation de la cybercriminalité depuis quelques semaines où je fais l’objet des attaques par les personnes mal intentionnées qui m’imputent des faits en réalité faux, des faits infractionnels d’imputation dommageable, des faits constitutifs de dénonciation calomnieuse, des faits constitutifs d’injure publique, des faits constitutifs d’infraction de faux bruits et même des faits constitutifs de tribalisme. Il a été dit que je détiens un cachot où des congolais sont emprisonnés et qui sont devenus des squelettes vivants, il a été dit que chez moi à la maison je détiens 2000 militaires étrangers et qui sont là pour déstabiliser les institutions (…) », s’est défendu Azarias Ruberwa qui se dit choqué. L’ancien vice-président de la République sous le régime de 1+4, rappelle qu’il tient à son honneur, car père de famille. «Je vis de l’éthique et de ma foi . Mon travail me suffit. Parmi les auteurs de cette cybercriminalité, il y a quelqu’un qui s’est affiché publiquement en ouvrant deux comptes Facebook qui diffusent ces informations relayées par des milliers des personnes dans le monde, allant jusqu’à soulever des passions auprès des faibles personnes qui n’analysent pas et qui croient et pensent que tout est vrai. Jusqu’à dire qu’il faut m’arrêter immédiatement (…) Il a même fait recours au conseiller spécial du chef de l’Etat, parce que je prépare des troubles . Je ne suis pas un criminel. Dieu est juste, voilà que le principal auteur de ce réseau est aux arrêts à Makala », a-t-il conclu.
Renforcer la réglementation cybernétique en RDC
La plainte du ministre la Décentralisation vient ainsi relancer le débat sur l’accès à Internet par des particuliers et dans les entreprises. Grâce à cet outil, des personnages publics sont pris pour cibles par leurs détracteurs à travers les plate-formes numériques souvent par haine ou par jalousie pour diverses raisons. «La surface d’attaque ne cesse d’augmenter en RDC avec l’utilisation croissante des nouvelles technologies et de nouveaux usages. Les cybermenaces se développent en entreprise, chez les particuliers et sur mobile, mais particulièrement sur les réseaux sociaux. Facebook, Linked In et Twitter ne peuvent pas sécuriser leur propre environnement, et encore moins celui des utilisateurs. Données confidentielles et fausses informations peuvent fuiter sur les réseaux sociaux. Il est temps de songer à une réelle stratégie de sécurité et un meilleur cadre réglementaire en RDC», fait observer un internaute.
A ce propos, on peut noter que les cybercriminels naviguent sur tous les réseaux sociaux où les comptes de célébrités politiques sont hackés sur fonds de fausses campagnes diffamatoires politiquement motivées. «Ce n’est en réalité que la partie émergée de l’iceberg. Une activité beaucoup plus néfaste a lieu sur ces réseaux sociaux, et la plupart des autorités n’en sont pas conscientes et en sont donc exposées. Les mauvaises pratiques de sécurité des médias sociaux des entreprises mettent en danger leur marque, leurs clients, leurs dirigeants et leur organisation tout entière», fait remarquer cet autre usager des réseaux sociaux.
Un piège pour les hackers
Selon un rapport des menaces du 1er trimestre 2017, la fraude et la cybercriminalité ont poursuivi leur essor sur les réseaux sociaux. C’est notamment le cas des attaques impliquant des comptes d’assistance frauduleuse à la clientèle, d’escroqueries dites «phishing angler» qui sont en hausse de 167% par rapport au 2e trimestre 2016. De plus, le FBI a déclaré que les actions malveillantes liées aux médias sociaux avaient quadruplé au cours des cinq dernières années dans le monde. Enfin, le cabinet PWC a constaté que plus d’une entreprise sur huit avait subi une violation de sécurité en raison d’une cyberattaque liée aux réseaux sociaux.
Les acteurs des médias sociaux essayent d’atténuer autant que possible les menaces de sécurité où la propagande terroriste, d’incitation à la haine sur leurs plateformes, mais ils ne sont pas efficaces à 100%. Facebook, par exemple, a signalé en 2015 qu’environ 2% de ses utilisateurs, soit 31 millions de comptes, étaient factices. Twitter estime ce chiffre à 5% et Linked In déclare ne pas avoir «de système fiable pour identifier les comptes frauduleux et compter les doublons».
Plusieurs personnalités en RDC sont victimes de ce doublons. Le député national Lambert Mende Omalanga et le sénateur Evariste Boshab ont dû saisir directement Facebook il y a quelques années pour supprimer les faux comptes qui usurpaient leurs identités en diffusant des messages contre nature.
Les internautes en RDC ont une confiance quasiment aveugle dans les informations qu’ils lisent sur les réseaux sociaux. De fait, ces plateformes sont devenues un piège idéal pour les hackers. Ils peuvent maintenant toucher un vaste public et manipuler facilement les utilisateurs en déployant un large éventail de cyberattaques et d’escroqueries, incluant l’ingénierie sociale et le phishing, l’usurpation de marques, la vente de contrefaçons, les prises de contrôle de comptes et bien plus encore. La mise en garde du ministre congolais de la Justice,Tunda ya Kasende il y a deux semaines n’y a rien changé.
Les réseaux sociaux amplifient les menaces et l’infox
Le fait que les cybercriminels s’emparent des réseaux sociaux a entraîné certaines des plus grandes pertes de données au cours des dernières années. En 2016, par exemple, une base conséquente de comptes Linked In s’est retrouvée en vente sur le darkweb. Les données provenaient d’un piratage des serveurs du réseau social en 2012. Plus récemment, des espions russes ont créé de faux profils de femmes sur Facebook pour séduire les soldats américains dans le but de capter des informations confidentielles et diffuser des messages de propagande. En mars 2017, les comptes Twitter du ministère de l’Economie français et d’Alain Juppé ont été hackés et des messages en turc ont été publiés accompagnés des armoiries de l’Empire ottoman. Toujours sur Twitter, dans la nuit du 17 au 18 juillet 2019 , le compte du ministère de la Culture toujours en France a été détourné et des messages d’insultes ont été postés. Face à de telles attaques, les conséquences peuvent être lourdes.
Bien que les réseaux sociaux ne créent pas forcément de nouvelles cybermenaces, ils amplifient considérablement le risque des menaces existantes. Les cybercriminels utilisent les médias sociaux pour augmenter l’efficacité de leurs attaques depuis des années. Il est clair que le risque des réseaux sociaux ne concerne pas uniquement les dommages causés à une marque ou une personnalité et à sa réputation, mais il constitue une menace de cybersécurité sérieuse qui peut entraîner d’importantes pertes de données, de nombreux problèmes sociopolitiques et même de pertes de revenus.
Le risque zéro et la sécurité totale n’existent pas. La démarche pragmatique pour la RDC consistera à engager un programme de protection et la création en parallèle d’un environnement favorable au digital. Les médias sociaux n’en sont qu’à leurs débuts. Il est impératif de renforcer dès aujourd’hui sa connaissance de la sécurité des réseaux sociaux afin d’être mieux préparé pour faire face aux nouvelles cybermenaces et techniques innovantes que les hackers vont certainement développer dans les mois et années à venir.
AM
VICTIME DE CYBERCRIMINALITE EN RDC : Azarias Ruberwa porte plainte
