A peine venait t- il d’être éjecté par ses collègues députés nationaux du poste de 1er vice-président de l’Assemblée nationale à la suite d’une motion de défiance du MLC Jean Jacques Mamba à laquelle il a tenté d’échapper en faisant embastiller ce dernier pour une présomption de faux et usage de faux avec la complicité de l’UNC Simon Mpiana, un des signataires de la motion, que Jean Marc Kabund, président controversé de l’UDPS /Tshisekedi a été recadré par le ministère de l’Intérieur qui n’a reconnu ni à lui, ni à Augustin Kabuya les qualités de président et secrétaire général intérimaires de l’UDPS conformément aux statuts de ce parti. Réunissant Jeudi quelques membres du parti présidentiel à ce sujet, Kabuya s’est fendu d’un communiqué dans lequel il interdisait à tout élu de la liste UDPS-Tshisekedi à l’Assemblée nationale de se porter candidat au poste de 1er vice-président que son mentor venait de perdre au risque de s’auto-exclure de cette formation politique. Une posture qui plonge le parti du président de la République dans une nouvelle lutte interne.
Le duo Kabund-Kabuya a décidé, malgré les conseils de tempérance, de continuer à user de violence pour gérer cet exercice démocratique normal à la chambre basse du parlement. Ils ont été suivis en cela par quelques ‘‘combattants’’ car le bureau de la permanence du PPRD du président de la République honoraire, Joseph Kabila, partenaire de l’UDPS dans la coalition FCC-CACH et celui de l’ACDD du député national Ngoy Kasandji, ont été vandalisés par des sympathisants de l’UDPS à Mbuji-mayi mardi, soit 24h après la chute de Kabund. La résidence d’un député FCC a été également saccagée à Kasumbalesa (Haut-Katanga)pour le même motif.
Pour Jean Marc Kabund qui, en dépit de l’appartenance notoire de son tombeur à l’opposition Lamuka, s’évertue à clamer que par la pétition ayant entraîné sa déchéance n’est qu’un «passage en force du FCC. La preuve que le complot était ourdi et va au-delà de ma destitution. En vrai Tshisekediste, je quitte ce poste la tête haute et sans compromission. Fier d’avoir défendu notre idéal de combat, notre pouvoir et le président de la République».
L’homme dévoile ainsi à la fois sa conception hédoniste du pouvoir considéré comme une propriété privée dont le détenteur est en droit de jouir pratiquement ad vitam aeternam. Il a depuis sa gueguère avec le MLC-Lamuka Jean-Jacques Mamba, tiré à boulets rouges sur son partenaire FCC, responsable à ses yeux de sa descente aux enfers pour n’avoir pas pris sa défense. Même lorsqu’il infligea des voies de fait à l’assistant parlementaire de ce dernier et entrepris naïvement d’exercer un chantage éhonté sur l’ensemble des élus. «Il est pourtant clair que l’opposition Lamuka, partenaire trahi de l’UDPS aux accords de Genève en 2018 n’attendait qu’une occasion propice pour prendre sa revanche», note un parlementaire de cette opposition qui a préféré garder l’anonymat. En réduisant la démocratie à sa seule personne physique, Kabund a donc tout faux.
Kabund n’est pas indispensable
Réagissant à chaud après le communiqué de l’UDPS, Léon Mubikayi, president du groupe parlementaire de ce parti a tenu à préciser que « le poste qu’occupait l’honorable Jean Marc Kabund est un poste de l’UDPS. Il sera occupé par un député national de l’UDPS.Nous allons négocier à l’avenir pour que ce poste soit occupé par un député national UDPS. Le communiqué du jeudi a rendu une décision à laquelle nous n’avons pas été associés. En attendant qu’il y ait des négociations à un niveau plus élevé. Nous ferons pas la politique de la chaise vide, on l’a fait dans l’opposition, ça ne paie pas. Nous estimons qu’il y aura du temps pour négocier avec la direction du parti pour trouver une solution idoine. Pour cette fois-ci, la direction du parti doit revoir sa décision dans un bref délai». Corneille Mulumba, membre co-fondateur de l’UDPS a invité vendredi les députés de ce parti à saisir le président Félix Tshisekedi contre la décision prise par Kabuya sur instruction de Kabund. Pour ce pionnier et compagnon de feu Étienne Tshisekedi, les députés nationaux de l’UDPS doivent s’insurger contre une propension tendant à faire passer Jean Marc Kabund pour un homme providentiel. «Les députés de l’UDPS devraient, de toute urgence, et par consensus, présenter 2 noms au président Félix Tshisekedi pour le choix final du candidat du parti au poste de 1er vice-président. Il serait, en effet, irresponsable de laisser les pêcheurs en eaux troubles récupérer ce poste hautement stratégique» a-t-il écrit, ajoutant que «les 2 noms à présenter par les élus de l’UDPS devraient exclure ceux de leurs collègues déjà bénéficiaires d’autres postes aux (gouvernement, entreprises publiques, diplomatie, etc). Pas d’égoïsme, ni d’égocentrisme. La cohésion du groupe est à ce prix». Autre réaction contraire : celle de Victor Wakwenda, président de la Convention démocratique du parti (CDP) pour qui «le directoire de l’UDPS ne s’est pas encore réuni, cette déclaration qui soutient Kabund n’engage pas le parti».
On a appris que les ambitions des prétendants pour remplacer Kabund s’affichent de plus en plus parmi lesquels André Mbata, élu de Dimbelenge, qui a d’ores et déjà rejeté la décision du duo Kabuya-Kabund et promis que bientôt « les députés de l’UDPS vont choisir un nom» en ajoutant que « le poste de premier vice-président de l’Assemblée nationale est réservé à l’UDPS, pas à un quelconque individu qui se prendrait pour un homme providentiel. Nous devrons continuer à enseigner la Constitution, les Statuts et le Règlement Intérieur de nos partis politiques. La Constitution interdit tout mandat impératif». D’autres candidats au strapontin naguère occupé par Kabund s’activent dans les coulisses à l’instar de Rémy Massamba et d’autres qui ne se gênent plus de dénoncer le manque de scrupules du duo Kabuya-Kabund.
Toutes les agitations politiques des deux compères relèvent dit-on de leur amateurisme politique qui menace gravement les intérêts de l’ancienne fille ainée de l’opposition aujourd’hui au pouvoir. On ne peut expliquer autrement leur propension à faire comme si l’UDPS était incapable de se départir des vieux démons de l’opposition radicale que furent le gangstérisme politique sur fond de violence, les menaces, les intimidations et les destructions méchantes au dépens de tout contradicteur. A cette allure, estiment les observateurs, Fatshi risque de ne pas réaliser même 15% de son programme de campagne car ses premiers adversaires viendront de la 10ème rue Limete. Une seule possibilité pour l’actuel chef de l’État c’est d’engager ses troupes à plus de discipline républicaine.
Après cette énième bourde du tandem Kabund-Kabuya, on réalise que s’il n’y prend garde, le parti d’Étienne Tshisekedi s’engouffrera plus tôt qu’on ne le croit dans un déficit de leadership susceptible de le fragiliser pour longtemps. Après la noyade du ‘‘Maître nageur’’ (Kabund) qui promettait un exil forcé à quiconque ne s’applatirait pas devant lui, il importe que l’on ne confonde pas l’UDPS et une boutique ou patrimoine privé de l’un ou l’autre de ses leaders.
Un député national du FCC a fustigé l’orgueil infantile de Jean Marc Kabund dont la maladresse et les attritudes de matamore ont précipité sa déchéance. « Il devenait difficile pour nous de le défendre comme nous l’avait pourtant recommandé notre autorité morale Joseph Kabila tellement il n’avait aucun respect même envers nous ses collègues et pourtant c’est nous qui l’avions élevé à ce poste. Suite à ses mensonges et manipulations de l’opinion publique sur le coût du congrès, l’honorable Jean Jacques Mamba lui a adressé trois correspondances auxquelles il n’a daigné réserver aucune suite. Par respect pour notre institution, il aurait dû se présenter à la plénière consacrée au débat sur la motion et se défendre où présenter ses excuses à la plénière. Il aurait été certainement sauvé mais il a préféré télécommander une nouvelle agression contre un député offrant au pays un spectacle inacceptable et provoxuant une réaction corporatiste quasi unanime des collègues». Pour le patriarche Yesu Kitenge, haut représentant du chef de l’État, le secrétaire général ai de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), est allé vite en besogne en décrétant le «non-remplacement de Jean-Marc Kabund» à l’Assemblée nationale. «Je suggère humblement, au secrétaire général de geler le point 3 de sa déclaration du 28 mai», a-t-il écrit sur son compte tweeter en expliquant que «la colère est un mauvais conseiller. La destitution du 1er vice-président de l’Assemblée nationale est le fruit d’un dégoût. La colère, bien que mauvaise conseillère si elle est contrôlée, peut être une force quelque part. La priorité c’est l’état des lieux franc de la coalition FCC-CACH».
Un internaute invite le député Kabund à grandir en politique et rappelle certains propos relevant de l’infatuation qu’il avait naguère tenus publiquement en 2016 : «Si Kabila est toujours président de la RDC jusqu’en 2017, j’abandonne la politique ». Quatre ans après, il récidivait à Kananga le 20 janvier 2020 : «J’ai entendu des individus ou un groupe d’individus menacer de me destituer soit disant qu’ils sont majoritaires. Je leur réponds que le jour où ils essayeront, nous, UDPS, demanderons au soleil de s’arrêter». Une logorrhée verbale maladroite que ses collègues lui font payer cash.
L’UDPS et la culturedu boycott
Dans l’opposition, l’UDPS a été coutumière de la politique de la chaise vide. Elle en détient même le record. Que d’invitations à des rendez-vous historiques boycottées! Telles les élections générales de 2006, premier scrutin pluraliste depuis 1965. Résultat : toute une législature sans élus UDPS ! Y compris dans son fief luba kasaïen. En 2011, si le premier parti de l’opposition sous la direction de son leader historique a participé aux élections, c’était pour pratiquer par la suite la politique du «siège vide». Une fatwa signée du lider maximo Etienne Tshisekedi en personne ayant enjoint les élus du parti à ne pas siéger dans les assemblées et organes délibérants.
Conséquence : la formation tshisekediste a fait derechef l’impasse sur la deuxième législature. A part ceux de ses membres et alliés qui se révoltèrent et refusèrent de suivre ce mot d’ordre.Une longue tradition de boycotts pour un improbable gain politique. L’UDPS scotchée dans l’opposition a joué à merveille à «qui perd gagne». Ayant réussi à assimiler le pouvoir au vice et à ériger l’opposition au rang de vertu cardinale, la formation tshisekediste n’avait pas grand-peine à convaincre sa base quant à l’inutilité de quitter la rue pour les dorures des palais de la République.
Seulement, les choses évoluent et avec la conquête par Félix Tshisekedi du top job en décembre 2018, on se trouve face à un autre millésime. Le parti qui a incarné l’opposition au point d’en devenir le synonyme est aujourd’hui au sommet de l’Etat. Ça change tout. D’un logiciel contestataire, protestataire voire nihiliste, il faut passer maintenant à un paradigme gestionnaire. Sous peine de rater la nécessaire mue d’un parti d’opposition en une formation politique de pouvoir.
Du président Fatshi, on attend en effet autre chose que les conflits et le boycott permanent du pouvoir lui confié par le souverain primaire.
Si pendant sa longue carrière dans l’opposition, la posture nihiliste était politiquement rentable, elle est contre productive maintenant que l’UDPS est au pouvoir.
« En 2023, les Congolais ne jugeront pas le parti présidentiel à l’aune de l’art de la politique de la chaise vide ou de sa capacité à battre le pavé, mais en fonction du panier de la ménagère. En politique plus qu’ailleurs, la légitimité d’une cause n’est pas éternelle. Le peuple brûlant facilement ce qu’il a adoré hier. Là où il y a la grandeur, la décadence n’est pas loin», estime à bon escient notre excellent confrère José Nawej du Forum des As.
L’UNC s’invite au festin
Pendant que l’UDPS tergiverse quant au remplacement de Kabund, l’UNC de Vital Kamerhe qui n’a cessé de dénoncer un complot politique dans la détention de son champion risque d’être l’inconnu de l’équation. Vendredi, son porte-parole Gabin Lulendo déclarait que «si l’UDPS n’est pas intéressée par ce poste (vice présidence de l’Assemblée nationale) l’UNC prendra ses responsabilités». Ce serait de bonne guerre pour les amis de Kamehre qui digèrent mal quoi qu’ils en disent l’arrestation et l’humiliation de leur leader au nom de l’Etat de droit. Lulendo souhaite vivement que CACH conserve le poste de 1er vice-président de l’Assemblée nationale et l’UNC ne boudera pas son plaisir pour le capturer. Il averti à ce sujet que «si l’UDPS maintient finalement cette décision, l’UNC devra se prononcer car ce poste ne devrait pas être vacant dans la mesure où c’est un poste de CACH. Comme c’est un poste qui revient à CACH donc soit l’UDPS l’occupe en désignant un candidat ou alors c’est un autre membre du CACH qui devra l’occuper ». Gabin Lulendo s’offusque qu’à l’UDPS on réduise la coalition CACH à un individu alors que l’UNC avait réaffirmé sa solidarité à la coalition FCC-CACH malgré l’arrestation de son leader.Un autre inconnu dans la reconfiguration du bureau de la chambre basse du parlement sera le Mouvement de libération du Congo (MLC)dont est issu Jean Jacques Mamba, initiateur de la motion qui a fait tomber Jean Marc Kabund. L’opinion se souvient de l’humiliation dont a été victime cet élu MLC arrêté puis assigné à résidence pendant plusieurs jours avant que la chambre basse du parlement ne requiert la suspension des poursuites judiciaires à son encontre auprès de la Cour de cassation devant laquelle, il était poursuivi pour faux et usage pour des faits de flagrance qu’il aurait commis 10 jours plus tôt. Une suspension valable seulement jusqu’à la fin de la session en cours, ce qui indique que le député national Mamba n’en a pas encore fini avec les juges. Comment l’UDPS pense-t-elle faire avaler cette couleuvre aux dizaines de députés MLC en particulier et Lamuka en général qui pourraient, forts de cet épisode fâcheux, jouer le trouble-fête lors de la prochaine course à la vice présidence de l’Assemblée nationale quoiqu’il en soit? Pour leur part, même s’ils ne souhaitent pas en rajouter à la psychose, les élus du FCC sont de plus en plus excédés par le climat politique délétère délibérément créé par les déclarations incendiaires des boutefeux du parti présidentiel.
AM AVEC LE MAXIMUM