Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin, elle finit par se briser. A force de multiplier les roulements de mécaniques, l’UDPS Jean-Marc Kabund a Kabund, premier vice-président de l’Assemblée nationale et président a.i. de l’UDPS risque de perdre son prestigieux poste de numéro 2 du saint des saints de la chambre basse du parlement. La démarche en faveur de sa destitution, initiée par le député MLC Jean-Jacques Mamba qui a réuni la semaine dernière 62 signatures est en passe de faire l’unanimité parmi ses collègues de plus en plus excédés par ses outrances à leur égard ponctuées par les menaces physiques à l’encontre des membres de l’institution parlementaire par des officiels du parti présidentiel et des bandes de partisans qui assiègent le palais du peuple pour ‘‘exiger’’ le retrait sans autre forme de procès de la motion contre leur mentor. « C’est inacceptable. Je n’ai jamais eu à cœur de voter pour la destitution de Kabund mais ces méthodes de fascistes aux antipodes des valeurs démocratiques auxquelles je crois me poussent à envisager sérieusement son départ du bureau», a déclaré une tête couronnée du FCC qui s’insurge de voir un membre du bureau prendre autant de libertés avec les principes qui régissent la deuxième institution de la République.
Tout a commencé avec une déclaration tonitruante de Jean-Marc Kabund accusant d’une part ses collègues des bureaux des deux assemblées parlementaires de vouloir asséner un mauvais coup au président Félix-Antoine Tshisekedi à la faveur du Congrès projeté pour légiférer sur la mise en œuvre de l’état d’urgence sanitaire décrété par le chef de l’Etat. A défaut d’arguments contre l’initiative de convoquer la plénière, le 1er vice-président du bureau de l’Assemblée nationale s’était fendu d’une déclaration télévisée accusant carrément ses collègues de vouloir prendre prétexte de cette initiative pour faire main basse sur un pactole de 7 millions USD au titre de frais d’organisation dudit congrès. Une information aussitôt démentie par le speaker du Sénat Alexis Thambwe Mwamba pour qui Kabund voulait simplement discréditer l’institution parlementaire à laquelle il appartenait.
Un tête-à-tête entre le président de la République Félix Tshisekedi et les deux présidents des chambres ayant ramené plus de sérénité à ce sujet, l’Assemblée nationale et le Sénat réunis séparément ont pu reprendre sereinement leurs activités. C’est sur ces entrefaites que le député Jean-Jacques Mamba (Opposition MLC-Lamuka) a adressé une question écrite au 1er vice-président de l’Assemblée nationale Kabund lui demandant d’élaborer ses accusations relatives au budget prohibitif de 7 millions USD pour le Congrès qui avaient traîné dans la boue l’honneur de tous les élus. A en croire, le député de la Lukunga, son assistant parlementaire chargé de déposer sa correspondance avec accusé de réception au cabinet de Kabund a été molesté par des collaborateurs de ce dernier, ce qui l’a poussé à passer à la vitesse supérieure. « J’ai résolu de transformer ma question écrite en une pétition pour solliciter la déchéance de M. Kabund qui avec de telles pratiques de violence ne mérite pas la place qu’il occupe au sein du bureau de notre institution», a déclaré Mamba à nos rédactions.
Les voies de fait infligées à l’assistant du député sont mises en exergue par la plupart des 62 signataires de la pétition contre Kabund qui se recrutent parmi les différentes composantes de la plénière. « Nous ne pouvons pas laisser un collègue nous terroriser de la sorte », disaient-ils.
Sans se démonter, les combattants UDPS pro-Kabund en ont rajouté une couche. Dans un communiqué la semaine dernière, un porte-voix du parti présidentiel est allé jusqu’à réduire carrément l’avenir de la coalition CACH-FCC au maintien de Jean-Marc Kabund au bureau de l’Assemblée nationale. « Il y a pourtant quelques semaines, l’Honorable Kabund déclarait à qui voulait l’entendre que la fonction de 1er vice-président de l’Assemblée nationale n’était qu’un pis-aller et qu’il était prêt à se libérer de cette responsabilité dès lors que des divergences de fond surviendraient avec ses collègues», rappelle un député membre de la coalition CACH où le numéro 2 de l’UDPS ne compte pas manifestement que des amis. Louis d’Or Ngalamulume, représentant de l’UDPS-T au Benelux avait lâché jeudi dans une déclaration que « certains députés de l’UDPS-Tshisekedi militent pour le départ de Kabund, et d’autres membres du parti à l’extérieur de l’hémicycle font pression pour obtenir son limogeage du poste de 1er vice président de l’assemblée nationale. Bon…vous avez récolté plus de 62 signatures […] le point est déjà à l’ordre du jour pour probablement ce samedi 16 mai ou la semaine prochaine. Et alors ? Il ne faut pas pleurnicher. Les députés ne se mangent pas entre eux». Une attitude marquée au coin du sceau d’un certain bon sens politique dont le bouillant président intérimaire du parti présidentiel semble totalement dépourvu car, sans coup férir, il a embouché les trompettes de la défiance pour dénoncer à travers sa cellule de communication, un ‘’piège’’ contre sa personne : « Pour avoir réussi a déjouer le piège initié pour l’organisation d’un congrès anti constitutionnel, dans le but d’ empêcher le chef de l’Etat de gérer l’Etat d’urgence, un groupe de politiques veulent la tête de jean Marc Kabund. Il sied de rappeler que le poste de premier vice-président qu’occupe l’Honorable Jean-Marc Kabund-A-Kabund au bureau de l’ Assemblée Nationale est le fruit de la coalition FCC-CACH et cela ne doit être soumis à aucun chantage. Menacer le représentant de Félix Tshisekedi et du peuple à cette haute fonction, c’est chercher à empêcher le chef de l’Etat à avoir un œil sur l’institution Assemblée nationale. Vigilance oblige», peut-on lire dans cette tirade dont l’auteur qui prêche ouvertement un régime de confusion de pouvoirs semblable à celui de la deuxième République mobutiste n’a que faire du principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs sur lequel est pourtant adossé l’ordre juridique en vigueur en RDC; un ordre juridique dont le président Fatshi est le garant au terme de son serment constitutionnel.
La ligne de défense de Kabund paraît en effet difficle à tenir dans une démocratie constitutionnelle. Invoquer sa proximité avec le chef de l’Etat pour justifier des excès aussi flagrants est une attitude d’autant politiquement inconséquente que, comme le disent les juristes, « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ». En l’espèce, Kabund a commis une bévue. Quel que soit sa position personnelle et celle de son parti vis-à-vis du projet d’organisation d’un congrès des deux chambres, sa qualité de membre du bureau l’astreignait à un devoir de réserve d’autant plus que les accusations graves lancées à l’encontre des deux bureaux sont fausses : d’une part, le président Tshisekedi n’était menacé par aucune mise en accusation et, d’autre part, les deux chambres n’ont jamais sollicité 7 millions USD pour le Congrès, raison pour laquelle Kabund n’a pu en apporter la moindre preuve, en dépit de la requête de son collègue Mamba.
Commentaire du chroniqueur Patrick Lokala : « cette façon burlesque de faire la politique sans aucune stratégie ni aucun tact est indigne d’un responsable de son niveau. Comment peut-on affirmer haut et fort que le poste de vice président de l’Assemblée nationale revient à un individu alors qu’en réalité ce poste est réservé à l’UDPS-Tshisekedi ce qui veut dire que même si Kabund en était destitué, il reviendrait de droit à son parti». On souligne qu’avec ses saillies irréfléchies, Jean-Marc Kabund n’a fait que ramener à la surface autant ses insuffisances conceptuelles que les fissures de son leadership de plus en plus contesté au sein de son propre parti. L’opinion se rappellera les bisbilles entre lui et le tandem Jacquemin Shabani – Paul Tshilumbu d’une part et d’autre part des parlementaires debout, base de l’UDPS qui ne cessent de dénoncer aussi bien l’intérim qui lui a été confié par le chef de l’Etat à la tête du parti que sa décision de se faire remplacer au secrétariat général de l’UDPS par son complice Augustin Kabuya ou encore la suspension de l’honorable Tshilumbu, porte-parole du parti.
Hémorragie interne
« Par égoïsme, égocentrisme, course à l’appât du gain facile et au positionnement, ainsi que par inconscience et irresponsabilité de certains de ses cadres, l’UDPS, un capital précieux, accumulé au prix de 40 longues années de sacrifices et de privations, est en train d’être dilapidé. Aujourd’hui, le parti le plus populaire de notre pays, et qui a focalisé les espoirs de millions de congolais quatre décennies durant, se meurt. Implantée dans tous les coins et recoins de la RDC par ses Pionniers, l’UDPS a été laminée aux scrutins électoraux de décembre 2018. Elle n’a pas réussi à faire élire un seul sénateur. Elle a dû se contenter de 32 députés sur 500 et d’un seul gouverneur de province. Aucune évaluation n›a été faite de ce désastre. Le parti historique déçoit et fait la honte juste au moment-même où, ayant l’un de ses membres assis dans le fauteuil présidentiel, il était le plus attendu pour trouver des solutions aux souffrances de nos compatriotes et pour relever les énormes défis économiques, sociaux, et sécuritaires qui pointent à l’horizon avec cette maudite pandémie de coronavirus» constatait récemment Corneille Mulumba, un co-fondateur de l’UDPS. Avant de proposer à l’intelligence, à la conscience, à l’esprit de militantisme et de patriotisme de ses jeunes camarades de sauver ce parti « en appliquant l’article 26 des statuts actuels et dans le respect des principes de l’Etat de droit qui prévoient que les trois membres du Directoire désignés Jean-Marc Kabund secrétaire général assumant l’intérim du président du parti, Victor Wakwenda, président de la Convention démocratique du parti (CDP) et de Jacquemin Shabani, Président de la Commission électorale du parti (CEP) se rencontrent en faisant preuve de modestie et d’humilité. Ils doivent, au nom de nos martyrs et en leur mémoire, se dépasser, taire leurs orgueils et signer ensemble un appel au sursaut patriotique, à l’union et à la paix des cœurs au sein de notre Parti. L’UDPS doit, en effet, pouvoir parler d’une seule voix, audible, intelligible, et crédible ».
De plus en plus de députés sont d’avis qu’au regard des bourdes de leur collègue Kabund, la pétition de Mamba est une bonne initiative bien que prise au mauvais moment. Le point de vue le plus partagé dans l’hémicycle est qu’à défaut de faire amende honorable, il devra d’une façon ou d’une autre, soit payer le prix de ses pulsions incontrôlées, soit s’attendre à ce qu’au moins le Règlement intérieur soit amendé pour interdire toute possibilité de cumul des fonctions de membre du bureau avec celles de responsable au sein d’un parti politique comme c’est le cas pour les membres du Gouvernement. Si Kabund perd son strapontin de premier vice-président de l’AN cela n’affecte en rien la santé de la coalition FCC-CACH. « En tout état de cause l’UDPS, pierre angulaire du CACH doit savoir sélectionner pour la représenter des cadres plus expérimentés et mieux formatés dans des fonctions aussi sensibles », conclut un élu de Lamuka qui désespère de voir le FCC lâcher Kabund.
AM