La démocratie en RDC a d’abord été le fait de l’administration coloniale belge. En effet, malgré la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, la Belgique ne consentît que neuf ans plus tard à organiser des élections municipales dans quatre villes seulement: Léopoldville (Kinshasa), Élisabethville (Lubumbashi), Jadotville (Likasi) et Stanleyville (Kisangani). Mais la conscience politique des Congolais était telle qu’ils avaient hâte d’évoluer au sein d’une nation indépendante. À force de secouer le cocotier, la métropole belge lâcha du leste en organisant en 1960 une table ronde à Bruxelles pour échelonner les étapes de l’accession du Congo-Belge à la souveraineté nationale et internationale.
L’une de ces étapes en furent les élections législatives et provinciales desquelles devrait être issu le premier parlement d’où devait sortir un gouvernement et qui devait désigner au suffrage indirect un chef de l’Etat.
Avant l’indépendance donc, le Congo était déjà fixé sur ses futurs dirigeants. L’ancien bourgmestre de Dendale Joseph Kasavubu fut élu président de la République par la majorité parlementaire acquise au premier ministre Patrice-Emery Lumumba.
Une démocratie importée ?
La République naissante du Congo était démocratique, du moins en apparence. Car, il apparaissait clairement que ces institutions calquées sur le modèle de la métropole ne plongeaient pas suffisamment leurs racines dans une expérience authentiquement congolaise pour résister aux assauts des diktats extérieurs. Désireuse de garder la haute main sur les importantes ressources naturelles de son ancienne colonie, la Belgique n’attendra pas longtemps avant d’asséner un premier coup fatal au jeune Etat. Face à un premier ministre intransigeant sur l’indépendance totale de son pays, elle parraina les sécessions des riches provinces du Katanga et du Kasaï avant d’écarter et d’éliminer carrément Lumumba, malgré l’écrasante victoire de son bloc nationaliste aux élections législatives et provinciales. Le 17 janvier 1961, la démocratie congolaise fut pour ainsi dire assassinée dans les faubourgs de Lubumbashi suite à une conspiration américano-belge, au profit d’une gouvernance par procuration des puissances étrangères par l’entremise d’hommes-liges congolais. Jugé trop indolent pour servir efficacement les intérêts des conspirateurs, Kasavubu qui avait aidé à l’élimination physique de Lumumba passera à son tour à la trappe au profit de son complice Joseph Désiré Mobutu le 24 novembre 1965. Ce fut le début d’une longue dictature néocoloniale qui dura 32 ans.
La revanche des lumumbistes
Peu avant sa mort, Lumumba avait lancé un appel à la résistance en direction de ses partisans sur toute l’étendue du pays.
Du Nord au Sud, de l’Ouest à l’Est, des maquis pour la sauvegarde de la souveraineté du peuple fleurirent, donnant du fil à retordre aux réactionnaires et à leurs parrains qui se liguèrent pour en venir à bout. Le front lumumbiste du Nord-Katanga et Sud-Kivu faira preuve de plus de résilience. Son leader, Laurent Désiré Kabila cristallisa les espoirs de ses camarades et parvint à évincer le dictateur Mobutu et son système néocolonial. Pour les nationalistes-lumumbistes, les usurpateurs qui avaient confisqué l’Imperium par la force devaient aussi être chassés par la force afin que le peuple s’organise pour exercer le pouvoir à travers ses représentants élus démocratiquement.
Aidé par le Rwanda, l’Ouganda et surtout l’Angola, Laurent Désiré Kabila n’eut aucun mal à conquérir le pouvoir après un assaut de 7 mois. Intransigeant comme son maître Patrice Lumumba, il sera à son tour assassiné presque 40 ans jour pour jour après ce dernier, le 16 janvier 2001 alors que ses anciens alliés rwandais et ougandais enivrés par le lait le miel de l’eldorado congolais, occupaient les deux tiers du territoire national. Mzee Kabila est mort donc sans avoir eu le temps matériel d’organiser des élections car les puissances étrangères qui avaient échoué à le brider l’avaient opposé à ses anciens alliés. Son fils Joseph Kabila essayera avec plus de tact de tirer profit des échecs dus aux erreurs de Lumumba, Mzee Kabila et leurs partisans face à l’impérialisme. Alliant stratégie, tact et détermination, il s’est lancé avec une ruse de Sioux à la poursuite de l’objectif démocratique de la révolution du 17 mai 1997, conscient qu’aucune relance économique n’était possible sans démocratie. Démocratiser le pays pour mieux le développer, tel fut son leit motiv. Il parvint à réunifier un Congo déjà en voie de balkanisation et ouvrit une transition inclusive au cours de laquelle la constitution actuellement en vigueur fut adoptée par référendum populaire. L’organisation, 46 ans après 1960 d’élections générales démocratiques, pluralistes, transparentes et apaisées remit le pays sur la voie de la normalité. Elles permirent la mise en oeuvre de deux programmes économiques ambitieux : les cinq chantiers et la révolution de la modernité.
A la fin de ses deux mandats constitutionnels, Joseph Kabila donna l’occasion à la jeune démocratie congolaise de se consolider grâce à une première passation civilisée du pouvoir au sommet de l’État entre le président sortant qu’il était et son opposant le plus radical Félix Tshisekedi.
Halte au révisionnisme
Malgré cette première alternance, les Congolais sont toujours en quête de leur souveraineté et de leur bien-être menacés par les nostalgiques de d’un ordre impérialiste qui refuse de mourrir. Leur satisfaction reste à cet égard mitigée. Artisan avec son prédécesseur de la révolution du 17 mai 1997, Joseph Kabila a attribué en novembre 2018 les faiblesses de ses deux mandats à l’insuffisance de transformation de l’homme congolais. En d’autres termes, il estimait qu’il fallait davantage poursuivre le processus de changement des mentalités pour plus de civisme. Car l’émergence dont le pays s’est fixé le cap ne peut être que l’œuvre des Congolais instruits, décomplexés et patriotes. D’où l’importance de ne pas jeter l’enfant avec l’eau du bain. Paris ne s’est pas construit en un seul jour. Il existe des raisons de croire que pour avoir eu le temps de poser sa thèse et d’en subir l’antithèse, elle peut désormais embrayer sur sa synthèse en se projetant résolument sur l’orbite du développement économique. Il s’agit donc d’une page importante de l’histoire glorieuse de notre pays qu’il faut se garder de déchirer trop vite.
JBD