L’homme qui a traduit en justice Joseph Kabila Kabange pour des prétendus méfaits commis pendant ses 18 ans à la tête de l’Etat congolais a finalement été rattrapé par un scandale pornographique sado-machiste. Sa victime, Mamie Tshibola, veuve d’un de ses plus proches collaborateurs, le prophète Katshia, décédé en 2015 des suites d’un empoisonnement, a décidé de vendre la mèche en mettant fin à l’esclavage sexuel auquel elle et la fille aînée de son défunt mari étaient soumises par le sulfureux ‘‘évêque’’ de ACK Pascal Mukuna en échange de la jouissance de leur héritage naturel dont ce dernier s’était improvisé liquidateur.
Finalement, le tonitruant Mukuna n’a même pas eu besoin qu’on le pousse à la faute… «De toutes les façons il se battait contre son ombre», estime sur un ton sarcastique Alfred Mote, secrétaire général adjoint de la CCU, pour qui personne dans le sérail du FCC n’avait pris au sérieux les rodomontades de ce saltimbanque destinées à s’attirer les faveurs du nouveau régime en place à Kinshasa.
En effet Pascal Mukuna s’était constitué un petit magot en offrant ses services à des membres du cercle restreint de l’ancien président Joseph Kabila. Soucieux de plus de cohésion nationale pour assoir ses réformes, ce dernier n’était pas resté impassible aux appels du pied du propriétaire des Assemblées Chrétiennes de Kinshasa à partir de 2015. Dans une capitale congolaise alors chauffée à blanc par ses adversaires de l’époque, un soutien de celui qui révendiquait un statut de leader sociologique et réligieux et proposait la création d’une équipe de football susceptible de canaliser les pulsions subversives de certains jeunes kinois ne pouvait être que le bienvenu.
Malgré les juteuses prébendes qu’il s’est adjugées sous Joseph Kabila, Mukuna s’est retourné, toute honte bue, contre son ancien sponsor en faisant les yeux doux au président Félix Tshisekedi de l’UDPS, vainqueur de l’élection présidentielle de décembre 2018. Sans gêne, il postule dorénavant à en devenir le ‘‘fou du roi’’ attitré et tente déspérément de faire oublier qu’il ne fut rien d’autre que l’aumônier spirituel de la campagne du dauphin de Joseph Kabila, Emmanuel Ramazani Shadary.
Mukuna le kabiliste
Que Mukuna puisse transformer ses homélies en meetings politiques n’est pas nouveau. Au cours des années Kabila, c’est lui qui se chargeait, du haut de sa chaire, de recadrer les confessions religieuses réfractaires au leadership du quatrième président rd congolais contre lesquelles il vitupérait parce qu’elles se mêlaient de politique politicienne, objectant que le Christ exhortait plutôt ses pasteurs à laisser à César ce qui lui revenait. Ses diatribes contre l’abbé Donatien Nshole, porte-parole de la CENCO, à l’époque des marches organisées par le Comité Laïc de Coordination (CLC) lui valurent même l’adhésion d’un kabiliste notoire en la personne de l’alors ministre du développement Justin Bitakwira accueilli en prince pendant les cultes dominicaux au siège de l’ACK à Bandal.
Même après son départ volontaire du pouvoir, Joseph Kabila a continué à faire l’objet des applaudissements frénétiques sollicités avec fougue par Pascal Mukuna à ses ouailles pour une raison ou une autre.
Le revirement
Avec le changement de régime, Mukuna flaire la première occasion pour essayer de déménager avec armes et bagages dans le camp du nouveau président de la République Félix-Antoine Tshisekedi. Une transhumance qu’il suppose d’autant plus aisée ce dernier est un ‘‘frère’’ de tribu…
Le malicieux pasteur-propriétaire des ACK profita alors du premier couac entre les deux partenaires de la coalition CACH-FCC, Tshisekedi et Kabila pour jouer son va-tout et se ‘‘positionner’’. Pendant les laborieuses négociations pour la formation du gouvernement de la coalition, Mukuna qui escompte un échec de celles-ci prend publiquement fait et cause pour le CACH qui représente le camp présidentiel en déclarant que tous les ministères régaliens à savoir l’Intérieur, la Défense, les Affaires étrangères et la Justice auxquels il ajoutait les Finances devaient impérativement revenir au CACH parce que «le FCC a échoué». Le fossé se creuse et le désormais ancien zélateur de Kabila ne peut plus reculer. Première tentative, premier échec: Tshisekedi et son ‘‘frère’’ Kabila parviennent à s’entendre pour répartir équitablement lesdits postes entre leurs deux plate-formes.
Ce ne sera pas la seule déconvenue pour l’agitateur Mukuna : après la publication du gouvernement, le nouveau ministre de la jeunesse, un membre de CACH, annoncera urbi et orbi qu’il entendait récupérer tous les immeubles spoliés de son ministère, parmi lesquels figurait en bonne position … le siège national des ACK, le saint des saints dans lequel Mukuna officie. C’est la preuve que sa conversion n’est pas encore totalement validée par le nouveau pouvoir. Il lui faut devenir plus royaliste que le roi. Il fait alors le tour des plateaux de radios et télévisions exigeant des hommages royaux au nouveau chef de l’État, tout en dénigrant à chacune de ses saillies son prédécesseur.
Pour cette nouvelle phase de son activisme, il crée l’Asbl «Eveil patriotique» dont l’objectif déclaré est d’en finir avec Joseph Kabila grâce au soutien de la «communauté internationale» (sic !). Il promet au passage un ‘‘plan B’’ pour rameuter la population afin de «chasser Joseph Kabila du pouvoir», comme si l’existance d’un gouvernement de coalition réduisait Félix Tshisekedi en une simple marionnette. Ces propos aussi orduriers que maladroits n’ont visiblement pas amusé le nouveau chef de l’Etat qui chargea un de ses principaux conseillers, François Beya à le raisonner sans aménités.
Le fameux plan B tardait toujours à prendre corps. En désespoir de cause, Mukuna décida de plonger carrément dans une démesure caricaturale en formulant une «plainte contre Joseph Kabila» accusé de tous les péchés d’Israël. Sans se soucier ni d’un éventuel mandat ni de base juridique pouvant lui permettre d’ester en justice contre un ancien président de la République bénéficiant en droit positif congolais d’immunités pour les actes éventuellement posés pendant l’exercice de ses fonctions à la tête de l’Etat.
Mukuna n’avait convaincu que lui-même
Malgré un certain effet d’annonce sur les réseaux sociaux, les arguties de Pascal Mukuna semblaient ne pas émouvoir outre mesure. En dehors de lui-même et d’une petite bande de troubadours, personne de sérieux ne s’était engagé publiquement à soutenir sa rhétorique haineuse. On aura noté parmi ses accompagnateurs au siège de la Cour constitutionnelle Jean Claude Katende qui n’a jamais raté une occasion de faire étalage de sa détestation viscérale de Joseph Kabila, coupable d’avoir donné des sueurs froides à ses bienfaiteurs de la haute finance internationale.
Du côté du CACH du président Tshisekedi, aucune tête courronée ne pouvait se méprendre sur les motivations mercantilistes et les suites de la démarche opportuniste de ce fervent kabiliste qui, telle une girouette, a tourné casaque sans états d’âme à la vitesse de l’éclair, car qui a trahi trahira. Le militantisme tshisekediste tardif de Mukuna n’était donc pas du goût de CACH.
Triste fin
La pantalonnade de mauvais goût de Pascal Mukuna va se terminer en eau de boudin sans même que ceux qu’il tenait à transformer en ennemis n’aient eu le temps de lui rendre la monnaie de sa pièce. Un scandale sexuel déjà sur la table des juges se charge de jeter la lumière sur ce personnage controversé qui n’a pas sa place sur l’arène politique d’un pays sérieux. Noël Tshani, ancien candidat à la présidentielle et peu suspect de sympathie envers le FCC, le décrit comme «un criminel qui se sert de la religion pour causer des dégats à la société. Il est temps qu’il soit traité comme tel par la justice.»
Aucune chance donc que Joseph Kabila comparaisse devant la Cour constitutionnelle à la suite des élucubrations de Mukuna dont le député national CCU/FCC Lambert Mende a remis en cause l’équilibre mental.
En effet, le chef de l’Etat sortant est protégé par la loi, ainsi que l’indique le
paragraphe 2 du statut pénal de la loi sur les anciens présidents de la République élus:
«Article 7: Tout ancien président de la République élu jouit de l’immunité des
poursuites pénales pour les actes posés dans l’exercice de ses
fonctions. Article 8: Pour les actes posés en dehors de l’exercice de ses fonctions, les
poursuites contre tout ancien président de la République élu sont
soumises au vote à la majorité des deux tiers des membres des deux
chambres du parlement réunies en congrès suivant la procédure prévue
par son Règlement intérieur.
Aucun fait nouveau ne peut être retenu à charge de l’ancien président
de la République élu.
Article 9: En matière de crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité
commis par tout ancien Président de la République élu, les
juridictions nationales ont priorité sur toute juridiction
internationale ou étrangère». Mais on ne peut manifestement pas compter sur Pascal Mukuna pour lire et encore moins comprendre les textes de loi.
JBD