Voici mon histoire. Je la raconte avec l’espoir qu’elle puisse aider nos compatriotes à comprendre les enjeux de cette maladie (Covid-19) et ses conséquences, faute d’une communication adéquate.
Dimanche 15 mars, je suis attaqué par un rhume, une toux et des sueurs froides avec une faiblesse générale et des douleurs à la tête ainsi qu’aux articulations.
Lundi 16 mars 2020, au cours d’une réunion avec Jacques Ilunga et d’autres collègues, quelques cas de Covid-19 ayant été reportés à Kinshasa, nous avions décidé de respecter les consignes de distanciation sociale.
Mardi 17 mars (J-1), par acquis de conscience, j’ai pris contact avec l’INRB pour me faire tester avec ma famille.
Jeudi 19 mars 2020 (J-3), l’équipe des épidémiologistes de l’INRB vient à mon domicile procéder à nos prélèvements sanguins, buccaux et nasaux.
Vendredi 20 mars (J-4), je suis informé que mon ami et collègue Jacques Ilunga a fait un malaise cardiaque et est admis à HJ Hospital à Limete.
Dimanche 22 mars (J-6), un appel téléphonique de l’épidémiologiste me rassure que tous nos tests étaient négatifs et qu’il viendrait me les remettre en main propre dès le lendemain lundi 23 mars.
Lundi 23 mars (J-7) dans l’après-midi (15h30’), l’épidémiologiste que j’ai appelé me dit que faute de véhicule, il était dans l’incapacité de me rejoindre à la maison pour la remise des résultats. Par la suite, il est venu me les remettre. En lisant les résultats, je remarque qu’ils étaient positifs contrairement à ce qu’il m’avait dit auparavant. A la lumière de cette information, ma mise en quarantaine est décidée séance tenante et mon dossier est transmis à l’équipe de « prise en charge» des malades atteints du Covid-19.
Pendant 48h, donc jusqu’au mercredi 25 mars (J-9), je n’ai eu aucune nouvelle de l’équipe de prise en charge. J’ai à nouveau pris l’initiative d’appeler les numéros qui m’avaient été remis.
Ce même mercredi à 22 h 30’ finalement, le médecin en charge est venu me visiter pour auscultation, prise de tension, saturation d’oxygène dans les poumons et relevé de température. Les paramètres étant jugés rassurants, il me prescrit le protocole adopté par l’équipe de riposte : Chloroquine et Zithromax.
Du fait que mon cas ne présentait pas de signes de complications, mon isolement sera maintenu à domicile comme c’est le cas pour d’autres malades dont l’état ne nécessite pas impérativement une hospitalisation. Cette mesure vise à maintenir la disponibilité des places sur les sites hospitaliers afin d’optimiser les chances de succès d’une prise en charge rapide des patients présentant de vraies complications.
Ce n’est finalement que le vendredi 27 mars (J-11), à 21H30’ que je reçois la cure de chloroquine et de zithromax.
Le même vendredi j’apprends avec stupeur, que mon collègue Jacques Ilunga est décédé après avoir été ballotté de HJ Hospital à l’Hôpital du cinquantenaire, puis à la Clinique Ngaliema et transféré jeudi soir dans un véhicule sans respirateur au Centre Médical de Kinshasa (CMK). Malheureusement sa situation était irrécupérable vu la détérioration de ses poumons. On m’informera que l’une des causes du décès de Jacques était que les équipes médicales, sous-informées et craintives du Covid-19, ne se sont quasiment pas occupées de lui et ne lui ont pas donné les soins adéquats…
Plusieurs autres cas de décès de malades incorrectement pris en charge m’ont été relatés. Après toutes ces péripéties, j’ai décidé le samedi 28 mars (J-12), de rendre public mon diagnostic.
Cette décision, j’ose l’espérer, permettra à nos concitoyens de prendre la juste mesure du risque que représente cette maladie. J’ai souhaité également en faisant cela la démystifier et éviter que la peur et la psychose ne prennent le dessus sur la prévention, la prise en charge responsable.
Le samedi 28 mars, une connaissance qui passait sa quarantaine aussi à son domicile avait été acheminée au CMK où on lui a diagnostiqué après scanners, des lésions pulmonaires. Il a été mis sous respirateur.
Dimanche 29 (J-13), alors que je n’ai plus revu l’équipe de suivi de l’INRB débordée par le volume de travail, j’ai demandé à mon médecin de faire effectuer lui-même les scanners de mes poumons.
Vu que cette maladie sournoise n’est curable que lorsque l’on s’y prend à temps pour la contrer, je suis satisfait de ma décision malgré tout ce que cette pandémie peut entraîner comme questionnements quand on est testé positif. Le CMK nous a informé qu’il ne faisait pas de scanners dimanche sauf pour les urgences et que nous pouvions nous y rendre le lendemain lundi.
Lundi 30 (J-14), une ambulance vient me prendre à mon domicile et m’emmène au CMK où une responsable paniquée, m’a éconduit en clamant qu’elle me connaissait et que le CMK refuse les patients atteints du Covid-19.
L’ambulance me conduira ensuite à HJ Hospital où les dispositions ont été prises pour me faire passer les scanners. En 20 minutes, tout avait été fait. Dès le 2ème jours de prise de la cure de chloroquine couplée au zithromax, mes essoufflements avaient disparu et je me sens de mieux en mieux.Mardi 31 mars 2020 (J-15), soit 13 jours après avoir été testé positif au Covid-19 et au 4ème jour de ma médication, je présentais tous les signes d’un bon rétablissement.
J’entends et je lis beaucoup de choses sur mon cas et sur d’autres. J’ai appris dernièrement que des familles sont pointées du doigt parce qu’il y aurait une (ou des) personne(s) atteinte(s) du Covid-17 chez eux. J’ai moi même vécu l’expérience avec des collaborateurs (chauffeurs, etc.) menacés dans certains cas. C’est le manque d’information qui entraîne ce genre de psychose et de panique. C’est ce même manque d’information qui pousse le corps médical, sous-informé et certainement sous-équipé, à ne pas répondre avec sérénité à cette crise qui selon toute vraisemblance, prendra encore de l’ampleur.
Nous ne devons pas craindre ce virus qui ne tue que moins de 5% des malades, mais par contre nous devons nous en préserver au maximum par des gestes simples, tel que ceux annoncés par le ministère de la Santé en collaboration avec l’OMS. Mon récit n’a pas pour objet de jeter la pierre sur le système sanitaire de la RDC, ni même sur les institutions publiques qui ne ménagent pas leurs efforts pour répondre efficacement à cette pandémie.
Toutefois, je tiens fermement à tirer la sonnette d’alarme afin que les mesures d’information et d’encadrement soient prises et que chacun se fasse le relai de ce combat.
Le taux de pénétration de l’Internet et des médias est très faible, même dans une ville comme Kinshasa.
J’invite donc tous les citoyens, à se mobiliser afin de véhiculer la bonne information.
Certains hôpitaux refusent de participer à la lutte contre ce fléau, souvent de peur de faire fuir sa clientèle. C’est contraire au serment d’Hippocrate.
Je sais bien que je suis un privilégié vu mon statut et mon parcours. Il est tout aussi vrai et connu, que les hommes ont tendance à profiter des événements graves pour déstabiliser ou tirer des avantages de la situation et alimenter des agendas politiques.
Dans, le cas présent à mon humble avis, il est temps que les Congolais tournent leurs regards sans arrière-pensées vers la lutte contre le Covid-19 dans l’unité et la cohésion.
Certains présidents étrangers, dans des pays bien mieux préparés que le nôtre, parlent de guerre contre ce virus. Or, lorsqu’une nation va en guerre, il n y a plus de tribus ni de partis. Nous devons être UN face à cet ennemi global.
Ce fléau est apparu en décembre 2019 en Chine, mais nous savons qu’il faut remonter plusieurs semaines auparavant. Pendant 4 mois au moins, la Chine infectée a eu des interactions avec le monde entier et en particulier avec notre pays la RDC. Combien de commerçants chinois, congolais ou autres ont fait des aller retours Chine-RDC pendant cette période?
Aujourd’hui les États Unis comptent bien plus de cas que la Chine qui a trouvé la réponse à cette épidémie. De même la France, l’Italie, la Belgique, l’Afrique du Sud, et tant d’autres pays sont gravement touchés. Tous ont eu des interactions avec la RDC. Ne nous voilons pas la face. En Europe on fait plus de 16.000 tests par jours dans certains pays comme l’Allemagne. Chez nous en RDC, notre capacité de test ne dépasse pas les 150 par jours dans le meilleur des cas. Cela sous-entend clairement que le nombre de cas d’infection ici doit être bien supérieur à ce qui est annoncé avec toute la bonne volonté à ce jour. Le point encourageant c’est le fait que plus de 95% des malades vont se faire soigner avec succès comme contre une mauvaise grippe.
Il ne faudra donc répondre avec force que pour moins de 5% de cas.
Pour éviter les cas graves, il faudra prendre des mesures plus drastiques pour les personnes à risque ayant des complications tels que les diabétiques, asthmatiques, obèses ou souffrant de maladies qui affaiblissent les défenses immunitaires.
Il faut aussi savoir que plus tôt est soignée la maladie et plus nos chances de se retrouver dans les 95% de cas bénins sont grandes.
Alors au lieu de se cacher et d’avoir honte, assumons- nous et affrontons ce danger !
J’ose me dire et partager avec vous ma réflexion que, même si ce n’est pas encore vérifié scientifiquement, le fait que nos populations ont été exposées depuis la tendre enfance au paludisme et à ses médicaments tels que la chloroquine, il se pourrait que nos organismes soient plus résistants au Covid-19 que d’autres.
Ce serait là un véritable clin d’œil du destin pour nos populations qui n’ont connu déjà que trop de souffrances.
Que Dieu nous guide et nous protège.