La RDC a décidément mal à sa diplomatie. Après le renvoi des ambassadeurs Mukongo (Genève) et Gata (New York) pour avoir soutenu la Chine conformément aux instructions du ministère des Affaires étrangères; après la démission de l’excellent secrétaire général dudit ministère, Christian Ileka Atoki; après le scandale des injonctions de la ministre d’Etat Marie Ntumba Nzeza instaurant une discrimination abusive entre détenteurs de passeports diplomatiques aux dépens des députés et sénateurs… congolais à l’aéroport de N’Djili, le retrait par l’administration Trump de Peter Pham, un lobbyiste d’Atlantic Council nommé envoyé spécial Grands Lacs des Etats-Unis qui vient d’être muté vers la région du Sahel défraie la chronique des errements de la politique étrangère rd congolaise. Ce diplomate atypique avait brièvement fait la pluie et le beau temps à Kinshasa où le tapis rouge était régulièrement déroulé pour lui et les hommes d’affaires américains qui l’accompagnaient lors de ses visites tant à la présidence, à la primature qu’aux affaires étrangères, se mêlant à tout bout de champ de questions de politique intérieure, allant jusqu’à prétendre imposer aux autorités congolaises les noms des officiers à positionner sur la chaîne de commandement des FARDC. Avant d’être « désaffecté » de la très fragile région des Grands Lacs par son propre gouvernement, il a été cité parmi les auteurs – directs ou indirects – de la campagne ayant entraîné la mort jusque-là non élucidée du général-major Delphin Kahimbi, chef de la sécurité militaire de la RDC qu’il accablait de propos infamants et incendiaires jusqu’à la veille de sa tragique disparition. À considérer la condescendance de ce théoricien de la balkanisation de la RDC vis-à-vis du nouveau pouvoir à Kinshasa, il est difficile d’imaginer que son transfèrement vers le Sahel soit le couronnement d’un mandat réussi au pays de Lumumba. De l’avis de beaucoup d’observateurs, si la diplomatie congolaise était au diapason des Intérêts Nationaux, Peter Pham n’aurait jamais dû être accrédité dans la région des Grands lacs. Il est de notoriété publique depuis de longues années qu’au sein du célèbre ‘think tank’ Atlantic Council de Washington DC, cet africaniste a toujours défendu avec fougue l’idée de l’atomisation de la RDC, ‘’trop grande pour être gouvernable’’ selon lui. Une hypothèse que les Congolais, toutes tendances confondues, ont toujours abhorrée. « Le simple fait que ce stratège de l’inanité de la nation congolaise ait pu être accepté par le gouvernement congolais comme interlocuteur attitré pour les questions de la stabilité dans la région des Grands Lacs africains au sein de laquelle se trouvent nombre de relais de la partition du Congo qui n’attendent que la première occasion pour réaliser leur funeste projet relevait déjà du scandale le plus abject », estime un expert de l’Institut des Recherches Géostratégiques et d’Études Stratégiques (IRGES) basé à l’Université Pédagogique Nationale de Kinshasa. Il ajoute qu’« un gouvernement responsable et normalement diligent ne pouvait pas permettre à un tel personnage qui a professé pendant de nombreuses années des idées aux antipodes de l’opinion publique nationale de gérer un tel dossier. En acceptant Peter Pham, les nouvelles autorités congolaises ont donné la désastreuse impression qu’elles étaient prêtes à avaler n’importe quelle couleuvre américaine sans transiger». Victimes des multiples ingérences extérieures dont le cynisme et la cruauté leur ont coûté la vie et la liberté des meilleurs d’entre eux, de Dona Kimpa Vita, Simon Kimbangu, Patrice-Emery Lumumba, Pierre Mulele à Mzee Laurent Désiré Kabila, les Congolais n’ont certainement rien à gagner avec un diplomate si ouvertement opposé à leurs intérêts.
Il n’est jamais trop tard pour bien faire. Le moment est peut-être venu pour le président Tshisekedi de se poser la question de savoir à quoi nous servent concrètement ces « super diplomates » appelés envoyés spéciaux, là où des relations conventionnelles d’Etat à Etat ne paraissent de toute évidence poser aucun problème particulier…
‘‘Envoyés spéciaux’’, un impérialisme suranné
L’idée d’un envoyé spécial d’un pays africain auprès d’un Etat de l’hémisphère Nord ou d’un autre du continent peut-elle germer sans que son initiateur ne soit soupçonné de délire irrationnel ? C’est pourtant ce qui se passe ces dernières années dans les allées du pouvoir à Washington DC et à Bruxelles lorsqu’on élabore les politiques de coopération avec les pays anciennement colonisés du continent noir. Perçus comme des véritables proconsuls chargés de mandats comminatoires que la diplomatie classique, policée par essence, ne peut décemment endosser, ces envoyés spéciaux sont en déphasage avec la Convention de Vienne de 1961 qui régit les représentations consulaires, interfaces des rapports entre Etats dans le monde moderne.
On se trouve face à une tricherie déguisée. Les relations diplomatiques sont assises sur la Convention de Vienne, à laquelle s’ajoutent des traités, des normes, des us et coutumes qui garantissent le principe de l’égale souveraineté entre États. « La terminologie «envoyés spéciaux» fut d’usage courant avant la convention de Vienne pour désigner les délégués plénipotentiaires d’une entité étatique chargés d’une mission spécifique auprès d’une autre. C’est manifestement par nostalgie que des puissances occidentales qui n’ont jamais fait le deuil de la colonisation tentent de remettre au goût du jour ce concept caduc. Ce sont en fait des barbouzes dont la mission n’a rien à voir avec le droit international », estime cet ancien diplomate congolais blanchi sous le harnais des accointances souterraines entre certaines anciennes métropoles et les États africains depuis la deuxième République de Mobutu.
Des caïmans aux dents longues et acérées
On ne peut que donner raison à Joseph Kabila d’avoir décidé en son temps de mettre fin à la pratique des envoyés spéciaux après avoir constaté qu’ils étaient en réalité « spécieux » car œuvrant à promouvoir l’anomie ou l’anomalie dans les relations entre États. En préférant clairement les diplomates traditionnels (ambassadeurs et chefs de missions diplomatiques)dûment accrédités à cette pègre interventionniste, le quatrième président rd congolais avait jeté un pavé dans un marigot infesté de caïmans aux dents longues et acérées. En réalité, il n’y a rien qu’un envoyé spécial puisse faire qui ne relève des compétences ou des capacités pas d’une mission diplomatique classique.
Le déclic de la mort du général Kahimbi
Les FARDC n’aurait jamais pu figurer, en partant du néant, dans le top 10 des puissances militaires africaines (10ème en 2018, 9ème en 2019, 8ème en 2020) sans le génie et le savoir-faire du corps de ses officiers. Il n’est un secret pour personne que depuis que l’armée gouvernementale est devenue dissuasive, aucune force étrangère n’ose ces promenades de santé à l’intérieur des frontières de la RDC auxquelles certains pays voisins et leurs mentors outre-Atlantique et outre-Méditerranée s’étaient habitués.
Les forces de défense et de sécurité du Congo-Kinshasa font face désormais à des bandes terroristes qui ne doivent leur survie qu’au caractère asymétrique de leurs lâches assauts contre des cibles civiles. Parmi les chefs militaires qui ont donné des sueurs froides aux nostalgiques d’une RDC à genoux, on comptait le général Delphin Kahimbi. Un des officiers les plus valeureux d’une armée républicaine, l’homme a perdu la vie au terme d’une ignoble intrusion de type néocolonial de gouvernements occidentaux dans les affaires intérieures congolaises et de l’acharnement outrecuidant de deux officiels américains, le désormais ex-envoyé spécial Grands Lacs Peter Pham et l’ambassadeur Mike Hammer qui s’est surnommé ‘’Nzita’’, un nom du terroir comme pour affirmer son droit de regard sur les questions domestiques de la RDC.
On se souvient que ces deux hauts fonctionnaires US avaient enflammé la chronique en se répandant en propos triomphants sur les réseaux sociaux et les médias pour exhiber comme un trophée les tracasseries humiliantes subies par cet officier général des FARDC.Des deux choses l’une : ou le général Kahimbi a succombé des suites d’un AVC provoqué par un stress consécutif aux tracasseries encouragées par les deux officiels américains, ou il a été « suicidé » par des malfrats non encore identifiés mais motivés par leur campagne d’infamie. Dans un cas comme dans l’autre, leur responsabilité dans cette tragédie est engagée, nonobstant les résultats attendus de l’enquête ordonnée par le président de la République, commandant suprême des FARDC à ce sujet.
What next ?
Si le retrait du « balkanisateur » Peter Pham de la région des Grands Lacs dans laquelle la RDC occupe l’espace le plus significatif est consécutif, d’une part, à son opposition notoire et assumée aux aspirations légitimes des Congolaises et des Congolais à l’unité nationale et l’intégrité territoriale de leur pays et, d’autre part, à un manque flagrant de tact et de circonspection dans des matières sensibles comme le commandement des forces de défense et sécurité, on ne peut justifier que son associé dans cette dernière forfaiture, l’ambassadeur Mike « Nzita » Hammer ne subisse aucune conséquence de ses actes. Ce diplomate fantasque qui cache mal son âme de prédateur en jouant au corbeau et au renard de la Fontaine ne rassure plus ceux qui misent sur une relation décomplexée et mutuellement avantageuse entre la RDC et les USA. S’il venait à son tour à être éloigné de Kinshasa, cela grandirait à la fois Donald Trump et Félix Antoine Tshisekedi dans leur quête commune d’un véritable partenariat privilégié entre leurs deux pays qui ne peut en aucune manière faire l’économie de respect mutuel entre partenaires.
JBD Shimuna