Dans leurs éditions du 8 février, nos confrères de RFI ont fait état à maintes reprises d’une prétendue mise en examen depuis décembre 2019 de Denis Christel Sassou Nguesso pour détournement de deniers publics et blanchiment de capitaux. La « radio mondiale » annonçait également que les propriétés de l’homme politique brazza-congolais à Paris et à Neuilly-sur-Seine avaient été saisies. L’information n’est pas anodine. Denis Christel, 45 ans, n’est autre que le fils de feue Lily Kaniki, cousine du cardinal rd congolais Laurent Monsengwo Pasinya et de Denis Sassou Nguesso, le chef de l’Etat de la République du Congo qui semble être la cible de cette campagne. Haut cadre d’une entreprise publique congolaise depuis 2011, il est député (Parti Congolais du Travail) élu de la circonscription d’Oyo depuis le 5 septembre 2012. Ancien de l’École militaire préparatoire Général Leclerc de Brazzaville, il est détenteur d’une maîtrise en droit privé obtenue en France. Il rejoint en 2001 le bureau londonien de la Société nationale des pétroles du Congo (SNPC) avant de rentrer au Congo où il a été tour à tour administrateur de la Cotrade (filiale de la SNPC, s’occupant de la commercialisation) de 2005 à 2009, directeur général adjoint de l’aval pétrolier de la SNPC en janvier 2011 puis président directeur général de « SNPC Distribution » et administrateur général de la Congolaise de raffinage (Coraf). Son activité dans le monde du pétrole lui a valu le surnom de « Kiki le pétrolier ». Dès 2007, DCSN entame une carrière politique en créant le Pôle des jeunes républicains. En 2011, il entre au bureau politique du Parti congolais du travail (PCT). Le 15 juillet 2012, il est élu député d’Oyo (Cuvette). Lors des élections législatives de 2017, il est réélu avec 99 % des voix et devient membre de la commission des Affaires étrangères et des Congolais de l’étranger à l’Assemblée nationale de son pays.
Les raisons du désamour
En mai 2018, il publie un ouvrage intitulé Ce que je crois, dans lequel il expose sa « vision du Congo de demain », ce qui donne lieu à des rumeurs relayées notamment par le magazine Jeune Afrique selon lesquelles le fils du président de la République du Congo se préparait à succéder à son père à la faveur de l’élection de 2021..Il balayera ces supputations en déclarant qu’il avait l’intention de soutenir la candidature de son père Denis Sassou Nguesso, qu’il estime être « le plus qualifié ». Mais la machine à briser les natures fières et à broyer les réputations tournait déjà à plein régime. En 2007, une alerte de l’ONG Global Witness, spécialisée dans la dénonciation du pillage des ressources naturelles et de la corruption dans les pays en développement l’avait accusé d’avoir détourné les recettes provenant de la SNPC pour ses achats personnels de produits de luxe, sur la base de documents financiers privés fournis par l’entreprise Kensington International Ltd et publié sur le site web de l’organisation. En réaction, Denis Christel Sassou Nguesso déposera une plainte devant la Haute Cour de Londres pour exiger le retrait de ces documents du site de cette dernière, mais sans succès, la juridiction britannique ayant estimé que les informations contenues dans les documents étaient d’un « important intérêt public ». Comme si, près de six décennies après les soleils des indépendances, les juges de sa très gracieuse majesté étaient toujours convaincus que la mission « civilisatrice » entreprise sous les ténébreuses tropiques africaines par les Henry Morton Stanley, David Livingstone et autres Pierre-Savorgnan de Brazza devait se poursuivre ‘ad vitam aeternam’…
Réseaux sociaux manipulateurs
A partir de 2013, les réseaux sociaux de l’hémisphère Nord et leurs relais au sein de certaines ONG et dans les médias globaux se sont déchaînés avec une rare virulence sur les proches du président Denis Sassou Nguesso. Le média en ligne français Mediapart révéla, après consultation de notes-synthèse de diverses sources, qu’au moins 60 millions d’euros d’argent public congolais auraient été détournés et dépensés en France depuis 2005 par des proches du président Sassou dont le fils Denis Christel était cité comme ayant investi quelques centaines de milliers d’euros pour l’achat de vêtements et de voitures de luxe et des millions pour l’acquisition et l’aménagement d’un appartement et d’un hôtel particulier dans la capitale française. En mars 2015, c’est le quotidien suisse Le Matin Dimanche qui écrivait que l’ONG La Déclaration de Berne aurait pris connaissance d’un contrat signé « sans appel d’offres » par Denis Christel Sassou Nguesso pour conférer à l’entreprise Philia SA, basée à Genève mais « inconnue dans le petit monde genevois du pétrole » le droit exclusif d’exportation du pétrole raffiné congolais. Selon cette source, Philia SA aurait prélevé 2 % de marge, soit le double des pratiques du marché. A en croire le tabloïd suisse, un certain Marc Guéniat, responsable des enquêtes au sein de l’ONG, estimait qu’avoir choisi cette entreprise comme partenaire n’était pas un choix « financièrement logique » pour la Coraf. Déduction : on se trouve en face d’une manœuvre de Denis Christel pour « empocher une part des recettes pétrolières du Congo ». En 2016, c’est dans les fameux ‘’Panama Papers’’ que seront évoqués ses supposés liens avec le cabinet d’avocats Mossack Fonseca – accusé d’organiser l’évasion fiscale pour ses clients. Le journal français Le Monde saute à bras raccourcis sur l’aubaine et écrit que Sassou Nguesso junior « fait partie d’un système permettant l’évaporation des revenus du pétrole congolais dans les paradis fiscaux, ce qui participe à la pauvreté des Congolais », ce que l’intéressé a véhémentement démenti sans impressionner ses détracteurs. Fin 2019, les mêmes sources lourdement relayées à Brazzaville et dans d’autres capitales d’Europe et d’Afrique font état de plusieurs biens immobiliers qui lui appartiendraient, notamment un triplex rue Fresnel et un dix-pièces rue de la Tour à Paris, dans le 16e arrondissement, ainsi qu’un hôtel particulier à Neuilly-sur-Seine, des biens qui auraient été saisis par la justice française. L’information est également démentie par son avocat, Maître Jean-Jacques Neuer, dans un entretien avec RFI le 14 février 2020 mais comme des chacals en mal de chair fétide, les réseaux sociaux s’en donnent à cœur joie.
Lynchage médiatique
Pas pour longtemps parce force est de se rendre à l’évidence : aucune des enquêtes ouvertes depuis longtemps sur des soupçons d’acquisition frauduleuse de patrimoine par la famille Sassou-Nguesso à la suite de plaintes d’une myriade d’associations françaises ne s’est avérée concluante jusqu’à ce jour, ce qui a placé les enquêteurs attitrés du parquet national financier français (PNF) dans l’obligation de confirmer officiellement les propos de Maître Neuer : Denis Christel Sassou Nguesso n’a pas été mis en examen. Face au rouleau compresseur de dénonciations présentant son fils comme ayant acquis avec des fonds détournés et les revenus pétroliers de son pays, le président congolais avait contre-attaqué, il y a quelques années, en portant plainte notamment contre Transparency International une des organisations à l’origine de l’affaire pour escroquerie au jugement sur la base d’un document illégal selon Jean-Marie Viala, un des avocats de la famille Sassou-Nguesso. Alors que l’instance judiciaire compétente (juge d’instruction) n’avait pas encore décidé de la recevabilité ou non de cette plainte, RFI est revenu à la charge pour annoncer que Denis Christel avait été mis en examen par la justice française, ce qui a fait bondir la famille présidentielle pour laquelle « au-delà du fait que ces informations lui causent un préjudice évident, elles relèvent d’une technique de ‘’fake news’’ dont on s’étonne qu’elle soit relayée par un site d’information qui se veut sérieux ». Compte tenu de la proximité des échéances électorales, projetées pour 2021 dans ce pays d’Afrique centrale, elle y voit Il « une campagne de déstabilisation ». Acculée, RFI a réagi en ces termes : « Certes, c’est par erreur que plusieurs médias, dont le magazine Challenges, l’Agence France Presse (AFP), Jeune Afrique et Radio France Internationale (RFI), ont annoncé le 7 février que Denis Christel Sassou Nguesso, fils du président congolais Denis Sassou Nguesso, était mis en examen dans l’affaire des biens mal acquis. RFI présente ses excuses à Monsieur Denis Christel Sassou Nguesso». Pour RFI, «rien ne permet d’affirmer que cette fausse information ‘‘relève d’une technique de fake news‘‘, autrement dit d’une intention de nuire, que RFI aurait relayée ». Piteusement, l’AFP concluera dans une dépêche le 14 février à 13H49 que « la nouvelle, publiée le 7 février à la mi-journée par un hebdomadaire français, avait été confirmée dans l’après-midi à l’AFP par un avocat ayant accès au dossier ».
JN