La faveur de la liberté d’expression et de la démocratie consacrées par la constitution en RDC, plusieurs réactions ont été enregistrées à la suite du meeting du président de la République, Félix Antoine Tshisekedi devant la diaspora congolaise à Londres le 19 janvier 2020, en marge du sommet UK-Afrique sur l’investissement. La réaction de Jeanine Mabunda, présidente de l’Assemblée nationale aura suscité une véritable levée de boucliers chez les partisans de la plate-forme CACH à tel point qu’on serait fondé à se demander si on n’est pas face à une discorde idéologique majeure au sein de la coalition FCC-CACH et ce au regard des clichés entretenus sur la communication politique des derniers jours. La dissolution des oppositions de fond voire de tout contenu signifiant alimente la déploration ou la satire ; l’on admet facilement que la politique politicienne ne pense pas, si penser veut dire mettre en question le sens des valeurs collectives. En évoquant la probabilité d’une dissolution de l’Assemblée nationale, avec preterition dans l’intention de faire une mise en garde à ses détracteurs, Fatshi a délibérément suscité un débat politique interprété et retourné dans tous les sens. Quoi qu’on en pense, le principe tient en une formule : celui qui parle ne saurait être le seul à dire ou à signifier. L’on n’assimile plus le discours à la parole proférée, ni le sens de l’énoncé à l’intention du locuteur. Le risque du dogmatisme à la manière de ‘‘ekolo moko, mokonzi moko, parti moko’’ du Maréchal Mobutu ramenerait la RDC 30 ans en arrière.
Fatshi à Londres : un message politicien
«Il y a des gens qui sont instrumentalisés jusque même à débattre des propos du chef de l’Etat. Ce qui ne se fait jamais», a réagi le député national Tony Mwaba, président du groupe parlementaire CACH à l’Assemblée nationale après l’intervention de la présidente de la chambre basse, Jeanine Mabunda concernant ce passage de l’adresse de Fatshi à Londres. A l’instar de Tony Mwaba, certains analystes prétedent refuser à Madame Mabunda le droit de rappeler les principes constitutionnels et les normes légales au sujet des propos du chef de l’État sur pied de l’article 77 de la constitution. Ils oublient que le président, en plus d’être une institution de la République à part entière, est également un acteur politique et c’est en cette dernière qualité qu’il s’était exprimé devant ses partisans exilés dans la capitale britannique. Aussi, faut-il voir la réaction hors hémicycle de Mabunda dans le même sens. L’exigence du silence à ce sujet ne se justifie qu’à l’égard des propos du chef de l’État ès qualité notamment lorsqu’il s’adresse par des messages solennels qu’il lit ou fait lire devant les deux chambres du parlement réunies en congrès (discours sur l’état de la nation).
Mabunda : des principes qui dérangent
Dans le contexte politique congolais post-alternance alimenté par une suspicion permanente, évoquer l’application des dispositions constitutionnelles (article 165) à l’endroit du président Tshisekedi s’il venait à dissoudre l’Assemblée nationale sans que les préalables requis ne soient réunis était peut être pour Mme Mabunda un énoncé de principe qui dérange plus et surtout fait peur à des partisans fanatiques du président Tshisekedi. Beaucoup y ont vu une menace de destitution du chef de l’État. La speaker qui, dans son propos, lors de la cérémonie d’échange de vœux avec la presse avait clairement dit qu’elle ne prenait pas position sur les propos du chef de l’Etat mais qu’elle tenait à rappeler les normes en vigueur dans le droit positif congolais a subi des pics de couroux réels ou affectés des vas-t-en-guerre de CACH et des partisans de la rupture entre FCC et CACH au sein de l’opposition Lamuka. Bien qu’appartenant à cette dernière catégorie, le député national MLC Jacques Djoli, professeur de droit de son état estime que Jeanine Mabunda n’a pas péché en donnant son point de vue qui est correct au regard des principes de droit constitutionnel. Ce parlementaire demande aux détracteurs de Mabunda d’«arrêter de chercher des poux sur la tête d’un chauve». Si certains ont trouvé inopportune et irresponsable l’intervention de Jeanine Mabunda qui selon Vital Kamehre, le dircab du président de la République «a franchi la ligne rouge», d’autres vont jusqu’à réclamer sa démission du perchoir à cause de ce qu’ils considèrent comme une faute lourde. Des pratiques proches de la 2ème République mobutiste en contradiction avec l’Etat de droit et la liberté d’expression dont Fatshi lui-même a fait son cheval de bataille depuis son avènement à la tête de l’État congolais. Il importe que les uns et les autres se fassent une raison : le chef de l’Etat, quelque soit le respect qu’on lui doit, n’est pas au dessus de la loi et ne dispose pas de la science infuse de tous les arcanes du fonctionnement de la République. C’est pourquoi il a été prévu des mécanismes faisant en sorte que le pouvoir puisse, le cas échéant, arrêter le pouvoir. A cet égard, le “Magister Dixit” surranné en ce 21ème siècle auquel les détracteurs de Jeanine Mabunda s’accrochent n’est plus de mise au Congo-Kinshasa.
Alfred Mote