Brillante leçon publique que celle sur les enseignements à tirer du combat politique de Mzee Laurent Désiré Kabila au regard de la situation à Beni dans le grand Nord Kivu donnée par notre confrère Nicaise Kibel Bel’Oka, journaliste d’investigation et directeur du périodique Les Coulisses de Goma dans une salle archicomble de l’emblématique Studio Maman Angebi de la RTNC à l’initiative de la Fondation que préside la députée nationale Jaynet Kabila mercredi 15 janvier 2020. Pulvérisant les thèses révisionnistes qui attribuent à la « théorie du complot » les allégations faisant état d’un plan de balkanisation de la RDC par certains acteurs étatiques, interétatiques et non étatiques agissant de concert depuis belle lurette, Kibel Bel Oka a épaté son auditoire. Dans son introduction, il a confirmé l’existence du terrorisme au Nord Kivu et appelé à un sursaut patriotique contre la balkanisation avant de fournir à l’auditoire des indications documentées sur la genèse et la composition du groupe des égorgeurs qui s’opposent aux FARDC dans la partie septentrionale du pays. On a appris que ce groupe terroriste fut essentiellement constitué à sa naissance en Ouganda par des éléments de la secte islamique ougandaise Tablik qui se sont peu à peu élargis à des supplétifs tanzaniens, somaliens et rwandais auxquels se sont joints successivement des locaux recrutés notamment au sein de l’armée populaire du Congo (APC), branche armée du RCD/K-ML de l’ancien chef de la diplomatie Antipas Mbusa Nyamwisi et parmi les jeunes et adolescents enlevés de force dans les hameaux populeux du Kivu et soumis à un véritable lavage de cerveau pendant leur séquestration dans les gorges profondes des jungles de la région. « La prolifération des écoles coraniques et des mosquées dont la plupart sont construites par des casques bleus musulmans imprudemment affectés au Kivu dans la région sans aucun respect pour les lois congolaises sur les cultes est une des causes de cette métastase qui a permis au terrorisme d’éclore et de s’ancrer dans le Grand Nord », a indiqué le conférencier. Ayant adopté la dénomination de Allied Democratic Forces (ADF) suite à une demande du président ougandais Yoweri Museveni de les voir se regrouper pour pouvoir négocier aisément avec eux avant tout rapatriement, le noyau du début se ralliera à une autre formation politique ougandaise, la National Army for the Liberation of Uganda (NALU), d’où l’acronyme ADF-NALU, les ADF constituant une composante islamique et les NALU représentant une branche plus « politique » de la coalition. « Des divergences apparaîtront avec le refus des membres de NALU de se convertir à l’islam radical de leurs associés ADF qui se sépareront d’eux pour devenir ADF-MTM et construire un sanctuaire au lieu dit Madina, en plein Parc national des Virunga qui vient d’être pris pour la seconde fois par les forces gouvernementales » a-t-il expliqué. En effet, s’étant ainsi constitué un véritable bras séculier armé pour tenir cette très riche partie de l’Est congolais, leurs mentors sont, selon Kibel Bel Oka, passés à l’étape de l’« infoguerre », une campagne très professionnelle d’intoxication qui met à contribution les réseaux sociaux, les médias communautaires ou globaux et une certaine société civile stipendiée pour discréditer et démoraliser les FARDC en particulier et l’Etat congolais en général en les présentant systématiquement comme les véritables auteurs des massacres odieux perpétrés par l’ADF-MTM. « Cette campagne a eu entre autres conséquences de diaboliser les FARDC, seule force susceptible d’éradiquer le terrorisme au Kivu » a-t-il révélé en indiquant que pour des raisons qui restent encore à élucider, le Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’homme (BCNUDH) s‘y est également associé. L’orateur a dénoncé la présence massive des casques bleus pakistanais musulmans qui, selon ses statistiques représentent quelques 75% des troupes de la force Monusco. Ils construisent des mosquées en toute anarchie et y installent leurs imams. Ce qui contribue à propager l’idéologie islamiste. Pourtant la Monusco nie l’existence du terrorisme au Nord-Kivu. « Ainsi dans son rapport de mai 2015, ses officiels, recopiant pratiquement mot à mot les rapports d’ONG locales comme l’Association congolaise d’accès à la justice (ACAJ) ou internationales comme le Groupe d’Etudes sur le Congo (GEC) de l’Université de New York s’est permis de présenter les 809ème et 905ème régiments des FARDC comme co-auteurs des massacres du 8 octobre et du 25 au 26 décembre 2014 respectivement à Oïcha et à Ndalia, ‘’en complicité avec les ADF’’. Une véritable incongruité quand on sait que les troupes loyalistes ont perdu dans leurs affrontements avec ces terroristes dans la région plus de 2.000 hommes ! », s’est-il écrié. En mars 2016 le GEC qui est dirigé par Jason Stearns, un ancien expert du BCNUDH expulsé de la RDC par le gouvernement du président Kabila pour des activités jugées contraires à sa mission en a remis une couche en indexant les 808ème et 1006ème régiments dans plusieurs autres massacres, en s’appuyant sur des récits manifestement arrangés d’un sous-lieutenant des FARDC non autrement identifié selon lesquels « ceux qui ont beaucoup tué, ce sont des hommes des régiments. Surtout dans notre régiment, le 808ème Régiment commandé par le Major Byamungu ». Et sur les déclarations d’un policier au sujet des tueries à répétition dans la contrée de Mayangose qui aurait prétendu, «après enquête», avoir obtenu en février et mars 2015 « des preuves que les membres du 1006ème Régiment déployés à Kithahomba (à 5 km sur le tronçon routier BeniNyaleke) auraient été les auteurs de ces tueries et que les criminels étant ‘’issus du pouvoir’’, les enquêteurs de la PNC en avaient attribué la responsabilité aux ADF pour se couvrir ». Des « preuves » qui ne résistent à aucun examen objectif car ne reposant sur aucune vraisemblance. « Pour quel motif des unités entières des FARDC (pas des individus) qui, depuis leur arrivée dans la région avaient perdu tant de leurs compagnons d’armes lors des combats contre les terroristes ADF auraient subitement changé de camp et fait cause commune avec l’ennemi tout en restant toujours sous le commandement de leur hiérarchie à Goma et à Kinshasa ? Par ailleurs, en droit positif congolais, les enquêtes relatives aux délits et crimes commis par les éléments des FARDC relèvent exclusivement des auditorats militaires de garnisons ou des cours militaires opérationnelles et ne peuvent en aucun cas avoir été confiées à un ‘’policier’’, fut-il officier de police judiciaire des parquets », estime un spécialiste du droit pénal militaire de l’Université de Kinshasa interrogé par Le Maximum. Comme si ces drôles de partenaires multilatéraux qui prétendent soutenir les FARDC dans leur mission de sécuriser le pays s’étaient passés les mots pour les clouer plutôt au pilori, peu après le décès du général Bahuma des suites d’un malaise au cours d’une mission en Ouganda, son successeur à la tête de l’opération Sukola 1, le général Akili Mundos sera bruyamment mis à l’index par de mystérieux « experts onusiens » qui prétendirent que « c’est avec lui (Mundos) que les massacres ont débuté en octobre 2014 (et que) la population avait réclamé son départ constatant que c’était lui le vrai ADF ». Dans ce rapport rendu public le 23 mai 2016, ces experts écrivaient qu’ils avaient « la preuve que certains officiers des FARDC ont contribué de façon directe à l’insécurité. 2 cadres et 4 combattants des ADF, 2 recrutés pour les tueries, 2 collaborateurs des ADF, 3 officiers supérieurs FARDC, un ancien combattant Maï-Maï et 2 chefs locaux (nous) ont signalé que certains officiers FARDC étaient impliqués dans le soutien aux groupes armés commettant des meurtres. Des membres des services de sécurité du gouvernement congolais, y compris les services de police et les agences de renseignement ont confirmé les informations selon lesquelles 8 personnes ont été contactées en 2014 par le général Mundos pour participer aux tueries. 3 membres des ADF-Mwalika ont eux-mêmes déclaré que plusieurs mois avant le début des massacres en septembre 2014, le général Mundos avait persuadé certains éléments de leur groupe de fusionner avec d’autres recrues. Selon eux, le général Mundos les a recrutés, financés et équipés en armes, munitions et uniformes des FARDC. Il est venu à plusieurs reprises dans leur camp. Bien qu’il soit difficile de dire s’ils connaissaient dès le départ la cible, les 3 éléments des ADF-Mwalika ont finalement reçu l’ordre de tuer des civils jusqu’à ce qu’ils quittent les ADFMwalika après s’être rendu compte qu’ils étaient utilisés pour tuer des civils ». Sans émettre le moindre doute sur la fiabilité de cette source qui pouvait être le fait d’une action de démoralisation des FARDC dans le cadre des stratégies asymétriques que tous les groupes terroristes utilisent partout dans le monde, les experts de l’ONU ont donné à ces allégations la couverture de leur crédibilité en les reprenant sans esprit critique. Ils ont même ajouté que selon un ancien combattant maï-maï (groupes armés locaux de coupeurs de routes dont certains coalisent avec les ADF et sont aussi dans le collimateur des FARDC) « le général Mundos a également recruté des rebelles maï-maï, il les a rencontré pour constituer avec eux un camp de formation à Mayangose qui devait être opérationnel dans les semaines à venir ». Le groupe d’experts dit avoir rencontré le général Mundos et l’avoir informé de ces allégations que ces membres présenteront ensuite comme autant de « preuves » à charge contre lui. Ce dernier les a balayés d’un revers de la main. «Alors que des preuves tangibles démontrent son implication, le général a nié être impliqué dans le recrutement des personnes pour des exécutions et a déclaré que les ADF étaient un groupe armé djihadiste responsable de meurtres des civils en territoire de Beni », peut-on lire dans le rapport. Même le général major Delphin Kahimbi, le chef des renseignements militaires, est pointé par des rapports diffusés à profusion dans les réseaux sociaux comme un des responsables des recrutements et des financements des terroristes ADF qui tuent à Beni et alentours. « Un officier des renseignements militaires congolais révèle qu’un certain Kahimbi aurait mis en place un réseau parallèle au sein de l’armée pour travailler avec d’anciens lieutenants de Jamil Mukulu (chef des ADF ndlr) d’anciens combattants ADF et des milices locales retournés puis intégrés au sein des FARDC », lit-on dans un autre rapport totalement décousu qui met côte à côte les ADF actifs avec des anciens ADF sans indiquer comment ces derniers peuvent se retrouver avec leurs anciens congénères. A titre d’éléments de preuves, les rédacteurs du rapport évoquent le fait que « quelques semaines avant le lancement des opérations d’envergure annoncées par le président Tshisekedi, le général Kahimbi a séjourné à Beni où il aurait rencontré des militaires et des personnes soupçonnées d’être des ‘’des présumés ADF’’ pour leur livrer des informations sur le lancement des opérations et les sites militaires à éviter. Notre informateur parle aussi d’un réseau d’approvisionnement et de financement des activités des massacreurs de Beni avec de l’argent liquide qui provient de Kinshasa, transporté par des militaires et des intermédiaires civils connectés à Kahimbi et à Joseph Kabila (ancien président de la République)». On ne comprend pas en quoi le séjour dans le théâtre des opérations projetées par les FARDC du chef des renseignements militaires des FARDC serait une action ’’suspecte’’. Ni ses contacts éventuels avec des personnes soupçonnées d’être proches de l’ennemi. L’allusion à l’ancien président de la République, elle relève plus du chahut ou d’une grossière manipulation politicienne et ne mérite aucun intérêt dans le cas d’espèce. Nicaise Kibel Bel Oka est arrivé à la conclusion que les ADF/MTM sont la structure opérationnelle née de la décision des miliciens islamistes proches de l’Ougandais Jamil Mukulu de s’autonomiser et se radicaliser en prêtant serment d’allégeance à l’Etat islamique (Daech) mais à en croire le briefing des experts des Nations Unies du 19 décembre 2019, «les liens des présumés des ADF/MTM avec l’Etat islamique n’ont pas été confirmés ». A l’état major général des FARDC à Kinshasa, ces informations largement relayées par les experts des Nations-Unies ont été jugées peu crédibles. « De telles allégations sont d’autant plus invraisemblables que le général Mundos avait sous son commandement toute une brigade composée de plus de 10.000 hommes qui lui obéissaient au doigt et à l’œil et auxquels il avait la possibilité, si l’envie le lui prenait, de faire faire pratiquement tout ce qu’il voulait. Or rien dans l’évaluation de ses prestations sa mission à la tête de Sukola 1 n’a donné lieu à un quelconque soupçon dans ce sens. Ces accusations n’ont été étayées d’aucune preuve crédible. On a eu l’impression de se trouver face à une sorte de rivalité entre deux forces armées déployées sur le même théâtre d’opérations », a témoigné un haut gradé de l’armée congolaise à Kinshasa qui a signalé que le colonel Katachanzu, cité également dans ce rapport comme pourvoyeur des ADF en munitions, uniformes, produits alimentaires et même des informations sur la position des FARDC à Eringeti, ce qui aurait permis aux terroristes de s’emparer des armes dans l’armurerie de la garnison pour attaquer cette ville le 29 novembre 2015 a été mis hors de cause après une enquête minutieuse de l’Auditeur militaire supérieur opérationnel. Kibel Bel Oka a exprimé sa surprise devant l’attitude inconséquente de certains acteurs politiques congolais et de l’Eglise catholique qui «démoralisent leur propre armée en même temps qu’ils appellent le peuple à combattre la balkanisation de leur pays» alors que seule une solidarité effective entre le peuple et l’armée est à même de consolider l’efficacité de cette dernière pour faire échec aux funestes projets de démembrement de la RDC. L’ancien ministre des Affaires étrangères Antipas Mbusa Nyamwisi est l’un des animateurs de la campagne de diabolisation des FARDC selon la chronique présenté par Kibel Bel Oka. Son attitude après le lancement de la dernière offensive de grande envergure contre les terroristes ADF/MTM soulève pas mal de questions. Revenu au pays après un exil volontaire
de plusieurs années pour, selon ses propres déclarations « participer à la lutte contre la maladie à virus Ebola et le terrorisme dans la région de Beni », il a précipitamment regagné son exil sud-africain dès que furent annoncés les premiers succès de cette offensive. Lors d’une matinée politique animée dimanche 12 janvier à Butembo, le député Eric Kamabu, un membre du RCD/K-ML a indiqué que c’est pour des raisons de sécurité que Mbusa Nyamwisi a quitté le pays. « Cela est dû au fait que le président Félix Tshisekedi avec qui il entretient des relations saines n’a pas encore une mainmise totale sur l’armée et les services de sécurité. En dépit de sa bonne foi, Monsieur Nyamwisi estime que le chef de l’Etat ne peut pas assurer sa sécurité » a-t-il déclaré en signalant comme preuves de l’incapacité de Tshisekedi à le protéger « la diffusion sur les réseaux sociaux des vidéos visant à nuire à sa réputation (alors qu’il) combat diplomatiquement les massacres dont sont victimes ses frères et sœurs de la région de Beni, victimes du génocide contre le peuple nande ». Et de rappeler la similarité des accusations du numéro 1 du RCD/K-ML contre le général Mundos et certaines unités bien identifiées dans les opérations militaires contre les ADF avec les conclusions des rapports du BCNUDH à ce sujet. Bien que Kamabu prétende que les relations entre Nyamwisi et Félix Tshisekedi sont au beau fixe, le nouveau président congolais dans ses communications les plus récentes sur la situation au Nord-Kivu a avoué avoir en sa possession depuis son avènement au pouvoir « des éléments qui indiquent qu’il y a eu beaucoup d’exagération dans les allégations mettant en cause les FARDC dans le terrorisme au Kivu alors qu’elles (FARDC) doivent au contraire être félicitées pour leurs sacrifices » (radio Vatican). Outre cette controverse sur le rôle de l’armée régulière au Kivu, il est de plus en plus évident que Nyamwisi était revenu dans l’espoir de se voir offrir à nouveau un strapontin ministériel. Eric Kamabu ne s’en cache pas : « Lors d’une réunion avec les députés du Nord-Kivu, le chef de l’Etat avait promis d’intégrer Mbusa Nyamwisi dans son gouvernement mais ses partenaires du FCC se seraient catégoriquement opposés à l’idée qu’il devienne ministre de la Défense nationale comme cela était initialement prévu », a-t-il avoué. C’est manifestement pour ces raisons que Mbusa Nyamwisi a préféré regagner son exil sud-africain. Kibel Bel Oka souligne le rôle de certains notables locaux, notamment l’ancien ministre Mbusa Nyamwisi et son ex-APC dans l’aggravation de l’insécurité dans cette région frontalière de l’Ouganda. « Les éléments congolais de plus en plus nombreux dans le groupe ADF-MTM ont été formés dans les madrasa (écoles coraniques), les camps de formation autour de Madina et dans ceux mis en place par l’APC dans la région », observe-t-il. Ce qui n’empêche pas les ‘’enquêteurs’’ des NationsUnies et leurs homologues du GEC de s’évertuer à indexer les FARDC et les autorités gouvernementales congolaises. Dans le rapport des experts des NationsUnies, il est mentionné que la thèse d’une agression terroriste djihadiste « a été façonnée de toutes pièces par le général Mundos pour faire diversion sur ses crimes ». En écho, le GEC rapporte que « des officiers des FARDC collaborent avec les ADF qui connaissent ainsi leurs fréquences de Motorola et ils sont au courant de toutes leurs opérations ». Pour corser le tout, ces experts égratignent la justice militaire congolaise, accusée de « relâcher les ADF vrais auteurs des massacres et de rester sur la piste de la diversion ». Ces graves accusations s’appuient sur les ‘’révélations’’ d’un excombattant recruté par les ADF pour commettre des meurtres et qui aurait déclaré aux enquêteurs de GEC que « si un individu ayant participé à des tueries était capturé par les autorités, certains officiers des FARDC s’arrangeaient pour le faire libérer ». Des affirmations qui font bondir l’ancien ministre de l’Intérieur Henri Mova Sankanyi qui, intervenant après Kibel Bel Oka, y voit une tentative délibérée de la mission onusienne de convaincre les Congolais qu’ils n’ont rien à attendre de leur armée nationale et devraient s’en remettre à la « communauté internationale » et à toute solution qui en émanerait pour leur sécurité et la stabilité du pays. « Dire à un peuple qu’il n’a pas de forces armées sur lesquelles compter en cas d’agression c’est le préparer à accepter tous les arrangements qui lui seront proposés pour espérer continuer vivre en paix », fait-il observer.
J.N