Fiston Basubi, le président national du mouvement citoyen Tusonge est monté au créneau pour contester la légalité et le fondement des mesures restrictives renouvelées lundi 9 décembre 2019 par l’Union européenne contre douze officiels congolais du régime Kabila à qui elle reproche des violations des droits de l’homme et des entraves au processus électoral. Pour cette ONG, ces sanctions européennes unilatérales qui frappent notamment Emmanuel Ramazani Shadary, le candidat malheureux à la présidentielle 2018, constituent « une ingérence politique inacceptable dans les affaires internes du pays » et sont de ce fait injustifiées car « cela revient à appliquer des mesures punitives, c’est-à-dire des condamnations de personnes sans respect des principes généraux des droits de l’homme qui garantissent à tout être humain faisant l’objet d’une sanction, quel qu’il soit, un certain nombre de droits, notamment celui d’être préalablement informé des griefs à sa charge, d’être présumé innocent jusqu’à preuve du contraire et de faire valoir ses moyens de défense, sans oublier le principe ‘’nullum crimen, nulla poena sine lege’’ (pas de crime, pas de peine sans une loi, ndlr) », a déclaré Basubi.
L’Union européenne elle-même ne nie pas le caractère ‘‘politique’’ des sanctions ciblées qu’elle a renouvelées à l’encontre de 12 sur les 14 incriminés de 2017, le député national Lambert Mende, ancien ministre de la Communication et l’officier des renseignements Roger Kibelisa ayant été retirés de la liste le 9 décembre. « Les sanctions (sont des mesures préventives qui) permettent à l’Union européenne de réagir rapidement face à des problèmes politiques », peut-on lire sur le site internet du Conseil européen. « Elles peuvent donc être levées en cas d’évolutions favorables perceptibles. Dans le cas contraire, leur renouvellement est annuel », précise une source diplomatique qui ne se prononce pas sur les observations des autorités congolaises concernant le caractère arbitraire et attentatoire aux droits humains de leur infliction par une organisation à laquelle ni les personnes frappées ni leur pays, la RDC, n’appartiennent. « Il saute aux yeux de tout observateur objectif que ces sanctions sont injustes et illégales étant donné que l’Union européenne, grande donneuse de leçons de respect des droits individuels des gens n’a, à aucun moment donné aux personnalités qu’elle a mises – ou qu’elle maintient – sous sanctions l’opportunité de se défendre », estime Basubi. Du côté des officiels européens auxquels nos rédactions ont sollicité une réaction, on continue à se retrancher derrière « la jurisprudence » qui « ne fait aucune obligation au Conseil européen d’entendre les personnalités visées par les sanctions avant que celles-ci ne soient prises ». Face aux doutes exprimés par plusieurs juristes qui critiquent cette justification d’une lutte contre de présumées violations des droits de l’homme par une flagrante violation desdits droits par l’UE, nos interlocuteurs ont donné une réponse embarrassée: « par la suite, un recours est possible devant la Cour européenne de justice. Les personnes sous sanctions ont interjeté un appel toujours en cours d’examen. Leurs avocats ont été reçus à Kinshasa par l’ambassadeur de l’UE qui s’est dit disponible pour échanger directement avec leurs clients ». En d’autres mots, une instance non judiciaire (politique) s’autorise à prononcer des condamnations infamantes portant atteinte aux droits individuels de personnes en première instance avec comme seule garantie pour les individus qui en sont frappées de pouvoir recourir auprès d’un juge via une autre instance non judiciaire (l’ambassadeur de l’UE). Ce qui a poussé le professeur Mampuya de la faculté de Droit de l’Université de Kinshasa à se demander en vertu de quel texte, en plus de leurs compétences diplomatiques, les fonctionnaires qui représentent l’UE à l’étranger ont aussi rang de procureurs près la Cour européenne de justice. Cela confirme que ces fameuses mesures restrictives ‘‘politiques’’ qui sont en fait pénales parce qu’elles en ont les effets sont illégitimes, illégales et arbitraires et ne devraient être acceptées par aucune autorité en RDC. Dont acte.
J.N