Il est simplement affligeant de voir beaucoup de gens qui se disent intellectuels engagés pour la patrie avec plein de parchemins (diplômes) de juristes passer le plus clair de leur temps à faire feu de tout bois pour réduire les lois qui régissent l’Etat congolais à une dimension utilitaire, c’est-à-dire à la satisfaction de leurs sentiments et intérêts individuels. A lire les propos répandus par des juristes comme le professeur André Mbata qui, du fait de collaborer à la rédaction d’un cours par correspondance dans une institution de Pretoria (UNISA), se croit pénétrer d’une science juridique universelle infuse qui lui donne autorité pour intervenir sur tous les sujets d’actualité, je suis proprement scandalisé. Tout se passe dans son raisonnement comme si les règles de droit n’existent que pour lui permettre de distribuer des imprécations et des ‘fatwas’ à l’encontre de l’ancien président Joseph Kabila qui est devenu sa bête noire à abattre coûte que coûte. Cette attitude est aux antipodes du droit dont l’objectif est plutôt de réguler le vivre ensemble des 90 millions des Congolaises et des Congolais, quels que soient leur appartenance politique, ethnique ou l’idée qu’un praticien se fait de chacun d’eux. Depuis quelques semaines, monsieur Mbata se livre à des exégèses alambiquées du droit constitutionnel autour de notre loi fondamentale. Il va jusqu’à prétendre que la lecture des textes légaux en ce qui concerne le statut d’un ancien président de la République doit être « politique » et pas strictement juridique (sic !). Un internaute s’appuyant sur cette énormité a pu écrire le plus sérieusement du monde que la passation pacifique du pouvoir « suppose qu’un ancien président se mette le plus possible à l’écart du pouvoir et qu’il n’a pas le droit d’afficher ou faire afficher de façon ostentatoire ses effigies dans les grandes villes du pays, tenir ou faire tenir des meetings populaires alors que son successeur n’a même pas fait un an au pouvoir, organiser ou faire organiser des cérémonies de renouvellement de vœux de loyauté à son leadership par des membres d’organisations politiques de son obédience, ce qui constitue des actes de provocation, vis-à-vis de la population qui a souhaité le changement au pouvoir ». Intéressante théorie mais je voudrais bien que le constitutionaliste Mbata et ses disciples éclairent Mbata et ses disciples éclairent l’opinion publique sur les dispositions de la loi fondamentale qui seraient à la base de l’incompatibilité (ou incapacité) politique d’un ancien chef d’Etat élu auquel notre Constitution accorde l’honneur de la qualité de sénateur à vie. En matière d’incompatibilité, il me semble que la seule question que tout juriste digne de ce nom devrait se poser est celle de savoir à quel moment on peut la constater : est-ce au moment où un impétrant accède à une nouvelle fonction incompatible avec une autre ? Dans le cas contraire, faudraitil considérer que la qualité de sénateur à vie serait en droit congolais, non pas un « droit » au sens étymologique de ce terme mais une servitude, une sorte de prison dorée, que le législateur de 2006 aurait « oublié » de définir comme telle de sorte que quiconque en serait gratifié n’aurait pas la liberté d’y renoncer ? C’est à mon avis le seul débat qui vaille la peine en l’espèce. Pas la litanie de poncifs haineux et subjectifs dans laquelle des « juristes-politicailleurs » comme M. Mbata veulent entraîner les Congolais. Il importe en effet de retenir que le droit constitutionnel dans la promotion de l’État de droit est un droit d’organisation de l’exercice du pouvoir politique. Et que l’apport essentiel de l’Etat de droit dont certains se proclament les hérauts réside dans la subordination de la vie politique à la norme juridique. Le juriste Kodjo Ndukuma a rappelé à ce sujet que « si le droit se noie dans la politique pour devenir un droit politique, la juridisation de la norme constitutionnelle deviendrait inutile. La justice constitutionnelle cesserait d’être une affaire de juridiction mais une affaire des politiques (et que) le débat reste juridique tant que l’on utilise et que l’on cite des articles de la Constitution pour argumenter ». En effet, la politique dans un État de droit démocratique se réfère au droit, elle n’en déborde pas… Cette controverse sur le droit ou non du sénateur à vie à faire de la politique ne peut être réglée qu’à l’aune des normes légales régissant le régime des incompatibilités instituées par l’article 108 de la Constitution ; des normes d’ordre général et impersonnel comme toutes les règles du droit applicables à tous les élus sénateurs ou députés nationaux. Faute d’une quelconque disposition contraire prévue ‘expressis verbis’ par le constituant, elles n’opèrent que lors de l’investiture du sénateur ou député national concerné dans une nouvelle fonction incompatible avec son statut. Sauf à vouloir accorder au toutvenant le pouvoir d’élaborer, d’adopter et d’interpréter les règles constitutionnelles, la seule solution valable réside en la matière dans le droit d’option, avec possibilité de suspension pendant l’exercice de la nouvelle fonction.
Yanick Bomolo Athy Kinshasa