Lors de la première réunion du gouvernement présidée par Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, au mois de septembre dernier, le chef de l’Etat avait invité les ministres à la solidarité et la cohésion dans l’accomplissement de leurs tâches. « Pas de CACH, pas de FCC. Nous sommes tous appelés à travailler pour l’intérêt du peuple congolais », avait déclaré Fatshi. A peine un mois après, on constate quelques frictions au sein de l’équipe. Les principes de collaboration, concertation et solidarité qui doivent caractériser le travail du gouvernement ne semblent pas encore correctement intégrés par les uns et les autres. Des ministres FCC (Front Commun pour le Congo) sont en guerre contre ceux du CACH (Cap pour le Changement), et vice-versa. Comme s’ils continuaient à appartenir à des gouvernements différents et rivaux. Querelle Kankonde – Ruberwa Il y a eu d’abord des allégations d’une ‘‘intrusion’’ du ministre d’Etat en charge de la Décentralisation, Azarias Ruberwa Manyiwa, dans le conflit opposant le vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur, Kankonde, aux gouverneurs Gentiny Ngobila Mbaka (Kinshasa) et Pancrace Boongo Nkoy (Tshuapa). Le VPM et ministre de l’Intérieur a décidé que certains gouverneurs qui avaient procédé à la mise en place des bourgmestres, maires et administrateurs des territoires devaient impérativement annuler leurs décisions qu’il estimait avoir été prises en violation de la Constitution et des lois de la République. En réponse au VPM Kankonde, les gouverneurs Gentiny Ngobila Mbaka et Boongo Nkoy, au nom d’un collectif informel des gouverneurs, répondirent en justifiant leurs décisions et persévérant dans leurs initiatives, ce qui a été considéré comme un acte de rébellion par le ministère de l’Intérieur. Azarias Ruberwa Manyiwa, ministre de la Décentralisation, est intervenu dans ce litige par sa lettre destinée au collectif des gouverneurs pour cautionner leur interprétation de la loi et recomBISBILLES AU SEIN DU GOUVERNEMENT ILUNKAMBA Gilbert Kankonde vs Azarias Ruberwa mandé au VPM et ministre de l’Intérieur d’organiser plutôt une concertation sur cette question avec ledit collectif. «Le ministre de la Décentralisation a oublié, ou feint d’oublier, qu’au sein du gouvernement, le vice-Premier ministre est au-dessus de lui et qu’il ne peut lui donner ni injonctions ni recommandations. Il a oublié aussi que l’on ne doit pas négocier avec un groupe informel d’individus qui se croit tout permis du seul fait qu’ils sont membres du FCC», a déclaré un collaborateur du numéro 1 de la territoriale. Cette absence de concertation entre deux membres d’un même gouvernement a eu pour conséquence de créer une situation de confusion au sein de l’exécutif national. Echanges de courriers Affaires foncières – Justice On rappelle à ce propos que dans sa lettre n° 0267/CAB/ MIN/AFF FONC/ASM/ août 2019 du 2 novembre 2019, Sakombi Molendo, ministre des Affaires foncières, avait, en ce qui le concerne, fait remarquer que c’est par les médias sociaux qu’il avait été mis au courant de la réponse que le vice-Premier ministre et ministre de la Justice a réservé à sa lettre relative au différend qui oppose Gabriel Mokia Mandembo à Alphonse Ngoyi Kasanji. Le ministre des Affaires foncières qui semblait en l’espèce faire fi de la qualité de conseiller juridique du gouvernement du ministre de la Justice, garde des Sceaux a dénoncé aussi le fait que dans un dossier immobilier où il y a des décisions judiciaires coulées en force de chose jugée en faveur de Gabriel Mokia Mandembo, le VPM et ministre de la Justice ait pris fait et cause pour Alphonse Ngoyi Kasanji qui est le perdant selon lui. Cette autre absence de concertation entre deux membres d’un même gouvernement a porté préjudice à la bonne image du gouvernement ainsi qu’à l’administration de la justice et aux droits reconnus aux particuliers. Ordonnances de nomination à la Gécamines et à la SNCC Autre dysfonctionnement: cinq mois après, les ordonnances du président de la République nommant les animateurs de la Générale des Carrières des Mines (Gécamines) et de la Société Nationale des Chemins de fer du Congo (SNCC) ne sont toujours pas appliquées par le ministère du Portefeuille. On s’en étrangle d’indignation dans les travées du CACH. «Avec quel pouvoir un ministre peut-il refuser d’exécuter les décisions du président de la République ? Pourquoi le chef de l’Etat n’utilise-t-il pas toutes les voies légales de droit pour faire exécuter ses ordonnances alors que son pouvoir ne connaît pas de limites autres que celles prévues par la Constitution ?», s’étonne un observateur proche du dossier. Qui en la matière oublie un acteur mis en place expressis verbis par la constitution pour statuer sur de tels cas : les juridictions de l’ordre administratif (chambres administratives des Cours d’appel et Conseil d’Etat). En tout état de cause, si l’on n’y prend garde, de tels conflits d’attribution et de compétences qui semblent isolés sont de nature à bloquer le bon fonctionnement des institutions.
HERMAN MALUTAMA