La deuxième indépendance, slogan des manifestants d’Alger décidés à en découdre avec le pouvoir en place dans leur pays depuis la lutte pour l’indépendance au début des années ’60 conviendrait mieux à la situation que vivent aujourd’hui les Congolais de la RDC soumis aux fourches caudines des puissances occidentales parties prenantes à la fameuse Conférence de Berlin sur le bassin du Congo de 1885 qui héritèrent de leur territoire à la suite du partage de l’Afrique par cette conférence et n’ont jamais cessé depuis lors d’enserrer leurs griffes sur ce « scandale géologique » dont le peuple continue à croupir dans une misère paradoxale. En dépit de l’indépendance proclamée solennellement le 30 juin 1960, des grands groupes de pressions occidentaux déterminés à maintenir ce pays dans un statut de chasse gardée pour les leurs sont à la manœuvre sur plusieurs fronts avec l’appui de leurs gouvernements pour permettre à ces derniers de conserver leur mainmise sur les potentialités et les richesses mises à jour il y a plus d’un siècle dans ce « royaume des ténèbres ». On peut citer à titre d’illustration les difficultés d’un jeune chercheur congolais, Jérôme Munyangi, malmené par l’industrie pharmaceutique occidentale à cause de son dynamisme dans la promotion d’une plante locale contre la malaria qui menace la prépotence de l’industrie pharmaceutique occidentale, la campagne féroce contre le nouveau Code minier congolais entré en vigueur en 2018 pour mettre un terme au quasi-pillage des ressources minières par les investisseurs du secteur après sa promulgation par l’ancien président Joseph Kabila Kabange et, last but not least, la énième attaque frontale depuis Bruxelles et New York, par le Groupe d’études pour le Congo (GEC) contre le projet Inga III destiné à augmenter l’offre de l’énergie électrique du pays. Le sens du combat pour la liberté Le combat pour la libération du Congo, ne s’est pas achevé le 30 juin 1960, loin s’en faut. La charte que la 2ème indépendance : la RDC aussi ! autorités belges octroyèrent pompeusement aux Congolais ce jour-là n’aura été de toute évidence qu’une indépendance de façade. Un mensonge, même répété mille fois ne deviendra jamais une vérité : la véritable émancipation du peuple ne peut s’évaluer qu’en termes de rupture des liens de subordination économiques, seule à même d’entraîner des changements qualitatifs conséquents dans la vie des Congolais. C’est tout le sens de la prophétie de Simon Kimbangu lorsqu’il déclarait en 1921 : « Moto moyindo akokoma mondele, mondele akokoma moto moyindo » (le noir deviendra noir et le noir deviendra blanc), une prophétie popularisé par l’artiste Adou Elenga dans sa célèbre chanson « Ata ndele, mokili ekobaluka » (tôt ou tard, le monde changera). C’était certes pour la liberté mais c’était aussi, et surtout, pour l’amélioration de leurs conditions de vie que les pères de l’indépendance avaient pris le risque d’affronter un système colonial de plus avisé et mieux armé qu’eux… Le mépris affiché par les participants à la Conférence de Berlin qui dessinèrent l’Afrique sans les africains ainsi que la violence et la ruse des explorateurs comme le journaliste britannique Henry Morton Stanley pour arracher la soumission des autochtones témoignent de la volonté radicale de domination des envahisseurs. Ce fut ensuite l’horreur des mains coupées par les cruels janissaires du roi des Belges Léopold II pour améliorer le rendement des ramasseurs de caoutchouc… En un mot comme en cent, le combat pour la libération du Congo est certes politique, mais la dimension économique y est prépondérante. Les méthodes apparemment moins brutales aujourd’hui peuvent faire illusion mais le schéma initial reste le même. Il s’agit de soumettre, exploiter et faire du profit. Sacrifices consentis Que 76 ans après la conférence de Berlin, PatriceEmery Lumumba, le leader indépendantiste, par ailleurs chef de la première majorité parlementaire à issue des élections générales organisées en 1960 par l’administration coloniale ait été abattu avec deux compagnons d’infortune par un peloton commandé par un sous-officier belge au Katanga, que leurs corps aient été dilués dans un fût d’acide sulfurique d’une société minière belge sans que six décennies plus tard, le moindre compte ne soit demandé à qui que ce soit par les champions des Droits de l’Homme qui se permettent de sanctionner les producteurs africains de cacao qui osent se faire aider par leurs propres enfants en vacances dans leurs petites entreprises familiales symbolise bien ce cynisme méprisant dont les Congolais continuent à être l’objet de la part des puissances donneuses de leçons en se parant d’un manteau usurpé de parangons des vertus humanistes. En dépit de tout ce que l’histoire lui reprochera, le Maréchal-Président Mobutu Sese Seko avait en son temps tenté de récupérer le patrimoine du peuple congolais par la nationalisation de l’Union Minière du Haut Katanga et la création de la Gécamines ainsi que par sa politique, certes assez maladroitement mise en œuvre, de « zaïrianisation » d’importants secteurs de l’économie nationale. Son tombeur, Mzee Laurent Désiré Kabila, a été carrément tué en son cabinet de travail par un assassin manifestement circonvenu par ceux qui réprouvaient sa tranchante volonté de faire prendre à son peuple le contrôle des richesses de la nation et de « ne jamais trahir le Congo ». Joseph Kabila Kabange, le quatrième président rd congolais que d’aucuns dans les hautes sphères néocolonialistes pensaient pouvoir manipuler aisément, en raison de son jeune âge lorsqu’il arriva au pouvoir, affichera le même radicalisme dans la défense de la souveraineté du pays et des Intérêts Nationaux. Cela lui valut de virulentes campagnes hostiles aussi bien politiques, diplomatiques que militaires sous le couvert hypocrite de la défense des valeurs démocratiques et des droits de l’homme par d’étrangers philanthropes occidentaux dont on s’aperçoit de plus en plus que les velléités dominatrices sont toujours les mêmes. Ainsi va le monde actuel : tous ceux des dirigeants congolais qui s’y frotteront tant soit peu s’y piqueront. Le temps des épreuves La question qui se pose aujourd’hui est celle de savoir ce qu’entend faire Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, cinquième président de la RDC, face aux prétentions néocolonialistes des partenaires traditionnels de son pays. Les éloges dont il fait quotidiennement l’objet ne doivent pas lui perdre de vue la dure réalité et notamment celle des persécutions infligées à son compatriote promoteur de la plante médicinale Artémisia qui guérit la malaria mieux que tous les produits « finis » des industriels occidentaux, le refus des grands opérateurs miniers occidentaux qui après avoir empoché, entre 2010 et 2014, plus de 42 milliards USD de bénéfices sur l’exploitation des mines congolaises ne laissant aux Congolais qu’une misérable obole de 6 milliards USD, de s’acquitter au profit du Trésor d’un niveau de fiscalité qu’ils acceptent partout ailleurs, le gros tintamarre de ceux qui dégainent la grosse artillerie quotidiennement contre la Gécamines, « coupable » d’avoir résolu de mieux faire fructifier ses partenariats au profit de l’Etat congolais actionnaire et la ruée sur l’Agence de Développement du Projet d’Inga (ADPI) de ceux qui voudraient garder le contrôle du marché de l’énergie électrique congolaise. Le président Tshisekedi n’a pas droit à l’erreur. En l’espèce, et comme le souhaitent ses partenaires du Front Commun pour le Congo (FCC) au sein de la majorité parlementaire et dans la coalition gouvernementale, il se doit de bien garder l’esprit qui avait inspiré les pères de l’indépendance dont certains furent des contemporains de son géniteur, le célèbre Etienne Tshisekedi wa Mulumba, et que son prédécesseur Joseph Kabila Kabange a su si bien incarner. Artémisia contre malaria Le Docteur Jérôme Munyangi, qui symbolise ce combat en RDC, n’est peut-être pas le découvreur de cette merveilleuse plante utilisée dans la médecine chinoise depuis des siècles. Mais grâce à son action dans le pays, il a déjà permis à plusieurs Congolais du Maniema de se débarrasser de cette maladie qui tue bien plus que toutes les autres sous les tropiques, sans se ruiner au profit des grands groupes pharmaceutiques qui contrôlent et dominent le marché des antipaludéens dans le pays. Ce chercheur congolais est actuellement en difficulté. Son crime : avoir, après examens et démonstrations, convaincu beaucoup de ses compatriotes qu’il était possible de guérir de la malaria assassine sans forcément y engager des fortunes. Une véritable priorité nationale. Le mot d’ordre « le peuple d’abord » qui est le leitmotiv du nouveau président devrait en toute logique le conduire à s’emparer de cette question, protéger ce chercheur patriote et ordonner au gouvernement dont il a la haute charge à faciliter officiellement la promotion de sa thérapie ? Il est encore possible d’agir. Le nouveau Code minier Au mois d’octobre 2019, Mark Bristow, le patron de Kibali Gold Mine, est passé par Kinshasa pour fêter la bonne marche de ses affaires en RDC. La production des mines aurifères congolaises a battu selon les statistiques qu’il a rendu publiques des nouveaux records de production. La prévision de production de 750 000 onces d’or pour cette année sera largement dépassée. Pourtant, le millionnaire n’hésite pas à s’attaquer de front à la réforme la plus significative en termes de recettes publiques attendues en déclarant haut et fort son intention d’amener le gouvernement congolais à ne pas appliquer les dispositions du nouveau code minier. A en croire un chroniqueur deskeco.com le numéro 1 de KGM n’envisage pas de renoncer aux avantages acquis par le code révisé, donc caduc de 2002. Mieux, il affirme que sa société aurait « déjà entamé des échanges avec le nouveau gouvernement de la République ; le dialogue a repris sur diverses questions et une nouvelle dynamique s’installe». Se référant à la taxe pour la promotion de l’industrie locale due au Fonds de Promotion de I’Industrie (FPI) et à celle affectée à l’Office de Gestion du Fret Multimodal (OGEFREM) Bristow a accué le gouvernement congolais de « continuer à percevoir de manière opportuniste des impôts illégaux ». Comme si, d’opérateur minier, il était devenu législateur ou juge de la conformité aux lois des dispositions réglementaires prises par les autorités 2ème indépendance : la RDC aussi ! congolaises. En quoi la promotion de l’industrie est-elle une pratique opportuniste ? Reste pour le commun des Congolais à espérer que le nouveau gouvernement et, plus particulièrement le président de la République ne vont pas céder à ces pressions des miniers qui les poussent à violer la législation nationale en vigueur. A ce sujet, Peter Kazadi, un cadre de l’UDPS, le parti présidentiel a déclaré sur une chaîne de télévision locale que l’UDPS ne reviendrait pas sur le Code minier de 2018, parce qu’il correspond aux intérêts du peuple congolais. Les pressions sont importantes et le seront encore plus, mais il faut espérer que le nouvel exécutif FCC-CACH saura, car il ne disposera pas de moyens de réaliser les ressources prévues au budget très volontariste projeté pour le prochain exercice. En la matière, la dynamique des promesses de financement cadeau n’y peut rien. A cette liste, il faut ajouter la question de la Gécamines, société nationale, que des partenaires étrangers voudraient infiniment exploiter sans verser le moindre dividende et que le gouvernement a le devoir de défendre. Le projet Inga III Un rapport récent publié simultanément à Bruxelles et New York par deux organisations, Resource Matters et le Groupe d’Etudes sur le Congo (GEC) s’est attaqué à l’Agence pour le Développement du Projet d’Inga. Sur un style de censeurs ces deux officines ont affirmé que de nombreuses défaillances et la corruption paralysent l’avenir de ce projet sur lequel repose les espoirs des Congolais de vaincre leur déficit énergétique et de vendre à toute l’Afrique le surplus des 11.000 MW qu’il devrait générer dans sa phase finale. Présomptueux, Resource Matters et GEC estiment que « pour l’instant, dans les négociations qui sont en cours et dans les accords préliminaires qui ont été déjà signés entre la RDC et les deux consortiums qui sont pressentis pour développer le projet, il n’y a pas vraiment de garantie que les Congolais vont bénéficier de l’électricité » sans donner les éléments qui sous-tendent pareille allégation. La seule raison convoquée à l’appui de cette campagne de sape résiderait dans le rattachement à la présidence de la République de l’ADPI qui aurait conduit « les bailleurs de fonds multilatéraux du projet à se retirer, privant l’agence qui pilote le projet Inga III de fonds pour mener les études et les appels d’offres nécessaires à la bonne réalisation du projet ». Des accusations gratuites. « Il s’agit d’une pure affabulation car il est faux de croire que le simple fait pour un tel projet de relever d’un ministre ne le met nullement hors de portée de l’influence de la plus haute autorité du gouvernement qu’est le président de la République », selon un expert de l’ADPI. Prétendre que dès lors qu’un dossier est contrôlé par la présidence de la République, il y a mégestion et manque de transparence, est une ineptie. Qu’en est-il de la diplomatie ou de la défense nationale qui relève constitutionnellement des matières étroitement soumises à l’autorité du président du fait de leur sensibilité ? Et s’agissant de l’ADPI, jusqu’à ce jour, tous les organes intéressés, officiels et privés par la gestion de ce projet, ont été régulièrement informés ; sauf, exactement comme dans tous les Etats de la planète, sur les secrets de l’entreprise et ceux de l’Etat, bien évidemment. De fait, l’ADPI est l’organe mis en place par la RDC pour gérer et coordonner toutes les activités relatives au projet Inga III. Comme il est de coutume dans tous les pays du monde, en raison du caractère hautement stratégique du projet, celui-ci est directement rattaché à la présidence de la République. (Sous Kabila comme sous Tshisekedi). Il faut ensuite dénoncer un mensonge ; l’ADPI que dirige Bruno Kapandji n’a jamais manqué de moyens pour mener à bien son travail. L’Etat congolais et d’autres partenaires souverainement acceptés par le gouvernement congolais répondent régulièrement aux besoins de trésorerie de l’agence. Quant à l’idée que le projet Inga III ne garantirait pas la fourniture de l’électricité au peuple congolais, ce projet ne constitue l’unique réponse de l’Etat congolais aux besoins en énergie électrique du pays. Certes, il s’agit plus grand projet actuel en l’espèce, mais il participe de tout un ensemble de programmes destinés faire face à la demande domestique en fourniture d’énergie électrique. Une panoplie d’autres barrages hydro-électriques sont en effet simultanément mis en œuvre par les autorités congolaises. Chacun de ces ouvrages a son rôle et sa zone géographique à desservir. Du reste, dans sa configuration actuelle, Inga III réserve 3.000 MW sur les 11.000 aux besoins domestiques des Congolais. N’en déplaise aux rédacteurs du rapport des officines anticongolaises de Bruxelles et de New York, les spécialistes Congolais savent bien que ces 3.000 MW ne suffiront pas à répondre à tous les besoins. C’est la raison pour laquelle d’autres autres barrages tels que Zongo, Kakobola, Katende, Mwadingusha, Koni, Nzilo, Rutshuru, Rutchurukuru,Tubi Tubidi, Tshala, Matebe, Mutwaga etc, sans oublier l’important projet de Wanyerukula avec une capacité de 2.000 MW sont prévus pour les provinces de la Grande Equateur, de la Grande Orientale et d’un partie du Grand Kivu. La RDC comme tout autre Etat normalement constitué est en droit de développer une politique énergétique régionale. Inga III est à cet égard un instrument de cette approche légitime et, au demeurant fort intéressant en termes de retombées budgétaires escomptées à travers les fonds qu’il est appelé à générer au profit du Trésor congolais pour le financement d’autres projets. C’est probablement cette perspective qui explique la gêne de ceux qui se sont installés confortablement dans le rôle de « sauveurs » et de « faiseurs de cadeaux » qui en réalité n’en sont pas… Il appert assez clairement que ce rapport de Ressource Matters et GEC est une attaque contre le président honoraire Joseph Kabila dont le seul crime est d’avoir, en son temps, conduit ce dossier conformément aux Intérêts Nationaux de la RDC qui ne sont pas nécessairement ceux de certains Majors de l’industrie minière occidentale. C’est dans le même temps un acte de séduction à l’endroit de son successeur, le président Félix-Antoine Tshisekedi et une vile opération de « chantage préventif » destinée à brandir devant le nouveau pouvoir la capacité de nuisance des auteurs de ce baroud maladroit dont les mentors tentent d’obtenir le leadership de ce juteux projet. C’est en définitive un acte de guerre commerciale, teinté de l’arrogance et du mépris habituel que les Congolais, quel que soit leur bord politique, se faire un point d’honneur à ne plus jamais accepter de personne. Trop d’apprentissorciers en Occident s’évertuent à penser que rien ne devrait jamais changer dans leurs relations avec la RDC. Inacceptable.
JEAN PIERRE KAMBILA