Le colonel John Tshibangu n’est pas sorti de la prison militaire de Ndolo, samedi 2 novembre 2019, comme annoncé avec pompe par certains de ses proches et admirateurs. Des questions de procédure retardent encore sa sortie de prison, selon un de ses avocats qui confirme pourtant que Tshibangu avait bien reçu un billet de sortie vendredi soir alors que les réseaux sociaux bruissaient de postings sur une prétendue relaxation pure et simple du ‘’général’’ John Tshibangu. « Nous avons été appelés, jeudi dernier, par l’auditeur général des FARDC, le général Tim Mukunto, qui nous a annoncé la libération du colonel John Tshibangu. Le vendredi 1er novembre 2019, un billet de sortie lui a été remis et il devait quitter la prison militaire de Ndolo, vers 16 heures. Le lieutenant qui lui a remis le billet de sortie a souhaité le conduire dans un hôtel à Bandal. En l’absence de nous, ses avocats, et de sa famille, le colonel Tshibangu a demandé de passer la nuit à Ndolo pour sortir hier samedi. Quand nous sommes arrivés à la prison hier, nous avons vu l’inspecteur pénitentiaire qui a repris le billet de sortie au motif qu’il avait expiré et qu’il en fallait un autre qui malheureusement n’est pas LA GRANDE MUETTE REFUSE D’ETRE POLITISEE Colonel (général ?) John Tshibangu arrivé », explique Me Alain Tshisungu, qui révèle qu’il y avait un problème juridique de fond qui nécessite une procédure. Contrairement aux affirmations triomphales répandues sur la toile, l’officier supérieur renégat qui s’est par ailleurs auto-affublé du grade de général pendant sa mutinerie n’aurait bénéficié que d’une promesse de libération conditionnelle et non d’un abandon de poursuites. « Une libération pure et simple de cet officier supérieur après les faits graves portés à sa charge aurait compromis sérieusement la discipline au sein des FARDC au moment où la RDC a besoin d’une armée professionnelle, intègre, soumise à la discipline du corps ainsi qu’à la stricte obéissance aux lois et à l’apolitisme », confie à notre rédaction une source militaire proche du dossier. Me Tshisungu ne dément pas cette version : « l’affaire du colonel John Tshibangu a déjà été fixée devant la Haute Cour Militaire » dit-il pour expliquer l’impossibilité de l’abandon des poursuites par l’Auditorat (parquet) général des Forces Armées de la République Démocratique du Congo. « Cela revient à dire que l’Auditorat est dessaisi (au profit des juges militaires ndlr). Etant donné que le principe de sa libération est acquis, nous allons introduire, dès ce lundi, notre mémoire unique au niveau de la Haute Cour qui va se réunir pour solliciter une mise en liberté provisoire. A partir de ce moment, notre client pourra commencer à comparaître tout en étant libre », précise-t-il. Se confiant à nos confrères de ACTUALITE.CD, l’avocat Alain Tshisungu croit savoir que dans ces circonstances, la libération (conditionnelle) de son client le colonel John Tshibangu peut prendre encore une semaine au minimum. Chef d’état-major de la région militaire de l’ex-Kasaï Occidental, basé à Kananga, le colonel John Tshibangu, un officier parmi les mieux cotés des forces gouvernementales (on lui avait confié le commandement des troupes lors du dernier imposant défilé inter armées de la région des Grands lacs à Goma avant le retrait définitif des troupes rwandaises), avait fait défection avec une dizaine de soldats mutins le 12 août 2012. Il avait annoncé dans la foulée la création d’un groupe armé rebelle dénommé Mouvement pour la Revendication de la Vérité des Urnes (MRVU) en apportant son soutien à feu Étienne Tshisekedi wa Mulumba, candidat malheureux à l’élection présidentielle de novembre 2011 dont le vainqueur proclamé avait été Joseph Kabila Kabange. Après un long silence, Tshibangu réapparaîtra quelques années plus tard dans des vidéos sur les réseaux sociaux avec un discours menaçant donnant notamment 45 jours au président Joseph Kabila, alors commandant suprême des armées, pour quitter le pouvoir faute de quoi, «je vais le faire partir par les armes». Arrêté à l’aéroport de Dares-Salaam en Tanzanie le 4 février 2019, il sera livré aux autorités congolaises qui l’ont détenu pendant quelques mois au quartier général de l’état-major des renseignements militaires à Kintambo avant de le transférer à la justice militaire. Son procès s’est ouvert devant la Haute Cour Militaire, le 25 juillet 2019, à Kinshasa. Il s’est poursuivi pour, entre autres faits, outrage au chef de l’État, participation à un mouvement insurrectionnel et détention illégale d’armes de guerre. De toute évidence, en dépit de la tendance générale à la décrispation politique, la solution préconisée par le haut commandement pour ce haut cadre militaire, auteur d’infractions aussi flagrantes ne semble pas aller plus loin qu’une libération conditionnelle. L’Etat de droit et la sécurité de la RDC sont aussi à ce prix.
HO