C’est au cours de l’audience qu’il a accordé aux parlementaires (députés nationaux et sénateurs) de la province du Sud-Kivu ce vendredi 1er novembre 2019 que le président de la République Démocratique du Congo Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo a mis les points sur les i en réponse aux rumeurs persistantes selon lesquelles des opérations conjointes FARDC-forces armées du Rwanda, du Burundi et de l’Ouganda allaient avoir lieu pour en finir avec les groupes armés qui écument et insécurisent l’Est du pays. Les élus du Sud-Kivu étaient allés rencontrer le chef de l’Etat pour parler de la situation sécuritaire sur l’ensemble de leur province du Sud- Kivu et particulièrement dans les Hauts plateaux de Fizi, Uvira et Itombwe. Ils en ont profité pour évoquer la question cruciale du dialogue d’Uvira comme moyen idéal pour recouvrer la paix et la sécurité et trouver des solutions idoines à tous les problèmes d’insécurité qui assaillent les populations vivant dans les Hauts Plateaux. Les questions de développement de la province et les infrastructures routières et aéroportuaires (avec l’aéroport de Kavumu) ont été également évoquées de même que l’encadrement des ex-combattants qui quittent les groupes armés et qui constituent une menace à la paix lorsqu’ils ne sont pas pris en charge. Les parlementaire sont plaidé pour des mécanismes originaux comme les barza et la justice transitionnelle afin que cessent les violences récurrentes dans cette partie du pays.
Abordant la question des informations faisant état de l’entrée des troupes étrangères pour combattre les groupes armés à l’Est de la RDC, Félix-Antoine Tshisekedi s’est dit « très étonné » par cette information, selon le député Amato Bayubasire, élu de Walungu. Selon le député qui cite le chef de l’Etat, ce dernier qui a dit souhaiter un accompagnement de l’action des Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) par les troupes de la Monusco leur a déclaré n’avoir « jamais envisagé la possibilité de voir des forces armées de pays étrangers entrer au Congo pour combattre les groupes armés». Cette position de Fatshi a été confirmée par le député national Martin Bitijula, doyen des élus du Sud-Kivu et président intérimaire du Caucus des députés et sénateurs élus du Sud-Kivu qui a conduit la délégation des parlementaires auprès du chef de l’Etat. Elle rejoint également la mise au point faite par le général-major Kasonga des FARDC au nom du haut commandement militaire congolais à l’issue de la rencontre entre les chefs militaires des pays de la région des Grands Lacs de Goma. « La mutualisation des forces entre nos pays signifie un échange de renseignements militaires et un déploiement des troupes de chaque pays chacun sur son territoire à la frontière commune pour empêcher la circulation de ces forces négatives qui déstabilisent la région », avait-il dit en substance.
L’audience des élus sud kivutiens auprès du président Tshisekedi suivait une nouvelle éruption de violences interethniques dans les hauts plateaux d’Itombwe où des milices maï-maï Yakutumba se sont opposées à des ressortissants Banyamulenge. Des morts d’hommes et des pillages de milliers de tête de bétails ont été signalés sur fond de discours xénophobes. « Les auteurs de discours d’appel à la haine et à la violence en RDC peuvent faire l’objet de poursuites au niveau national ou international » a prévenu Abdoul Aziz Thioye, responsable du Bureau conjoint des Nations-Unies aux Droits de l’Homme (BCNUDH). Sont ainsi visés, tous les discours et interventions des porte-voix réels ou supposés des communautés impliquées d’une façon ou d’une autre dans les violences observées sur les hauts plateaux du Sud-Kivu.
Depuis mars dernier, au moins 73 villages ont été brûlés dans la région. La semaine dernière, en territoire de Bijombo, quatre villages majoritairement banyamulenge ont été détruits par le feu lors d’attaques par des groupes maï-maï. Les Nations-Unies insistent particulièrement sur les ravages que peuvent faire les discours de haine infusés de part et d’autre au sein de l’opinion publique : « Autour de la crise que nous connaissons à Minembwe depuis mars, il y a de la part des différentes communautés un discours inflammatoire et avec un certain glissement sur des questions liées à l’identité, mais également l’appartenance nationale. Ce qui pose problème, parce qu’en réalité, ça c’est le terrain vers lequel il ne faut pas aller du tout », explique le responsable du BCNUDH. Il explique qu’il est très important de rappeler à l’ordre tout le monde, y compris les tireurs de ficelles, notamment ceux qui ne sont pas sur place au Sud-Kivu : « Il y en a beaucoup qui sont dans l’ombre, qui sont à des niveaux de responsabilité très élevés, qui attisent ces discours-là, qui sont impliqués dans la diffusion de messages qu’on pourrait assimiler à des messages de haine ou des messages qui incitent à la violence ». Et de préciser que « l’incitation à la haine est constitutive d’un crime international et (que) ces auteurs peuvent faire l’objet de poursuites au niveau national ou au niveau international. Nous avons aujourd’hui les moyens de documenter les appels à la haine et l’incitation à la violence pour capturer l’essentiel des informations qui sont générées dans les sites et également sur les réseaux sociaux en général ».
Aucun doute, le gouvernement Ilunga Ilunkamba va devoir, dans les jours à venir, prendre des dispositions pratiques pour ramener, voire imposer la paix dans les hauts plateaux d’Itombwe. Sous peine de s’exposer à une déstabilisation généralisée de la contrée.
JN