Le procureur général près la Cour de cassation, Flory Kabange Numbi, est sorti de sa réserve le 15 octobre 2019 à l’occasion de la rentrée judiciaire, en s’exprimant sans ambages sur les dernières élections en RDC pour proposer des pistes de solutions aux problèmes judiciaires qu’elles ont posé. Il n’y a pratiquement pas eu de procès en bonne et due forme relatifs à la corruption, faute de plaignants. L’opinion congolaise n’est pas prête d’oublier le ramdam de dénonciations de corruption qui ont entouré les élections au second degré, celles des sénateurs et des gouverneurs des provinces, particulièrement qui furent un véritable marché électoral au cours duquel les voix des élus provinciaux, grands électeurs, se sont échangées contre des sommes allant de 20.000 à 100.000 USD.
Les dénonciateurs se sont proprement défilés, déplore Flory Kabange Numbi
De nombreuses voix se sont élevées contre cette pratique nauséabonde et dangereuse pour la démocratie. Certains, comme l’ancien candidat à la présidentielle en 2011, le CACH Adam Bombole, sont allés jusqu’à retirer leurs candidatures pour «ne pas cautionner cette corruption érigée en règle » alors que d’autres à l’instar du FCC Lambert Mende renonçaient purement et simplement à introduire quelque recours que ce soit après une élection gouvernorale entachée de grossières irrégularités.
Dans la plupart des cas en effet, seules les ressources insoupçonnées des pratiques de corruption ont permis de départager les candidats aux élections indirectes monnayées à qui mieux-mieux par les 485 députés provinciaux. A Kinshasa la capitale par exemple, malgré 12 députés provinciaux électeurs, le parti présidentiel (UDPS/Tshisekedi) s’est retrouvé sans le moindre sénateur élu. Mais également et surtout dans les provinces du Kasai Oriental et Kasai Central où l’imposante majorité d’élus du parti tshisekediste a brillé par un ‘‘report stipendié’’ de ses voix sur des candidats de partis ou regroupements autres, notamment le FCC.
Mais ce n’était qu’un prêté pour un rendu car le FCC a, quant à lui, été victime de telles opérations d’achat de voix en perdant notamment la province du Sankuru malgré ses 22 députés électeurs sur 25 au profit d’un candidat CACH.
Abondamment pris à parti pour ce qui avait été présenté comme une apathie de la justice devant ces réalités avilissantes pour la jeune démocratie congolaise, Flory Kabange Numbi, le numéro 1 du parquet s’en est plus que défendu mardi dernier en reprochant aux acteurs politiques de n’être pas allés jusqu’au bout de leurs logiques. « Une chose est de dénoncer le fait infractionnel et une autre est d’aller jusqu’au bout de sa logique, en confirmant sa plainte au niveau des instances judiciaires, de manière à faire avancer l’instruction en collaborant au recueil des éléments des preuves à l’appui des accusations portées. Tel n’a pas été malheureusement le cas pour les dernières échéances, alors que les dénonciations ont été faites avec fracas. Les dénonciateurs, lorsqu’ils ne se sont pas confondus en excuses, ont carrément disparus de la circulation », a déclaré le procureur général près la Cour de cassation.
Compte tenu des dérapages révélés par les dernières échéances électorales, Flory Kabange Numbi propose de moraliser la vie politique pour sauver la démocratie en RDC. Notamment par une législation érigeant les actes de ‘‘motivation’’ des électeurs par les candidats en campagne électorale en infraction spécifique à intégrer dans la loi électorale. Pour le haut magistrat, de tels actes de motivation entreraient bien dans la définition de l’infraction de corruption en droit pénal congolais au regard des éléments tant matériel que moral. Ils devraient dès lors être «érigés en infraction spécifique à inférer dans la loi électorale de telle sorte que l’attention particulière des candidats et des électeurs soient attirés davantage sur ces pratiques. L’objectif étant de garantir le libre-examen», a expliqué en substance le patron du parquet général près la Cour de cassation.
J.N