La disparition de l’avion-cargo de type Antonov AN72 affrété par la présidence de la République, le 10 octobre 2019 a failli mettre le feu aux poudres dans la coalition FCC-CACH au pouvoir en RDC. Vendredi 11 octobre dans la matinée, la commune de Limete à Kinshasa, qui abrite le siège de l’UDPS, le parti présidentiel, a été sens dessus-dessous suite à une action improvisée d’un groupe de combattants chauffés à blanc, convaincus que l’aéronef avait fait l’objet d’un attentat visant le président Tshisekedi.
Pneus brûlés sur la chaussé barricadée, véhicules endommagés au milieu de vives altercations avec les forces de police, le bilan des échauffourées fut assez lourd, puisqu’on parle d’au moins 5 blessés, dont 4 policiers. Le pire n’a été évité que de justesse, grâce aux interventions du 1er vice-président de l’Assemblée nationale, président intérimaire du parti Jean-Marc Kabund, et de son second Augustin Kabuya, qui ont accouru sur les lieux.
La thèse d’un complot contre Félix Tshisekedi, ourdi par ses alliés du FCC, courait les « parlements debout » du parti tshisekediste depuis plusieurs semaines. Du quartier Mont Ngafula au Rond Point Ngaba et dans les réseaux sociaux, les partisans tshisekedistes étaient littéralement abreuvés de « révélations » sur un prétendu complot contre le chef de l’Etat, que l’on accusait le FCC de vouloir défenestrer au profit du dauphin putatif Alexis Thambwe Mwamba, le président du Sénat.
Longtemps avant le crash Le crash de l’Antonov AN72, dont les débris n’ont été découverts que 72 heures plus tard dans l’immense forêt équatoriale de la province du Sankuru, non loin du village Okutu en territoire de Kole n’a donc servi qu’à conforter une thèse qui s’était déjà répandue comme une traînée de poudre, sans doute alimentée par des forces obscures désireuses de torpiller la coalition FCC-CACH.
Beaucoup d’internautes ont eu beau jeu de surfer sur la disparition de l’aéronef qui avait décollé de Goma le 10 octobre dans la journée pour accréditer la thèse de l’attentat. Sur Facebook, un courrier présenté comme ‘‘émanant de la Central Intelligence Agency (CIA)’’ dénonce ainsi (on ne sait à l’intention de qui et dans quel intérêt) un attentat à la roquette identique à celui qui avait coûté la vie au défunt président rwandais Juvénal Habyarimana. Un autre évoque l’attaque contre un avion de Congo Airways au Maniema en 1996 en pleine ‘‘première guerre mondiale africaine’’, n’hésitant pas à relier le crash de l’Antonov présidentiel à un récent séjour du président du Sénat, alors un des dirigeants de la rébellion du RCD-Goma, dans son Maniema natal. L’insinuation, difficile à imaginer par un esprit cartésien, était que Alexis Thambwe Mwamba aurait entretenu chez lui des ’sleeping snippers’ pendant 23 ans !
Un internaute assurait le 11 octobre que « l’avion aurait eu une attaque d’une lance-roquette moderne juste après son décollage de Beni (sic !), (et que) les ennemis de la République ont confondu l’avion-cargo au jet du président Tshisekedi … ». Il n’est pas le seul à s’être confectionné ce qu’un sécurocrate interrogé par Le Maximum qualifie de stupidité. Pour la bonne et simple raison, selon lui, que des professionnels du genre des auteurs de l’attentat contre Habyarimana en 1994 ou Congo Airways en 1996 ne peuvent se tromper aussi lourdement de cible et confondre un vieil Antonov à hélices avec le jet supersonique présidentiel.
Troubles prémédités
Si du crash de l’Antonov AN72 à Kole à plus d’une heure de vol de Goma on ignore encore tout des circonstances exactes qui l’ont provoqué, il semble bien que les échauffourées de Kinshasa aient été préparées de longue date. Le crash n’aura été qu’un prétexte au déclenchement d’hostilités préméditées qui aurait pu être provoquées par l’occurrence de n’importe quel autre accident dans l’entourage présidentiel, même d’un vélo d’enfant en famille, selon un analyste.
En tout état de cause, à l’UDPS, certains dirigeants semblent avoir gardé suffisamment de lucidité pour ne pas tomber dans le panneau. Le 11 octobre dernier à la permanence du parti à Limete, Jean-Marc Kabund a accusé Lamuka d’être à la base de l’agitation « pour créer le désordre ». Intervenant à la même occasion, le secrétaire général du parti tshisekediste, Augustin Kabuya, a exhorté les combattants à ne jamais en venir à de telles excentricités, promettant une surveillance accrue pour débusquer les fauteurs des troubles parmi eux.
Lundi 14 octobre devant le « parlement debout » de la 11ème rue Limete, Kabuya a enfoncé le clou en demandant crûment à la foule des militants si elle souhaitait que Félix Tshisekedi rompe avec Kabila et renoue avec Fayulu. La réponse fut niet, sans fioritures.
Evariste Kwete Kalala, secrétaire national adjoint du parti a surenchéri en appelant les militants à « ne pas ouvrir la brèche que les ennemis du Congo attendent, celle où on va créer une psychose générale et installer un climat de terreur. Il faut qu’on reste calme. Le peuple, c’est la force suprême. Restons mobilisés et déterminés. Il faudra attendre les résultats des enquêtes pour déterminer les responsabilités dans ce crash», a-t-il déclaré, après qu’à Kananga, des militants aient eux aussi «manifesté contre l’accident» de l’avion-cargo mercredi 16 octobre dans la journée.
J.N.