Les Etats-Unis gagnent la guerre pour l’introduction du second vaccin contre Ebola en RDC.
Ça y est. Contre la maladie à virus Ebola au Nord-Kivu et en Ituri, il y aura un autre vaccin de plus que le rVSV-ZEBOV du laboratoire américain Merck déjà administré avec succès à quelques 222.730 personnes (rapport épidémiologique du 17 septembre 2019). Un deuxième vaccin sera introduit le 15 octobre 2019. Le Dr Eteni Longondo, ministre UDPS de la Santé, l’a formellement annoncé en marge de la mission qui l’a conduit dans les zones affectées par la MVE du 16 au 18 septembre courant. Pour ce faire, il suffira d’une signature de sa part aussitôt de retour dans la capitale, à l’en croire.
Le nouveau vaccin contre Ebola est produit par Janssens Pharmaceutica, une firme belge rachetée par l’américain J&J qui s’est assuré de la collaboration de chercheurs de l’ex-métropole coloniale de la RDC, manifestement pour ne pas interrompre leurs intéressants travaux. C’est l’un de ces chercheurs, le Dr Paul Stoffels qui est l’auteur du nouveau vaccin, fruit de 15 ans de recherche sur des vaccins capables de neutraliser les maladies à virus, qu’il s’agisse d’Ebola, de la fièvre de Marburg ou de Lhassa, de Zika ou l’lnfluenza, selon des propos repris par Colette Braeckman du quotidien belge Le Soir.
L’intérêt US pour la neutralisation d’Ebola n’est pas particulièrement orienté vers la solution du problème épidémiologique au Nord-Kivu et en Ituri. «C’est après les attentats du 11 septembre que les autorités américaines, prenant en compte la menace du bio terrorisme, ont demandé aux sociétés pharmaceutiques de mener des recherches sur des vaccins à large spectre, capables de neutraliser ces divers virus, 14 au total. En cas de réussite, ces vaccins pourraient être stockés par les gouvernements occidentaux afin de protéger leurs populations ou leurs armées contre d’éventuelles menaces de guerre biologique … » a expliqué Stoffels. « Il y aura d’autres explosions de maladies à virus, et nous voudrions être capables de vacciner des populations entières, en produisant des millions de vaccins, pour créer des sortes d’autoroutes de sécurité et faire échec aux épidémies comme Ebola …», a-t-il ajouté.
Un vaccin supplémentaire
Un deuxième vaccin US contre la MVE en RDC, ce n’est donc pas de la philantropie. D’autant plus que le premier vaccin yankee approuvé par les autorités sanitaires rd congolaises semble irréprochable jusque-là, puisqu’il a sauvé des centaines de milliers de vies humaines, à en juger par les statistiques officielles.
Le rVSV-ZEBOV était, en effet jusqu’à il y a peu, le vaccin le plus efficace contre Ebola. Il s’agit d’un vaccin vivant dont le vecteur est le virus de la stamitite vésiculaire (maladie qui touche bovins, porcs et chevaux). Il accueille un gène codant pour une protéine de la souche ‘‘Zaïre’’ du virus Ebola et a montré sa bonne tolérance, notamment en Guinée. Il empêche la maladie de se développer chez des personnes récemment infectées, notamment. Reste que pour son application, l’OMS recommande une stratégie «en anneau», qui consiste à vacciner l’entourage des cas identifiés pour opposer une barrière au virus (recommandation du mois d’août 2018). A la différence d’une vaccination géographique (par zones de santé par exemple) qui requiert un plus grand nombre de doses de vaccins. C’est manifestement ce qui a motivé les promoteurs du vaccin J&J.
Alors ministre de la Santé, le Dr. Oly Ilunga n’a jamais arrêté de pester contre ce dernier vaccin encore expérimental (il avait été expérimenté en Guinée, lui aussi, mais après l’épidémie) et qui s’administre en deux doses injectables en 56 jours d’intervalle.
Nouveau plan de riposte
Mardi 17 septembre, alors que les statistiques épidémiologiques relatives à la MVE faisaient état de 3.131 cas positifs et 493 cas suspects en cours d’investigation, le Dr. Eteni, nouveau ministre de la Santé en séjour à Butembo annonçait « un nouveau plan pour vaincre le fléau » et promettait l’amélioration de la coordination et d’autres activités liées à la riposte à la MVE. La nouvelle stratégie n’attendait plus que sa validation, en réalité, fixée au mercredi 18 septembre 2019. Le gouvernement Ilunga Ilunkamba ayant déjà opté pour une nouvelle stratégie intégrant le renforcement du système de santé, la surveillance épidémiologique, la formation, les équipements, les infrastructures, etc. Qui requièrent davantage de moyens financiers.
Les moyens financiers, c’est l’autre défi qui a conditionné l’acceptation d’un second vaccin anti-MVE en RDC, vraisemblablement. Et jeudi 12 septembre, 4 jours avant le plénipotentiaire américain en matière de Santé publique, Alex Azar, avait séjourné dans la région de Beni-Butembo. Avant de rencontrer le chef de l’Etat en compagnie du Dr Eteni. Son séjour rd congolais suivait de peu l’annonce d’un don US supplémentaire de 21 millions USD à la lutte contre Ebola.
La fenêtre Eteni Longondo
En fait, la gestion de la crise épidémiologique ne relève plus des seules autorités gouvernementales, ce qui a provoqué la démission de l’ancien ministre Oly Ilunga. Les provinces orientales de la RDC sont ainsi devenues le théâtre d’un nouveau type de compétition capitaliste : la lutte pour l’expérimentation de divers vaccins en quête d’homologation. Toutes les puissances financières de la planète en possèdent ou veulent en posséder un : Chinois, Russes, Américains, Français …
Depuis la terrible épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest (2013 – 2016) avec la perspective d’une contagion étendue à d’autres pays ou continents, les cinq pays membres permanents du Conseil de sécurité ont tous développé des vaccins et des traitements expérimentaux contre la souche Zaïre du virus. C’est donc un nouveau champ de bataille commerciale entre eux.
J&J s’est évertué pour introduire son sésame sanitaire en RDC, mais s’est heurté à la résistance du ministre sortant. Cette confrontation s’est soldée par la démission retentissante mi-juillet d’Oly Ilunga qui s’en est allé en dénonçant «les pressions d’un lobby malveillant pour imposer un vaccin encore expérimental». Nouvelles thérapies, nouveaux vaccins, la riposte à l’épidémie d’Ebola dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri s’amplifie et s’internationalise. Et relègue au second plan les malades et leurs contacts des régions congolaises affectées. Ce qui est éthiquement questionnable.
J.N.