Les incendies de la forêt amazonienne brésilienne, réputée, avec la forêt équatoriale rd congolaise, « poumon de la planète » a focalisé l’attention de la communauté internationale. A l’issue du sommet du G7 (Etats-Unis, Japon, Allemagne, Royaume-Uni, France, Italie, Canada) tenu à Biarritz en France du 24 au 26 août 2019, Emmanuel Macron a annoncé la décision commune de débloquer une aide d’urgence de 20 millions d’euros, principalement pour y envoyer des avions extincteurs Canadair. Mais aussi une aide à moyen terme destinée à contrer la déforestation, à présenter à l’assemblée générale de l’ONU fin septembre. Le tout dans un contexte suggérant l’internationalisation de la partie brésilienne de l’immense forêt Sud-Américaine, au motif que la planète toute entière en dépendait. Le Brésil a très peu apprécié l’ingérence dans ses problèmes internes, sous prétexte d’urgence humanitaire mondiale. D’autant plus que le chef d’Etat Français a profité des incendies dans la forêt de l’Amazonie pour accuser le Brésil d’anti-écologisme, suivi en cela par Michelle Bachelet, Haut-Commissaire des Nations-Unies pour les droits de l’homme, qui a dénoncé un « rétrécissement de l’espace démocratique » vis-à-vis des défenseurs de la nature et des droits de l’Homme.
Jair Bolsonaro, le chef de l’Etat brésilien, a exigé d’Emmanuel Macron qu’il se rétracte au sujet de sa proposition d’internationalisation de la forêt amazonienne, lui dont le pays n’avait même pas été capable de venir à bout de l’incendie prévisible de la cathédrale Notre Dame en plein Paris.
Et, aux Etats-Unis, au cours d’un débat dans une université, le ministre brésilien de l’Éducation, Cristovao Buarque, interrogé sur ce qu’il pensait au sujet du projet d’internationalisation de l’Amazonie en a remis une couche. L’étudiant américain auteur de la question avait précisé espérer une réponse d’un humaniste et non d’un Brésilien.
Réponse du berger à la bergère
Cristovao Buarque n’a pas mis les gants pour répondre : «en tant que Brésilien, je m’élèverais tout simplement contre l’internationalisation de l’Amazonie. Quelle que soit l’insuffisance de l’attention de nos gouvernements pour ce patrimoine, il est nôtre. En tant qu’humaniste, conscient du risque de dégradation du milieu ambiant dont souffre l’Amazonie, je peux imaginer que l’Amazonie soit internationalisée, comme du reste tout ce qui a de l’importance pour toute l’humanité.
Si, au nom d’une éthique humaniste, nous devions internationaliser l’Amazonie, alors nous devrions internationaliser les réserves de pétrole du monde entier. Le pétrole est aussi important pour le bien-être de l’humanité que l’Amazonie l’est pour notre avenir. Et malgré cela, les maîtres des réserves de pétrole se sentent le droit d’augmenter ou de diminuer l’extraction de pétrole, comme d’augmenter ou non son prix.
De la même manière, on devrait internationaliser le capital financier des pays riches. Si l’Amazonie est une réserve pour tous les hommes, elle ne peut être brûlée par la volonté de son propriétaire, ou d’un pays. Brûler l’Amazonie, c’est aussi grave que le chômage provoqué par les décisions arbitraires des spéculateurs de l’économie globale. Nous ne pouvons pas laisser les réserves financières brûler des pays entiers pour le bon plaisir de la spéculation.
Avant l’Amazonie, j’aimerais assister à l’internationalisation de tous les grands musées du monde. Le Louvre ne doit pas appartenir à la seule France. Chaque musée du monde est le gardien des plus belles œuvres produites par le génie humain. On ne peut pas laisser ce patrimoine culturel, au même titre que le patrimoine naturel de l’Amazonie, être manipulé et détruit selon la fantaisie d’un seul propriétaire ou d’un seul pays. Il y a quelque temps, un millionnaire japonais a décidé d’enterrer avec lui le tableau d’un grand maître. Avant que cela n’arrive, il faudrait internationaliser ce tableau.
Pendant que cette rencontre se déroule, les Nations unies organisent le Forum du Millénaire, mais certains Présidents de pays ont eu des difficultés pour y assister, à cause de difficultés aux frontières des Etats-Unis. Je crois donc qu’il faudrait que New York, lieu du siège des Nations unies, soit internationalisé. Au moins Manhattan devrait appartenir à toute l’humanité.
Comme du reste Paris, Venise, Rome, Londres, Rio de Janeiro, Brasília, Recife, chaque ville avec sa beauté particulière, et son histoire du monde devraient appartenir au monde entier.
Si les Etats-Unis veulent internationaliser l’Amazonie, à cause du risque que fait courir le fait de la laisser entre les mains des Brésiliens, alors internationalisons aussi tout l’arsenal nucléaire des Etats-Unis. Ne serait-ce que par ce qu’ils sont capables d’utiliser de telles armes, ce qui provoquerait une destruction mille fois plus vaste que les déplorables incendies des forêts Brésiliennes.
Au cours de leurs débats, les actuels candidats à la Présidence des Etats-Unis ont soutenu l’idée d’une internationalisation des réserves florestales du monde en échange d’un effacement de la dette. Commençons donc par utiliser cette dette pour s’assurer que tous les enfants du monde aient la possibilité de manger et d’aller à l’école. Internationalisons les enfants, en les traitant, où qu’ils naissent, comme un patrimoine qui mérite l’attention du monde entier. Davantage encore que l’Amazonie. Quand les dirigeants du monde traiteront les enfants pauvres du monde comme un Patrimoine de l’Humanité, ils ne les laisseront pas travailler alors qu’ils devraient aller à l’école; ils ne les laisseront pas mourir alors qu’ils devraient vivre. En tant qu’humaniste, j’accepte de défendre l’idée d’une internationalisation du monde. Mais tant que le monde me traitera comme un Brésilien, je lutterai pour que l’Amazonie soit à nous. Et seulement à nous !».
Qui dit mieux ?
J.N. AVEC AGENCES