Après sa publication lundi aux petites heures de la matinée, de nombreux sankurois ont appelé Kinshasa pour connaître le sort réservé à leur jeune province dans l’équipe Ilunga Ilunkamba. Ni les PPRD Jean-Charles Okoto (Lodja), Léonard She Okitundu (Katako-Kombe/ Lusambo), Moïse Ekanga Lushyma (Lomela), encore moins le CCU&Alliés Lambert Mende ou le CODE Basile Olongo (Lodja), le FONUS Emery Okundji (Lubefu) n’ont été retenus dans l’exécutif mis en place par le formateur Sylvestre Ilunga et le président de la République, Félix Tshisekedi. L’épilogue de la formation du premier gouvernement de l’ère Fatshi était bien difficile à expliquer aux ressortissants du Sankuru toutes tendances confondues lundi 26 août 2019. Et ce n’est pas seulement parce que toutes les pointures politiques, grosses et petites de la province n’y figurent pas.
Il apparaît que la province natale de Patrice Lumumba a hérité de la portion la plus maigre depuis son existence même sous les première et deuxième Républiques. Sur ça, rien à dire : « on a badigeonné autour de l’appartenance pas toujours évidente de cette entité à la nébuleuse Grand Kasai en général », explique au Maximum un vieux de la vieille, ancien du MPR de Mobutu. « Nous avons hérité de zéro », affirme-t-il, droit dans ses bottes.
Strapontins ministériels fictifs
Explications : si dans la forme au moins deux noms à consonance kusu-tetela apparaissent dans l’équipe, dans les faits, la province est loin du compte. Parce que le poste ministériel le plus important attribué au Sankuru est celui de Mme Jacqueline Penge Sanganyoi (PPRD), originaire du territoire de Lomela nommée ministre près le 1er ministre. «C’est une coquille presque vide. Ce ministère n’est qu’une sorte de directeur de cabinet bis ne disposant pas d’un portefeuille, en réalité», s’étrangle notre interlocuteur. Encore que sur le terrain, au Sankuru, beaucoup tiennent cette secrétaire générale adjointe du PPRD pour ce qu’elle est, c’est-à-dire, une technocrate certes compétente mais qui ne dispose pas encore d’assise populaire locale.
Mais ce n’est pas tout, du point de vue de nombre de sankurois. L’autre fonction ministérielle prétendument attribuée au Sankuru est celle de Mme Irène Esambo Diata, une juriste donc technocrate dont personne ou presque n’a entendu parler au Sankuru et qui, appelée in extremis au titre de membre de la société civile kinoise pour représenter la catégorie des PVH ne relève nullement de la province du Sankuru. Encore que certaines sources la présentent comme issue des kusu de la province voisine du Maniema (à vérifier).
Okito Lutundula, pour le compte de Nene Nkulu
Il n’en va pas autrement du vice-ministre AFDC-A de l’Economie nationale, Didier Okito Lutundula, que certains ont pris pour un parent du juriste Lamuka bien connu, Christophe Lutundula Apala. Ce vice-ministre est en fait un acteur politique originaire du Maniema qui a fait sa carrière politique au Sud Kivu. Avec suffisamment d’efficacité pour malmener le controversé patron de l’AFDC-A, Modeste Bahati, aux dernières législatives nationales : un écart de 4.000 voix sépare les deux candidats députés de Bukavu. Les anti-Bahati soucieux de tenir en respect leur adversaire ont fait monter Didier Lutundula aux barricades en le proposant à une fonction gouvernementale. Rien à voir donc avec le Sankuru, même si étant un mukusu du Maniema, l’heureux nommé peut se revendiquer d’un cousinage ethno-culturel avec les sankurois.
Le premier exécutif de l’ère Fatshi est donc perçu comme fondé sur le dédain à l’égard du Sankuru, qui ne s’y retrouve pratiquement pas. Même si, selon certains analystes du cru, la province elle-même, ses leaders et ses grands électeurs (députés provinciaux) l’auront mérité, d’une certaine façon.
On rappelle à cet égard la saga qui entoura l’élection du gouverneur de province du Sankuru en juillet dernier avec l’élection d’un illustre inconnu par une assemblée provinciale ultra majoritairement FCC, Joseph-Stéphane Mukumadi qui avoua fièrement quelques jours après l’événement être un membre encarté du CACH. La félonie d’un petit groupe de décideurs inconséquents laisse ainsi des traces indélébiles : au Sankuru, une majorité kabiliste s’est littéralement désintégrée du fait de la corruption et a fait place à une anarchie politique indescriptible. Un avatar dû à une poignée de politiciens sans foi ni loi, tous du FCC pourtant.
Comme on le voit, l’effet boomerang n’a pas tardé au détriment des populations ainsi privées de représentation dans l’exécutif national. C’est le prix des turpitudes.
Les Ne-Kongo s’entredéchirent
La publication du premier gouvernement de l’ère Fatshi donne lieu à des empoignades au Kongo Central. Dans la province d’origine de feu Joseph Kasavubu, chacun en fonction de ses intérêts ou de son appartenance politique, ethnique ou autre se livre à une lecture à la loupe de l’équipe Ilunkamba. Les Ne-Kongo qui ont toujours refusé le démembrement de leur province sous le prétexte du fameux principe historique symbolisé par trois piliers « Makuku Matatu » représentant les 3 districts : Bas fleuve, Lukaya et Cataractes sont surpris de constater qu’aucun ressortissant du Bas-fleuve, fief du premier président de la République, ne fait partie de l’exécutif national. D’où, des appels à une rectification de ce que d’aucuns considèrent comme un scandale au risque de faire monter des velléités séparatistes… Affaire à suivre.
J.N.