Après le député national Christophe Lutundula le jeudi 8 août courant, son collègue Delly Sessanga a déposé le lundi 19 au Bureau de l’Assemblée nationale un projet de révision de la Constitution. Si le premier s’est appesanti sur la matière électorale, le second a fait de même en mettant notamment l’accent sur le retour à la présidentielle à deux tours, mais en ajoutant deux autres matières : la détention de la double nationalité et l’intangibilisation de l’article 220.
Eminence grise de Moïse Katumbi, Christophe Lutundula va devoir harmoniser sa copie avec celle de son chef qui défend la Constitution actuelle. On sait par ailleurs que, réagissant aux allégations sur la corruption des députés provinciaux «perçue ou aperçue» lors des sénatoriales, le président Félix Tshisekedi avait préconisé auparavant le changement de mode du scrutin.
Selon l’alinéa 5, l’article 104 de la Constitution dit des Sénateurs qu’«Ils sont élus au second degré par les Assemblées provinciales». Un des leaders du FCC, le député national Lambert Mende Omalanga avait pour sa part, après une élection gouvernorale très chahutée au Sankuru, dénoncé la même tare dans le chef des députés provinciaux et plaidé pour une revisitation de l’élection indirecte des gouverneurs des provinces.
La réforme ainsi envisagée de la loi fondamentale semble donc de plus en plus incontournable. Seulement voilà : s’il se trouve dans la Constitution une disposition à revisiter absolument en ce qui concerne l’Exécutif national, c’est bien l’article 91 ainsi libellé : «Le Gouvernement définit, en concertation avec le Président de la République, la politique de la nation et en assume la responsabilité. Le Gouvernement conduit la politique de la nation. La défense, la sécurité et les affaires étrangères sont des domaines de collaboration entre le président de la République et le Gouvernement. Le Gouvernement dispose de l’administration publique, des Forces armées, de la Police nationale et des services de sécurité. Le Gouvernement est responsable devant l’Assemblée nationale dans les conditions prévues aux articles 90, 100, 146 et 147. Une ordonnance délibérée en Conseil des ministres fixe l’organisation, le fonctionnement du Gouvernement et les modalités de collaboration entre le Président de la République et le Gouvernement ainsi qu’entre les membres du Gouvernement ».
Alinéas porteurs d’incohérences
En effet, certains alinéas de cet article sont porteurs de quelques incohérences et incongruités. Le premier reconnaît au Gouvernement la prérogative de définir, en concertation avec le président de la République, la politique de la Nation dont il assume la responsabilité alors que, selon les partisans de sa révision, le président de la République est élu par le souverain primaire (peuple) sur base de son programme électoral. Ce qui, en toute logique, devrait lui conférer exclusivement ce privilège. Avec comme conséquence normale qu’il assume la responsabilité de l’exécution dudit programme devant la représentation nationale.
L’alinéa 3 stipule que «la défense, la sécurité et les affaires étrangères sont des domaines de collaboration entre le président de la République et le Gouvernement», mais à l’alinéa 4, il est indiqué que c’est le Gouvernement qui «dispose de l’administration publique, des Forces armées, de la Police nationale et des services de sécurité». Le verbe disposer qui s’entend au sens de la «détention de la plénitude du pouvoir» est sans équivoque. Dès lors que le Gouvernement dispose des FARDC, de la PNC et des services de sécurité (comme l’ANR ou la DGM), que reste-t-il des prérogatives régaliennes du président de la République ?
Tant que le président et le Gouvernement sont du même bord et que la gouvernance institutionnelle n’est pas exercée en coalition (ou en cohabitation), le problème ne se pose pas. Mais dans un contexte où le président de la République et le premier ministre sont issus des forces politiques et sociales différentes, il y a matière à réflexion.
C’est justement pour éviter ce genre de désagrément que des pays comme la Côte d’Ivoire et le Sénégal, dotés de régimes semi-présidentiels à l’instar de la RDC, font du président de la République l’autorité habilitée à conduire la politique de la Nation. Selon l’article 64 de la Constitution ivoirienne en effet «le président de la République détermine et conduit la politique de la Nation».
La veille de la sortie du Gouvernement, mais surtout au moment où les députés commencent à suggérer la re-visitation de la Constitution, la révision de l’article 91 s’impose d’elle-même. Pour la procédure, l’article 218 souligne que «L’initiative de la révision constitutionnelle appartient concurremment au président de la République; au Gouvernement après délibération en conseil des ministres; à chacune des chambres du Parlement à l’initiative de la moitié de ses membres et à une fraction du peuple congolais, en l’occurrence 100.000 personnes, s’exprimant par une pétition adressée à l’une des deux chambres».
Gouverner c’est prévoir dit-on. Le président Félix Tshisekedi s’est déclaré, dans son discours d’investiture le 24 janvier 2019, favorable «à une véritable modernisation de notre système politique». Il en a appelé à «l’adoption d’une nouvelle loi électorale garante de l’équité pour tous les citoyens», non sans rappeler que «la paix repose aussi sur la capacité de chaque citoyen à être le pilier de notre système démocratique basé sur un fonctionnement sain et efficace des institutions». A l’instar de l’article 91, d’autres articles de la Constitution sont à revoir ou à introduire.
LE MAXIMUM AVEC OMER NSONGO DIE LEMA