Il a fallu recourir à une césarienne douloureuse sous les huées des partisans de l’intolérance pour voir naître le deuxième Sénat de la troisième République. Ne maîtrisant que très sommairement les arcanes de l’architecture institutionnelle de la RDC sous le régime de la Constitution du 18 février 2006, certains regroupements politiques qui concouraient au suffrage du 30 décembre dernier n’avaient d’yeux que pour le scrutin présidentiel. Seul le FCC, qui s’est préparé à tous les cas de figure, avait monté une stratégie adaptée à la révision de la loi électorale en vue de mettre ses adversaires dos du mur. 21 regroupements politiques ont été méticuleusement mis en place par la plateforme qui a aligné jusqu’à 17.000 candidats aux législatives nationales et provinciales, là où Lamuka en comptait 5.500 et CACH un peu plus de 2.000.
Dans une telle configuration, les dés étaient pipés. Dans la célèbre émission « kiosque » sur CCTV et Radio Liberté, propriétés de l’ancien vice-président Jean Pierre Bemba, l’alors candidate katumbiste Christelle Vuanga n’avait de cesse d’attirer l’attention de l’opposition en général sur le danger que représentait la négligence des élections législatives et provinciales dans laquelle elle se fourvoyait. Ayant l’impression de prêcher dans le désert, elle avait fini par annoncer la victoire écrasante du FCC autrement mieux préparé à la nouvelle donne de ces deux scrutins…
Malgré cette réalité apodictique, il n’a pas manqué de petits malins pour faire a posteriori un parallélisme grossier entre la présidentielle et les deux autres scrutins législatif et provincial, inférant insidieusement que le gagnant du premier scrutin devrait nécessairement s’adjuger les deux autres élections. C’était faire preuve d’une ignorance des réalités électorales congolaises que de souscrire à de tels raccourcis.
Dans l’oeil du cyclone
N’ayant pas appris de leurs erreurs aux scrutins directs combinés du 30 décembre 2018, LAMUKA et CACH qui avaient déjà mordu la poussière sans du reste s’en plaindre, rêvaient tout de même d’un miracle aux élections indirectes. À tout le moins, ils s’étaient exonérés du moindre effort dans la préparation des élections des sénateurs, notamment.
Prudent, le FCC de son côté préparait sourcilleusement sa victoire en parant à toute éventualité. Cette victoire, il la voulait écrasante d’une part, en conservant les acquis de sa victoire déjà éclatante aux élections provinciales, et d’autre part, en allant pécher dans le camp de ses adversaires trop distraits par un excès de confiance. Dans un cas comme dans l’autre, tout était fonction de préparation et de stratégie. Et les résultats sans appel ne se sont pas fait attendre. 91 sénateurs FCC sur les 109.
Mauvais perdants, ceux qui jouaient à la cigale de la Fontaine se sont réfugiés dans une posture de victimes, accusant les électeurs et les élus des sénatoriales de corruption à grande échelle. À Mbuji-Mayi et à Kinshasa, les partisans de l’UDPS s’adonnèrent même à un festival d’émeutes avec mort d’homme sans qu’aucune responsabilité n’ait été établie à ce jour. Cette clameur téléguidée ne visait qu’à clouer au pilori les heureux élus afin d’obtenir leur invalidation et d’empêcher l’installation du Sénat dans son format actuel.
C’était sans compter avec le légalisme de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) respectueuse de la loi électorale qui avait tôt fait de proclamer les résultats le jour même de l’élection, obligeant les sénateurs à prendre possession de leurs sièges 15 jours plus tard conformément à l’article 148 de la Constitution. Nul n’oubliera cependant que le président de la République avait décidé la suspension de l’installation du Sénat avant de revenir sur sa mesure sous les accusations persistantes de violation de la Constitution. Toutefois il ne désarma pas d’autant plus qu’il espérait toujours l’annulation de cette élection chahutée en diligentant des enquêtes sur des allégations de corruption par les nouveaux sénateurs cyniquement placés sur la sellette.
Malfaisance oubliée ?
Aujourd’hui, il est curieux de voir ce beau monde qui accusait les nouveaux sénateurs de corruption pour justifier leur débâcle revenir sur la pointe des pieds quémander les votes des sages de la République sans pour autant leur présenter préalablement des excuses. Toute honte bue, ils se rappellent enfin que les sénateurs ont une dignité et une conscience et les exhortent à opter pour l’indiscipline au sein du FCC pour brouiller les cartes. C’est quand même trop facile !
Issus des rangs kabilistes, l’écrasante majorité des sénateurs ne devraient pas faire preuve de courte mémoire en cédant aux sirènes des courtisans de circonstance qui avaient dans un passé très récent tout misé pour les mettre en porte-à-faux avec l’opinion publique. Ils avaient subi tout ce martyr non pas parce qu’ils étaient coupables – les enquêtes diligentées tambour battant n’ont toujours rien donné jusqu’à ce jour – mais uniquement en raison de leur proximité avec Joseph Kabila à qui la bien-pensante communauté internationale et ses relais locaux tiennent mordicus à faire payer son insoumission au diktat du néocolonialisme décadent, surtout son obstination à publier un code minier davantage tourné vers les intérêts vitaux des Congolais. Le tout après avoir ouvert les entrailles du sous-sol congolais aux partenariats innovants avec la Chine notamment. Dès lors, il est venu le moment pour les sénateurs du pays de Lumumba de prendre froidement leur revanche sur tous les vendeurs d’illusion qui les ont fait passer pour pires que la peste. L’heure de la responsabilité devant l’histoire a sonné.
JBD