La journée commémorative du 59ème anniversaire de l’accession à l’indépendance de la RD Congo, le 30 juin 2019, a été émaillée d’incidents malheureux ci et là sur quelques coins du territoire national. Sous prétexte d’absence de consensus dans la classe politique sur le sens à donner à cette journée sacrée au pays de Patrice-Emery Lumumba. Une semaine avant la date anniversaire, au cours d’un meeting Place Ste Thérèse dans la commune de Ndjili, l’opposition Lamuka avait annoncé des manifestations de contestation auxquelles les autorités de la ville-province s’étaient opposées, pour ne pas profaner la date du 30 juin, selon le nouveau maire de la capitale rd congolaise. Samedi 29 juin 2019, le gouverneur de Kinshasa, Gentiny Ngobila, avait ainsi refusé de prendre acte du projet Lamuka d’organiser des ‘‘marches de partout’’ dans la capitale vers la place de l’Echangeur à Limete et avait instruit les services de police de prendre les dispositions requises pour que force reste à la loi. Sans réussir à dissuader les organisateurs de la manifestation, en fait le candidat malheureux à la présidentielle 2018, Martin Fayulu, et ses amis de la coalition Lamuka présents à Kinshasa, dont Adolphe Muzito, l’ancien premier ministre PALU passé avec armes, bagages et sympathisants à l’opposition d’extrême droite depuis quelques années.
Polémique
La polémique née du refus des autorités urbaines d’autoriser la manifestation du 30 juin 2019 a révélé l’extrême carence d’idées alternatives sur la conduite des affaires nationales, voire, d’idées tout court dans une certaine classe politique en RD Congo. Certes, ceux qui avaient projeté des manifestations clivantes à la date anniversaire de l’accession du pays à la souveraineté nationale et internationale avaient invoqué pêle-mêle la réclamation de la « vérité des urnes », la dénonciation des arrêts iniques de la Cour constitutionnelle invalidant quelques élus nationaux sur leurs listes, ou plus vaguement encore, la dénonciation des «antivaleurs». Mais le choix du jour consacré à la fête nationale pour ce faire et le refus d’obtempérer à l’injonction légale et pleine de bon sens de l’Hôtel de Ville de Kinshasa visant à préserver le caractère sacré et solennel de cette journée commémorative ne pouvaient que poser problème. Les seuls arguments avancés pour le bras de fer vécu à Kinshasa, Goma et Butembo le 30 juin dernier procèdent du raisonnement par l’absurde : sur les réseaux sociaux, des internautes s’en sont donnés à coeur joie, rappelant que le 30 juin 2005, alors qu’ils occupaient les premiers rangs de l’opposition politique anti-Ka¬bila, Félix Tshisekedi et son UDPS avaient bravé une interdiction analogue de l’ancien gouverneur de Kinshasa André Kimbuta en manifestant bruyamment dans la capitale. Et que donc, arrivés au pouvoir, le nouveau président de la République n’était pas fondé à invoquer le caractère sacré de la date anniversaire commémorative de l’indépendance nationale pour soutenir la décision de l’Hôtel de Ville de Kinshasa. Ou, plus récemment encore, que « les partisans de l’UDPS ont tué un policier à Mbujimayi, ont brûlé les maisons des députés provinciaux à Mbujimayi, des députés nationaux à Lubumbashi, des sièges des partis politiques à Kinshasa, à Mbujimayi, ont violé l’espace de l’Assemblée nationale avec des motos pour venir distraire les députés qui y siégeaient » sans avoir reçu ni sollicité d’autorisation de manifester, selon des propos attribués à Eve Bazaiba, la tonitruante secrétaire générale du MLC.
Aucune alternative
Sur ce qu’il convient de faire pour que l’autorité urbaine ne heurte pas le droit de manifester, ou encore pour que l’independence day revête un sens particulier pour tous et chacun en RD Congo, rien n’a été dit ni de Martin Fayulu, qui pourtant prétend incarner le changement au pays de Lumumba, ni de ses pairs de l’opposition Lamuka Ouest, Adolphe Muzito, Freddy Matungulu et cie. Assurément parce qu’il n’y a rien à redire de cette interdiction de manifester décrétée par l’autorité municipale.
Pourtant, Ngobila avait laissé la porte ouverte à un report de la manifestation, ce qui ne constitue donc pas une entrave à la liberté de manifester telle que régie par les lois en vigueur. Cette extrême aridité de réelles idées alternatives est caractéristique du combat politique en RD Congo, qui s’embourbe trop souvent dans des postures individualistes de conquête et de conservation du pouvoir.
Car, jusque novembre 2018, les acteurs politiques de l’opposition semblaient d’accord sur la nécessité d’un changement au sommet de la pyramide pour diverses raisons, dont la démocratisation des institutions et une meilleure gestion du pays. Quelques mois après le conclave qui a donné naissance à Lamuka dans un établissement hôtelier genevois, un opposant radical a accédé à la magistrature suprême et fait de son mieux pour réaliser les desseins ressassés depuis des dizaines d’années par tout ce que le pays compte de contestataires. Mais rien n’y fait.
De nouvelles revendications voient le jour qui ne se fondent sur aucun projet crédible. Même Fayulu qui revendique sa « vérité » des urnes ne sait pas expliquer en quoi elle consistera si par absurde il accédait à la magistrature suprême. Parce qu’en fait, il n’a rien de nouveau à proposer. Aux casseurs qu’ils ne cessent de rameuter, il est bon comme l’a fait le gouverneur de Kinshasa de rappeler qu’une opposition politique est d’abord une idée politique différente et non pas une personnalité ou un individu différent.
J.N.