Le présidium Lamuka, désormais réduit à 5 leaders depuis la suspension de la participation d’Antipas Mbusa Nyamwisi il y a quelques semaines, s’est accordé sur l’organisation d’une manifestation populaire, dimanche 30 juin 2019 à Kinshasa. Selon le communiqué signé par Moïse Katumbi, Jean-Pierre Bemba, Martin Fayulu, Adolphe Muzito et Freddy Matungulu, la manifestation est une protestation « contre les antivaleurs et le fait que les véritables élus sont remplacés en majorité par ceux qui ne le sont pas » et elle vise « le respect de la volonté du peuple ». Dans la correspondance d’usage adressée aux autorités de la ville pour les informer de l’organisation de la manifestation publique, le MLC Fidèle Babala Wandu renseigne que les marcheurs Lamuka partiront des 24 communes de la capitale et convergeront vers la place de l’Echangeur à Limete. Il s’agit donc, 7 jours après le meeting organisé Place Ste Thérèse à Ndjili dimanche 23 juin 2019, de la plus grande manifestation populaire projetée par la coalition mise sur pied à Genève en novembre dernier pour prendre le pouvoir en RD Congo.
Bousculer Fatshi
Si les 5 leaders Lamuka semblent s’accorder sur la nécessité de bousculer le pouvoir en place, des divergences sont perceptibles dans le groupe, qui ont dû être aplanies avant de donner le coup d’envoi des premières turbulences de l’ère Katumbi, 1er coordonnateur de la coalition dont le mandat arrive à échéance fin juillet 2019. Il n’est plus question, ainsi que l’avait du reste laissé entendre Jean-Pierre Bemba dimanche dernier à Ndjili, d’une « vérité des urnes » à la sauce Fayulu, un peu trop personnalisée et donc de portée restreinte. Pour mobiliser le plus de kinois possible, Lamuka se trouve comme obligé d’élargir l’assiette du mécontentement populaire, réel ou supposé, à ceux qui selon lui sont les « véritables élus (…) remplacés en majorité … ». « C’était la condition pour arracher la signature de Katumbi, et d’autres leaders de la coalition franchement agacés par les manœuvres de récupération de Fayulu », confie un cadre de la coalition interrogé par Le Maximum. Il faut ajouter l’intérêt du peuple à la vérité des urnes, avait placidement glissé Bemba à son retour de Bruxelles dimanche dernier.
Prétexte fallacieux
Reste que le prétexte de l’intérêt du peuple ou de la fameuse « vérité des urnes » apparaît fallacieux aux yeux d’une large opinion en RD Congo, à quelques exceptions près « fondées sur de vagues proximités interethniques et tribales», selon les détracteurs de la coalition genevoise. Dans une interview à la BBC, Bemba qui compte pourtant parmi ceux qui avaient consacré l’éclatement de l’opposition anti-Kabila en préférant Martin Fayulu à Félix Tshisekedi pour la présidentielle de décembre 2018, explique maladroitement l’hostilité contre le nouveau président de la RD Congo : «Tshisekedi a pris une direction opposée à la nôtre, qui n’a rien à voir avec celle pour laquelle nous nous étions engagés tous», soutient-il en réponse aux questions de notre confrère Jacques Matand. Sans donner aucune indication géographique quant à cette direction commune contraire à l’accession à la magistrature suprême occupée par Félix Tshisekedi depuis le 24 janvier 2019. Le leader MLC, candidat retoqué par la Cour constitutionnelle à la présidentielle du 29 décembre dernier en raison de sa condamnation à la CPI pour subornation de témoins, invite le nouveau président de la République à porter à la connaissance de l’opinion le deal qu’il aurait conclu avec son prédécesseur. Mais ne pipe mot de celui que lui-même et ses collègues de Lamuka ont négocié sous la houlette de l’ancien chef de la Monusco, Allan Doss, en novembre 2018 à Genève, fait-on observer à Kinshasa. Les manifestations Lamuka poursuivent visiblement l’objectif arrêté à Genève, qui consiste à empêcher leur ancien collègue de l’opposition de gouverner sans les associer au pouvoir.
Méthodes insurrectionnelles
Dès son retour à Kinshasa, dimanche 23 juin, Jean-Pierre Bemba a montré sa préférence pour les méthodes insurrectionnelles en cours d’expérimentation par la coalition en entraînant dans sa suite une meute de manifestants et de casseurs jusqu’au lieu du meeting de la Place Ste Thérèse. A la fin de la manifestation, Eve Bazaiba, secrétaire générale du MLC qui a un os à peler avec le pouvoir FCC-CACH depuis son échec à l’élection de gouverneur de la province de la Tshopo le 23 mars 2018, n’a pas hésité à inviter les manifestants à poursuivre la perturbation de l’ordre public en accompagnant Bemba jusqu’à sa résidence, plusieurs kilomètres plus loin dans le quartier huppé de la Gombe. La vindicative secrétaire générale du MLC est revenue à la charge le 25 juin sur les antennes d’une radio qui a pignon sur rue à Kinshasa, en annonçant que «nous allons l’obtenir (la vérité des urnes, ndlr) par la pression populaire et les actions de rue conformément à la constitution et aux lois de la République …».
C’est donc d’une pression musclée sur la coalition FCC-CACH qu’il s’agira, dimanche prochain à Kinshasa. Le modus operandi choisi par les coalisés de Genève l’emprunte à celui de l’archidiocèse de Kinshasa, au plus fort de son bras de fer avec Joseph Kabila fin 2016 : organiser des ‘‘marches de protestation’’ partant de partout à la fois à Kinshasa, et qui ne puissent donc être maîtrisées par quiconque. Un type de manifestation assimilable à une tentative insurrectionnelle. Jusqu’au moment où Le Maximum mettait sous presse, jeudi 27 juin 2019, l’Hôtel de Ville et l’Inspection provinciale de la police n’avaient pas encore réagi à ce qui ressemble à s’y méprendre à une provocation.
J.N.