Au cours de la journée nationale d’actions de grâce et de prières organisée dimanche 23 juin 2019 à Kinshasa sous le patronage du président de la République, le stade des Martyrs n’a pas fait le plein autant que l’auraient sans doute souhaité les organisateurs. Pas autant qu’à l’occasion des obsèques du défunt Etienne Tshisekedi, il y a quelques semaines. Encore moins, à la faveur des derbys du football dont raffolent les kinois, toutes tendances politiques et religieuses confondues. Même si les gradins ne furent pas totalement dégarnis, les installations d’une capacité théorique et pratique de 60 à 80.000 personnes ont accueilli quelques dizaines de milliers de croyants, 20.000 âmes ferventes tout au plus, parmi lesquelles beaucoup de combattants de l’UDPS/T, le parti présidentiel. Pourtant, la quasi-totalité de ce que la mégapole kinoise forte de quelques 12 millions d’âmes compte d’organisations religieuses avait été conviée à la manifestation religieuse. Eglises de réveil, salutistes, kimbanguistes, musulmans … tous se sont faits représenter par des délégations bruyantes, à l’exception de l’Eglise catholique dont les représentants n’ont guère été aperçus dans l’antre du football rd congolais en ce jour dominical. Ce ne fut pas, cependant, faute d’avoir attendu. Prévue à 10 h 00 locales, le culte voulu par « le chef de l’État qui a voulu réunir l’ensemble de tous les enfants de Dieu », selon les termes du chargé de communication des organisateurs, Aimé Mulumba, avait connu quelque retard. Sans perturber ni gêner les esprits dans ces milieux croyants où le respect de l’heure et des horaires n’est pas la valeur la mieux partagée. Encore moins, lorsque le président de la République a dit une prière qui restera marquée dans les esprits, après avoir prononcé un bref mot d’introduction.
Ere de délivrance
Félix Tshisekedi a déclaré que cette prière inaugure le début d’une ère de la délivrance et d’envol dans tous les domaines en RDC, en invoquant toute l’autorité du Dieu Tout-puissant sur le territoire national et le peuple congolais. Se fondant sur le texte biblique qui énonce que « si mon peuple s’humilie et s’il se détourne de ses mauvaises voies, je l’exaucerai des cieux, je lui pardonnerai son péché et je guérirai son pays, les cieux seront ouverts désormais et mes oreilles seront attentives à la prière faite en ce lieu », Félix Tshisekedi a imploré le pardon de Dieu pour tous les maux commis par les fils et filles de son pays, parmi lesquels, le culte de la personnalité, la mauvaise gestion des richesses, la haine, les tueries et les troubles ayant causé la disparition de nombre d’entre eux, etc. Il a également, au nom du peuple congolais, exprimé sa reconnaissance à Dieu pour le don du «beau pays», doté d’un potentiel humain aux talents multiples ainsi que de ressources naturelles de tous ordres qu’est la RDC, avant d’annuler toutes les déclarations méchantes et malédictions lancées sur le pays, quelle que soit leur provenance. « Je déclare que le Congo est béni et prospère,… il est désormais sur le chemin de l’envol et ne reculera plus jamais », a ponctué Fatshi sous les applaudissements nourris des croyants. «Je confesse mes péchés, ceux de mon peuple et ceux commis par les autres sur le sol de mon pays. Pardonne-nous d’avoir donné ta place aux hommes, en les adorant comme des dieux. Pardonne-nous pour le culte de la personnalité ancré dans toutes les couches de notre société. Au nom de toutes les autorités, anciennes comme présentes, je te demande pardon pour le sang des innocents qui a été versé intentionnellement ou par de simples erreurs », a clamé haut et fort le chef de l’Etat. «J’endosse la responsabilité de toutes nos fautes et te demande pardon pour tout abus de pouvoir contre les faibles. Pardonne nous aussi de n’avoir pas été de bons gérants de toutes nos richesses que tu nous a données », a-t-il également déclaré avec emphase.
Dieu le Père, Roi du Congo
Seulement, tout à sa fervente prière, le président de la République a également exhorté le Dieu tout puissant à régner en maître sur son pays. «Moi, Félix Tshisekedi, je dédie solennellement la RDC entre tes mains, Oh Eternel! Assieds-toi sur le trône de ce pays et règne en maître. Sois le Roi du Congo », l’a-t-on entendu dire. Une invocation sans nul doute rituelle, qui serait passée inaperçue si elle était prononcée par l’homme de Dieu lambda. Mais qui a fait tiquer plus d’un observateur dès lors qu’elle émane du président d’un Etat laïc, garant de la constitution. Placer ainsi Dieu sur le trône (humain) de la RDC, c’est la voie royale ouverte vers l’instauration d’une théocratie, un régime en vigueur dans quelques pays de foi musulmane caractérisés par une certaine intolérance politique et religieuse peu admissibles en démocratie.
Certains observateurs ont vu dans ces élans pathétiques du président une inclination vers le pouvoir absolu que l’UDPS/T et son défunt père biologique et politique ont pourtant combattu durant plusieurs décennies en RDC. « Le glissement entre Dieu tout puissant et un président de la République de type ‘‘timonier national’’, comme le fut Mobutu, est vite arrivé », explique ce cadre d’un parti politique de la nouvelle majorité au pouvoir. Certes, Dieu peut sauver notre pays des griffes des loges sataniques et autres organisations maléfiques. Mais «la perfection divine, au sommet d’un pays ou l’échelle de l’univers, implique que les humains n’ont plus rien à faire, à part se soumettre, remercier, et louer », poursuit-il. Car à ce rythme, la RDC deviendrait tout sauf un Etat démocratique, selon ce point de vue.
J.N.
UNE PREMIERE SIGNEE FATSHI