Il ne semblait plus, le weekend dernier et au début de la semaine en cours, que l’escale kinoise du safari du coordonnateur du présidium de Lamuka, Moïse Katumbi, soit une priorité pour quiconque dans la plateforme politique. Dans la capitale rd congolaise où le patron du G7 et Ensemble pour le Changement, les plus importants regroupements politiques de plateforme née à Genève en novembre dernier, il est désormais davantage question de l’arrivée, le 23 juin courant, du MLC Jean-Pierre Bemba Gombo que de celle du chairman katangais.
Jeudi 13 juin, des lieutenants de Katumbi avaient été aperçus dans les rues de la capitale, manifestant dans la foulée des revendications relatives aux invalidations décidées par la Cour constitutionnelle, qui frappaient certains d’entre eux. Un mouvement justifié de leur point de vue, certes, mais ordonné par Martin Fayulu au nom de Lamuka, en lieu et place de l’ex-gouverneur du Katanga qui pourtant tient encore les rênes de la plateforme jusque fin juillet.
Samedi 15 juin, le parti de Bemba a tenté sans succès de tenir une manifestation publique dans le rayon de l’avenue de l’Enseignement dans la commune de Kasavubu, pour protester contre les invalidations de ses députés. Le concours remarqué de l’Ecidé de Fayulu n’a rien apporté au rassemblement qui a été finalement dispersé par la police. Manifestement, les organisateurs n’avaient pas obtenu (ni sollicité, selon des sources à l’Hôtel de ville) les autorisations requises, l’objectif poursuivi étant de préparer les esprits à se mobiliser pour défier le pouvoir contesté en place en RD Congo. Autant que tous ceux qui au sein de Lamuka ne visent pas les mêmes objectifs. Moïse Katumbi en est.
Tirade traîtresse contre Katumbi
Les dénégations, de pure forme, des responsables Lamuka ne trompent plus grand’monde dans l’opinion en RD Congo : entre l’ancien candidat commun de l’opposition à la présidentielle de décembre dernier et le presidium de Lamuka, ce n’est plus la lune de miel. Sur le sujet, Martin Fayulu a brutalement brisé la glace au cours d’une interview à la presse, en accusant l’ancien gouverneur de l’ex-Katanga de faire de la politique pour l’argent. « J’ai toujours été écœuré par ceux qui font la politique pour l’argent», a-t-il confié au quotidien français Le Monde.
La tirade de Fayulu a écœuré plus d’un au sein de Lamuka, où on n’a pas encore oublié que c’est grâce aux moyens financiers mis en jeu par le chairman katangais que Fayulu a pu mener la campagne électorale à l’américaine qui lui permet de revendiquer « sa» vérité des urnes. Et également, que ce chef d’un minuscule parti politique anonyme, l’Ecide, doit son élection surprise en qualité de « candidat unique de l’opposition » en novembre dernier à ses aptitudes inouïes à la malice. « La liste des victimes de l’hypocrisie et du double-jeu de Fayulu ne se compte plus sur les bouts des doigts », confie à ce sujet un ancien de la Conférence nationale tenue en RD Congo au début des années ’90.
Le candidat malheureux Lamuka à la présidentielle 2018 cultive un dédain particulier pour quiconque n’est pas « bien né », selon des sources, qui rapportent que le juriste Christophe Lutundula, un de ses compères dans la coalition Lamuka, en sait quelque chose pour en avoir alors chèrement fait les frais. En effet, à la Conférence nationale, Fayulu faisait avec Lutundula partie d’une organisation tenant à la fois de parti politique et d’ONG, le MCDD, qui rassemblait des jeunes intellectuels issus des familles bourgeoises de l’époque. Christophe Lutundula, alors cadre dans une entreprise pétrolière de la place (comme Fayulu) avait intégré le groupe, fort de son bagage de juriste à l’intelligence au-dessus de la moyenne. Martin Fayulu l’en défenestrera brutalement en lui rappelant ses origines jugées trop modestes dans son Sankuru natal, parce que paysannes. Ecoeuré (déjà!) jusqu’aux larmes, l’élu de Katako-Kombe se consolera en mettant sur pied son propre parti, le MSDD (Mouvement de Solidarité pour le Développement et la Démocratie).
Dédain pour les origines ouvrières
Les origines ouvrières, (une partie de son passé, tout au moins) de Moïse Katumbi ne sont donc pas faites pour valoir une quelconque considération de la part de l’ancien candidat unique de l’opposition qui, pour l’instant, ne semble avoir des égards que pour Jean-Pierre Bemba.
Antipas Mbusa Nyamwisi n’échappe pas à ce dédain. L’ancien roitelet de Beni-Butembo revenu au pays il y a peu après un long exil volontaire, et qui ne dissimule pas sa sympathie pour le nouveau président de la République, Félix Tshisekedi, présente aux yeux de Fayulu l’inconvénient d’être aussi d’extraction paysanne dans son Mutwanga natal dans le Grand Nord Kivu.
Dans la partie ouest de la RD Congo, le MLC (qui peut disposer d’emprises populaires dans l’ex-province de l’Equateur et à Kinshasa la capitale), et l’Ecide et Cie de Martin Fayulu (qui se revendiquent de l’ex-province du Bandundu et d’une partie de Kinshasa aussi) semblent faire chorus pour ne pas céder le moindre pouce de terrain à un candidat de l’Est qui se prépare à briguer la magistrature suprême, lui aussi : Moise Katumbi.
J.N.