En République Démocratique du Congo, c’est reparti pour de nouvelles campagnes populaires en tous genres, 5 mois seulement après les scrutins de décembre 2018, qui furent précédés de 4 semaines de campagne électorale en bonne et due forme, parce que légales. De nouveau, les populations à Kinshasa la capitale comme dans les provinces, sont sollicitées avec une insistance répétée. Comme si la campagne électorale décrétée fin novembre 2018 par la CENI était appelée à se poursuivre indéfiniment.
Après le rendez-vous manqué du 30 mai dernier, l’ex-candidat retoqué à la présidentielle 2018, Moïse Katumbi, était annoncé à Goma lundi 10 juin 2019, où l’attendaient des populations mobilisées depuis plusieurs semaines. Les gomatraciens ont été conviés à plusieurs reprises à se rendre à l’aéroport local ainsi qu’au stade Afya pour recevoir les ‘‘remerciements’’ (on ne sait pour quoi) de celui qui est également le président du TP Mazembe de Lubumbashi, une des formations sportives les plus populaires du pays et du continent.
Pour Chérubin Okende Senga, le tout récent porte-parole du porte-parole du présidium de la plateforme Lamuka, les populations ainsi mobilisées auraient répondu favorablement à l’appel de Katumbi à voter le candidat commun de l’opposition en décembre dernier. Ce que les résultats publiés par la centrale électorale n’ont nullement confirmé.
Mobilisation porte-à-porte
Depuis plusieurs jours à Goma, tout ou presque transpire les préparatifs de l’arrivée de Moïse … Katumbi. Une campagne de porte-à-porte a été lancée pour persuader les plus réticents, qui s’ajoute aux affiches et banderoles souhaitant la bienvenue à l’ancien gouverneur de l’ex province du Katanga, déjà par une meute de collaborateurs affairés.
Du chef-lieu de la province du Nord-Kivu, l’ex-candidat retoqué à la dernière présidentielle devrait se rendre dans les principales villes de la région, à Butembo et à Beni, notamment, puis dans les provinces voisines de l’Ituri et de la Tshopo, dans une sorte d’itinérance en régions supposées acquises à l’opposition au FCC-CACH au pouvoir en RD Congo depuis janvier 2019.
Safari, c’est le nom donné par Moïse Katumbi à son premier périple en provinces après trois ans d’un exil politique volontaire. En swahili, safari signifie simplement voyage, mais dans l’imaginaire populaire, le terme évoque plutôt les randonnées touristiques de vacanciers occidentaux qui, casques coloniaux sur la tête, parcourent les parcs naturels de l’Est rd congolais.
Le chairman du TP Mazembe ne se risquera sûrement pas dans ces lieux infestés de groupes armés et de terroristes. Il se contentera de suivre à la carte le tracé déjà emprunté il y a quelques mois par un autre co-leader de la plateforme Lamuka, Martin Fayulu.
Un meeting populaire tous les 2 mois
De novembre 2018 à mai 2019, les populations de Goma, Butembo, Beni, Kisangani auront été sollicitées à 3 reprises au moins pour accueillir et entendre un leader de la plateforme créée à Genève en novembre 2018. Presqu’autant que celles de la partie ouest de la RD Congo, de Kinshasa particulièrement, où Moïse Katumbi est attendu le 20 juin courant. Dans la capitale, Martin Fayulu a déjà animé 3 meetings populaires à Ndjili Ste Thérèse, un quartier très populaire de l’Est de la ville, et multiplie conférences de presse et prestations publiques à propos de tout et de rien.
Aucun répit pour les kinois dans le programme mis en œuvre par les animateurs de Lamuka. Le 23 juin, ce sera le tour de Jean-Pierre Bemba, également candidat retoqué à la présidentielle, de retourner en RD Congo via sa capitale après quelques mois passés en Europe. Pour l’ancien sénateur et président du Mouvement de Libération du Congo (MLC) aussi, les états-majors s’affairent pour lui assurer un accueil aussi populaire que possible.
L’ancien pensionnaire de la prison de la Cour Pénale Internationale à Scheveningen au Pays-Bas s’adressera aux populations de la capitale, sur le terre-plein qui longe le boulevard Triomphal à Kinshasa, et aux médias avant de se rendre dans son fief de Gemena dans la province du Sud Ubangi pour le même exercice de sollicitation du peuple, selon le programme publié par son entourage. Certes, le contenu du message de l’ex chef rebelle puis vice-président de la RDC aux populations kinoises et de l’ex province de l’Equateur n’est pas encore connu. Mais on ne voit pas comment Jean-Pierre Bemba fera l’économie de remerciements des électeurs qui ont répondu à la consigne de vote en faveur de candidat commun Lamuka à la dernière présidentielle.
Chacun délimite son territoire
Au sein de la coalition électorale reconvertie en coalition politique fin avril dernier à Bruxelles, les violons ne s’accordent pas sur l’entendement qu’il faut donner à l’opposition politique. Et les avis et les camps qui se dessinent s’opposent entre ceux qui prônent une opposition républicaine et constructive (le camp des leaders de l’Est) et ceux qui sont hostiles à la reconnaissance de la coalition au pouvoir en RD Congo (celui des leaders de l’Ouest).
Dans la plateforme genevoise, chaque camp prêche pour sa propre chapelle, pour ainsi dire, tout en poursuivant les objectifs que l’organisation s’est assignée le 11 novembre 2018, qui n’ont pas été atteints : « chacun délimite son territoire », explique au Maximum une source de l’ACC (Arc-en-Ciel du Congo, une plateforme de l’opposition proche de Lamuka). Une délimitation qui, dans la pratique passe par une sorte de récupération du mandat et de la confiance accordée au désormais ancien candidat commun de la plateforme, Martin Fayulu, relégué dans les limites de son ex Bandundu natal et de Kinshasa.
Mais en même tous au sein de Lamuka s’attèlent au démantèlement à plus ou moins brève échéance de la coalition FCC-CACH au pouvoir, conformément aux objectifs que la plateforme s’est fixée le 11 novembre 2018 à Genève. En transformant le pays en foire d’empoigne permanente et démobilisatrice, dans le meilleur des cas, estiment des analystes interrogés par nos rédactions. « Instaurer une atmosphère de campagne électorale permanente, c’est une façon d’inciter à la distraction permanente, et d’empêcher les populations d’adhérer à la vision politique de ceux qui ont la charge de l’Etat en s’attelant au travail », explique à ce sujet un professeur de sociologie à l’Université de Kinshasa au Maximum. Il s’agit, selon lui, d’une « obstruction pernicieuse à l’action de la coalition au pouvoir » mise en œuvre sous le couvert de la liberté d’expression et de mouvement des citoyens.
Foire d’empoignes
Selon les textes fondateurs de la coalition Lamuka, l’instauration de cet «Etat de droit» passe par l’organisation de nouvelles élections, précédées par une période de transition n’excédant pas 2 ans et demi. Au cours d’une interview sur Top Congo FM, le 12 novembre 2018, Adolphe Muzito de Lamuka Ouest ne s’en cachait pas en déclarant que si Fayulu était reconnu président élu, il « devrait organiser une transition de 2 ans, 2 ans et demi afin de retourner à la normalité constitutionnelle » au terme de laquelle « seraient organisées de nouvelles élections qui pourraient permettre à l’ensemble des Congolais qui veulent bien s’exprimer dans des conditions normales, sans être objet d’exclusion d’un pouvoir quelconque ».
Sur les moyens à mettre en œuvre pour imposer la nécessité d’instaurer une telle période de transition, l’ancien 1er ministre rd congolais, également candidat retoqué à la dernière présidentielle, ne tarissait pas non plus d’idées. Sur le plateau de TV5 Afrique, le 3 février 2019, Adolphe Muzito assurait que « nous n’avancerons pas avec Félix Tshisekedi avec toute l’insécurité qui va se manifester à travers le pays, avec l’instabilité politique, aucun investisseur ne viendra dans notre pays. Il y aura un front social qui fera qu’ils seront obligés de venir négocier afin qu’on trouve une solution à la crise de légitimité ». Et encore que « c’est nous qui sommes du côté du peuple. Ce peuple va s’organiser pour faire des manifestations pacifiques. Nous n’allons pas recourir aux armes. Nous organiserons des marches, des meetings afin que le peuple revendique sa victoire ».
Contester jusqu’à ce que Fatshi dégage
Plus près de nous, jeudi 6 juin courant au collège Boboto de Kinshasa, Muzito expliquait à des étudiants conviés à une conférence-débat sur les causes de la crise de la légitimité en RD Congo que «nous ne pouvons pas les (CACH et FCC, ndlr) légitimer en disant que nous sommes une opposition républicaine et eux, une majorité républicaine. Sinon, ce serait abandonner la lutte et la victoire du peuple. C’est pourquoi, nous disons que nous sommes dans la résistance non pas pour les contredire mais pour les contester avec le peuple jusqu’à ce qu’ils quitteront ». Même si des divergences se font jour sur les méthodes à mettre en œuvre pour imposer une nouvelle période de transition politique avant de nouvelles élections en RD Congo, l’objectif poursuivi par les 7 leaders de la plateforme Lamuka reste le même : paralyser la RD Congo, d’une manière ou d’une autre, estiment nombre d’observateurs interrogés par nos rédactions.
J.N.