La hiérarchie des églises dites traditionnelles, l’Eglise protestante au Congo (ECC) et la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO) de l’église catholique, exigent l’organisation avant fin 2019 des élections communales et locales. Au cours d’une cérémonie au centre interdiocésain de Kinshasa, mardi 28 mai 2019, les deux congrégations, tout au moins leurs hiérarchies respectives, invitent la population à signer une pétition qui sera présentée par les animateurs de proximité dans les quartiers, paroisses, écoles, marchés afin de pousser à la tenue de ces scrutins jamais organisés depuis 2006.
Expliquant cette initiative conjointe, l’Abbé Donatien Nshole, secrétaire général de la CENCO, a déclaré que « le calendrier électoral avait déjà prévu une date, c’était le 18 mars 2019. La date est passée et rien n’a été dit pour nous faire comprendre s’il y avait une raison pour un retard de combien de temps. Ce silence nous inquiète d’autant plus que depuis que cette loi a été votée en 2006 dans la Constitution, rien n’a été fait. Et cette politique de nommer les représentants du peuple à la base favorise le clientélisme, le tribalisme, les détournements des fonds. La population ne bénéficie pas des taxes perçues au niveau local ».
Seconde croisade catholique
Selon le prêtre catholique, aucune excuse d’ordre financier ne peut être avancée, « vous voyez quelqu’un à peine entré au pouvoir pendant trois mois, et vous apprenez qu’il a acheté des villas qui coûtent des millions de dollars à côté, à gauche ou à droite. Cela signifie qu’on a quand même l’argent et si on n’a pas tout l’argent, on peut toujours demander aux autres de nous assister. Il n’y a pas de honte (…).
« Ce n’est pas facile de réunir 400 millions USD, mais ce n’est pas une improvisation. C’est quelque chose qui a été prévu. Nous sommes un Etat qui se respecte, quand on fait une prévision, on se comporte en conséquence », tranche ce prêtre de l’archidiocèse de Kinshasa.
La seconde croisade politique des ecclésiastiques, depuis la contestation de l’élection de Félix Tshisekedi à la présidentielle du 30 décembre 2018, intervient une semaine après la présentation du rapport final du rapport de l’observation du processus électoral 2018-2019 par la commission épiscopale Justice et Paix de la CENCO, le 21 mai 2019. L’Abbé Nshole avait déjà, à l’occasion, reproché à la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) de ne pas avoir convoqué l’électorat à ces élections communales le 18 mars 2019, ainsi que le prévoit son calendrier.
Pour leur part, même s’ils ne s’étaient pas particulièrement manifestés jusque-là au sujet du calendrier et du processus électoral en cours en RD Congo, les princes de l’ECC dissimulent mal l’envie qui les démange de faire comme leur alter ego de confession catholique.
L’ECC dans la danse
Le 16 mai 2019, la deuxième plus grande confession religieuse du pays a bruyamment claqué la porte de la Commission d’Intégrité et Médiation Electorale (CIME), une organisation qui réunit les chefs des confessions religieuses du pays, créée en 2014. Dans la foulée de cette suspension de sa participation à la résolution pacifique des conflits électoraux, l’ECC a annoncé qu’elle « suit avec la plus grande vigilance le processus de la fin du mandat de l’équipe dirigeante de la CENI ». Mais aussi que « des discussions à l’interne pour voir comment devrait se passer le remplacement de l’ancienne équipe » au terme desquelles toutes les confessions religieuses adopteront un « projet de charte portant organisation et fonctionnement de la plateforme des confessions religieuses».
Plutôt réservée sur les questions de politique politicienne depuis des décennies, l’ECC avait défrayé la chronique, au premier trimestre 2018, avec l’affaire du Pasteur Ekofo. Cet aumônier de la famille présidentielle s’était fait porter « disparu » après une prédication en la cathédrale du centenaire protestant à l’occasion du 17ème anniversaire de l’assassinat de Laurent-Désiré Kabila. Le Révérend David Ekofo aurait suggéré un « passage de relais comme dans une course » au cours de son discours, qui l’aurait contraint à la clandestinité. Même si la Mission des Nations-Unies au Congo (MONUSCO) avait attesté par la suite que l’homme de Dieu avait tranquillement pris place à bord d’un de ses aéronefs en partance pour Kampala, comme le font tous ceux qui sollicitent ce service en RD Congo.
Le nouveau staff dirigeant de l’ECC conduit par le Révérend Dr. Bokundoa depuis le dernier trimestre 2017 n’infirma nullement cette politisation de l’ECC en publiant, quelques jours plus tard, un communiqué confirmant la « disparition » du pasteur Ekofo et exhortant les fidèles à prier pour lui.
La politique au détriment de l’Evangile
Des observateurs interrogés par Le Maximum avancent que si l’initiation d’une pétition exigeant le respect du calendrier et la poursuite du processus électoral est légitime, c’est le rôle des églises et des hommes de Dieu sur ce dossier qui pose problème. « Les gestionnaires des âmes ne peuvent pas s’engager aussi loin dans la politique politicienne. Ils auraient dû confier cette initiative aux laïcs de leurs confessions respectives », déclare sous le sceau de l’anonymat à nos rédactions le pasteur d’une église membre de l’ECC. Qui signale que le Dr Bokundoa a lui-même été candidat aux dernières élections sénatoriales qu’il a perdues face à des rivaux FCC et que ceci pourrait expliquer cela.
Ce qui est valable pour la mosaïque des églises qui composent la 2ème plus grande confession religieuse rd congolaise l’est davantage encore pour l’église catholique romaine locale. Pas plus tard que le 1er juin 2019 à l’occasion de la fête de l’Ascension, le Pape François rappelait que « la solennité de l’Ascension nous exhorte à lever les yeux vers le ciel, à accomplir avec la grâce du Seigneur ressuscité la mission qu’il nous confie : « annoncer l’Evangile à tous»». En RD Congo, ce n’est manifestement pas la préoccupation principale des princes de l’église catholique, dont l’engagement politicien est de loin plus perceptible que l’annonce de l’Evangile. Les églises-mères sont de plus en plus politisées et, de ce fait même, de plus en plus éloignées de l’œuvre pastorale.
J.N.
DOCUMEN1