Plus que quelques jours, et les actuels bureau et plénière de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) arriveront au terme de leur mandat de 6 ans pour être remplacés par une nouvelle équipe. Corneille Nangaa Yobeluo et ses collègues n’attendront donc plus que la désignation de leurs successeurs par la chambre basse du parlement à raison de 6 pour la nouvelle majorité parlementaire, 4 pour l’opposition politique et 3 de la société civile, dont le président du bureau de la centrale électorale.
La présidence du bureau de la CENI, c’est le véritable nerf de la guerre entre les acteurs politiques en RD Congo, et sans doute dans la plupart des Etats du continent. Cible d’attaques de toutes parts, le président sortant de la centrale électorale en sait quelque chose, lui qui a été à chaque fois identifié à travers tout ce qui a pu déplaire ci et là dans la classe politique et même parmi les acteurs de la société civile, dont les confessions religieuses. En ce compris l’église catholique.
Pré-rapport
Avant de faire ses valises, Corneille Nangaa a formalisé son départ sous la forme d’un pré-rapport d’activités présenté à la presse à Kinshasa. Sans prétendre que l’œuvre accomplie à la tête de la centrale électorale fut parfaite, le président sortant de la CENI n’en épingle pas moins quelques acquis notables. A commencer par la matérialisation, pour la première fois dans l’histoire politique mouvementée du Congo de Lumumba, de la toute première alternance pacifique et civilisée au pouvoir suprême. Assorti d’effets collatéraux comme cette cascade de retours d’exilés politiques, la libération des prisonniers dits d’opinion, le rapatriement de la dépouille mortelle de l’opposant radical Etienne Tshisekedi, que l’on doit à l’accession au pouvoir d’Etat de l’opposant Félix Tshisekedi.
Nangaa fait également valoir la mise à jour du cadre légal des élections, la production d’un fichier électoral inclusif et actualisé conforme aux normes internationales parmi les acquis du staff sortant de la CENI. Mais aussi le maintien en l’état de la constitution du pays, l’installation progressive des institutions issues des derniers scrutins.
Il reste, cependant, de l’ouvrage à parachever, concède le président sortant de la CENI. Principalement, la poursuite du cycle électoral entamé avec l’organisation avant la fin de l’année en cours des élections locales, municipales et urbaines, de préférence tant que le fichier révisé les deux dernières années demeure valable et d’actualité. Le parachèvement du processus électoral est tributaire de la volonté politique, a souligné Corneille Nangaa. Mais aussi, le problème crucial du recensement de la population, à effectuer par l’ONIP (recensement administratif), l’Institut National de la Statistique (recensement scientifique) et la CENI (recensement électoral), dont les efforts mutualisés permettront à la RD Congo de disposer de registres d’état-civil à portée de main de toutes les institutions.
La loi organique régissant la CENI, notamment en ce qui concerne le seuil de représentativité, la machine à voter … requiert actualisation, selon Nangaa. Autant que le quota de représentation des forces vives de la Nation au sein de la CENI: Corneille Nanga plaide en faveur de l’augmentation du nombre de représentants de la société civile au sein du bureau.
Levée de boucliers
Parmi les acteurs de la société civile, particulièrement dans la sous-composante confessions religieuses qui est habilitée à désigner le candidat président de la commission électorale, tous n’ont pas attendu les adieux de Corneille Nangaa pour préparer sa succession. Depuis le dernier semestre 2018, l’église catholique a mis en place sa propre commission électorale sous le couvert d’une mission d’observation, qui a proclamé des résultats diffusés aux quatre vents à travers le monde en toute illégalité. Du 21 au 23 mai courant, les catholiques ont brandi leurs biceps sur la question électorale en RD Congo en produisant un « rapport final d’évaluation du processus électoral », œuvre de la commission Justice et Paix de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO), qui vise l’amélioration du déroulement du processus électoral, la bonne gouvernance et la démocratie. A l’occasion, l’Abbé Donatien Nshole, le porte-parole des évêques catholiques, a reproché à la CENI de ne pas avoir convoqué l’électorat en vue des scrutins prévus au dernier trimestre de l’année en cours.
Les protestants, rassemblés au sein de l’Eglise du Christ au Congo (ECC) ne sont pas en reste dans la guerre des tranchées qui s’annonce autour du remplacement de l’équipe Nangaa. Le 16 mai 2019, la deuxième plus grande confession religieuse du pays a bruyamment claqué la porte de la Commission d’Intégrité et Médiation Electorale (CIME), le « fleuve tranquille » (jusque-là) qui réunit les chefs des confessions religieuses du pays, créé en 2014. L’ECC reproche à la CIME « d’outrepasser ses compétences » en agissant en lieu et place des confessions religieuses, selon les propos du Révérend Nshimba, un porte-parole de la présidence de cette église.
La CIME, désossée
Dans un communiqué, le 23 mai 2019, l’ECC persistait et signait en précisant que « les confessions religieuses ne sont pas l’émanation de la CIME pour dépendre d’elle. C’est plutôt la CIME qui est l’émanation des confessions religieuses et a l’obligation de soumission».
De fait, après le départ de l’église catholique, qui a quitté la CIME en 2014, celui de l’ECC réduit le regroupement des chefs des confessions religieuses aux seules églises musulmane et kimbanguiste, à l’Armée du salut et aux églises de réveil dont le poids dans la désignation du futur président de la CENI est négligeable.
Dans la foulée de la suspension de sa participation à la CIME, le 16 mai dernier, l’ECC avait pris soin de rappeler qu’elle « suit avec la plus grande vigilance le processus de la fin du mandat de l’équipe dirigeante de la CENI ». Et annoncé « des discussions à l’interne pour voir comment devrait se passer le remplace- ment de l’ancienne équipe » au terme desquelles toutes les confessions religieuses adopteront un « projet de la charte portant organisation et fonctionnement de la plateforme des confessions religieuses». L’élection du président de la CENI, c’est la guerre de soutanes sacrées.
J.N.