Il ne se passe plus une semaine sans que des membres FCC ou apparentés du Grand Katanga ne fassent l’objet d’une sorte de conspiration des officines katumbistes tapies dans cette partie du pays. Les attaques croisées contre la sénatrice Francine Muyumba, dont Le Maximum s’est récemment fait l’écho l’attestent. Mais il n’est pas inutile de renseigner davantage que l’opinion soit bien renseignée sur ce qui se cache derrière ces offensives répétées qui ressemblent à un feuilleton à rebondissements.
Le Grand Katanga et la succession de Kabila
Il est difficile de décrypter le paysage politique actuel du Katanga si l’on n’analyse pas le jeu politique à l’aune de la succession de Joseph Kabila à la magistrature suprême. En effet, il s’est observé une certaine homogénéité politique au Katanga sous le règne des Kabila père et fils. Habituée à être la province des présidents de la République, le grand Katanga a vécu diversement la fin constitutionnelle des deux mandats successifs du quatrième président de la RDC, Joseph Kabila Kabange. L’équation à résoudre était de savoir si un troisième katangais consécutif ne devait pas succéder au fils de M’zee, ou si le temps de passer finalement le témoin à une autre province était finalement venu.
Nationaliste et lumumbiste jusqu’à la moelle épinière, Joseph Kabila avait clairement donné des indices sur le fait qu’il ne fallait pas compter sur lui pour mettre à mal la cohésion nationale chèrement acquise en conservant coûte que coûte le pouvoir présidentiel dans l’espace katangais. Non seulement une telle occurrence était de nature à exacerber un sentiment de favoritisme et de régionalisme pro-katangais mal vécu par d’autres provinces, mais aussi l’avènement d’un troisième katangais consécutif ne paraissait pas être la meilleure façon de garantir les intérêts des katangais eux-mêmes au sein de l’arc-en-ciel national. La bipolarisation politique du Grand Katanga entre les tenants de cette thèse fidèles à Joseph Kabila d’un côté et de l’autre côté les katumbistes est née de ce dilemme.
Katumbi et la dissidence
Richissime et populiste, le dernier gouverneur du Katanga est connu pour la démesure de ses ambitions. L’occasion de la fin du deuxième mandat constitutionnel de Joseph Kabila était trop belle pour que Moïse Katumbi résiste à la tentation d’accéder enfin au top job. Ceux des katangais qui estimaient qu’il fallait conserver à tout prix la magistrature suprême l’ont suivi dans sa folle dissidence qui, en réalité, s’est déployée comme la plus grande entreprise de traîtrise dans la région. Rentré d’exil ruiné à la faveur de la réconciliation katangaise prônée par Joseph Kabila au début de son règne, Katumbi sera le plus grand bénéficiaire de la rente minière du Katanga. Pour ceux qui font semblant de l’oublier, tout le patrimoine du patron de « Ensemble pour le Changement » a été accumulé grâce à l’ascendant politique que lui a garanti la présence de Joseph Kabila aux commandes de l’Etat. Le plus katumbiste des katangais actuellement, le bâtonnier Jean-Claude Muyambo, s’était en son temps fendu de pas moins de 13 lettres ouvertes donnant toute la lumière sur l’enrichissement effréné de Moïse Katumbi sur fond d’une contrebande minière jamais égalée à ce jour. Et ce n’est pas le réalisateur belge Henri Michel qui dira le contraire après les long métrages «Katanga business» et «Le roi du Katanga», consacré au « Trop puissant » (ce furent ses termes) affairiste. Trônant désormais sur un vaste empire financier, le richissime Katumbi sera coup sur coup adoubé par la plupart de tout ce que l’hémisphère Nord de la planète compte comme faiseurs de rois, en commençant par le spécialiste des regime change en Afrique, le sulfureux homme d’affaires américain Georges Soros.
Les Ong, chevaux de Troie de Soros
Georges Soros a fait fortune dans la spéculation boursière, c’est connu. Fin calculateur, il comprendra très vite qu’un investissement dans la philanthropie lui procurera une avance considérable sur ses concurrents. D’où la création d’Open society et consorts, ainsi que son obsession à financer à tout va la société civile africaine à travers des multiples ONG afin de maintenir les opinions publiques dans le giron de ses intérêts miniers, notamment. Derrière le paravent d’opportunistes « printemps arabes », « mouvements citoyens » et « ONG de défense des droits de l’homme » et autres cocktails à subversions se cache cet homme d’affaires à poigne qui tire les ficelles selon son bon vouloir comme dans un théâtre des marionnettes. C’est tout cet arsenal que l’Américain mettra à la disposition de Katumbi pour lui faciliter la conquête du pouvoir suprême en RDC.
Voilà trois ans que Moïse Katumbi vadrouille à l’étranger depuis que les événements juridico-politiques consécutifs à son aventurisme glouton l’avaient contraint à un exil très mal vécu. Son soulagement fut sans doute énorme lorsque Joseph Kabila passa la main à la fin de ses deux mandats consécutifs. Il ne tarda pas à annoncer urbi et orbi son retour prochain en République Démocratique du Congo «par le Katanga». Dans son obsession de décrocher le top job, Moïse Katumbi met toujours un point d’honneur à prouver à ses parrains qu’il maîtrise le Congo utile, c’est-à-dire le grand Katanga. Il est vrai que l’homme y est adulé par plusieurs de ses compatriotes stipendiés et par d’autres qui ont développé une sorte de syndrome de Stockholm au point de considérer ce prédateur de haut vol comme leur ‘‘héros’’.
Ayant développé à la perfection l’art de la victimisation en inventant des persécutions dont il ferait l’objet pour avoir prétendument empêché le «troisième faux penalty» en faveur de Joseph Kabila, Moïse Katumbi a su faire illusion dans certains milieux, mais pas au point de bousculer l’écrasante majorité kabiliste qui s’est confortée aux dernières élections législatives et provinciales dans toutes les quatre provinces issues du démembrement du Grand Katanga. Au grand désarroi de cet homme qui comptait sur les scrutins indirects pour tirer profit de son aptitude légendaire à l’achat des consciences. Si la mission a été quasiment impossible dans le Haut-Lomami et le Tanganyika dominés essentiellement par les balubakat, tribu des Kabila et dans le Lualaba où l’ancien et nouveau gouverneur Richard Muyej, droit dans ses bottes, ne s’en laissait pas conter, il ne restait à Katumbi que son Haut-Katanga natal pour espérer créer la surprise, grâce notamment à des comparses comme Jean-Claude Muyambo et Kyungu-wa-Kumwanza.
C’était sans compter avec une de ces armes secrètes dont le taiseux Joseph Kabila détient la formule : la jeune ambassadrice Francine Muyumba, la trentaine à peine révolue, jusque-là présidente très appréciée de l’Union panafricaine de la jeunesse (UPJ). Issue d’une famille de chefs réputés de Kongolo dans le Tanganyika, Francine Muyumba a été à la surprise générale, maillot jaune à l’élection des sénateurs dans la cosmopolite province du Haut-Katanga. Une surprise préparée en douce par la haute hiérarchie du FCC qui a laissé le soin à cette fidèle d’entre les fidèles de finir le travail à Lubumbashi.
Ong vs Francine Muyumba au Katanga
Grâce à son entregent et à son art de la persuasion, Francine Muyumba s’est déployée dans la capitale du cuivre où elle a fait mordre la poussière à de ‘‘gros calibres’’ comme Kyungu-wa-Kumwanza et Jean-Claude Muyambo, faisant ainsi une une bouchée les hommes du «tout puissant» Moïse Katumbi. D’où cette guerre par procuration que Moïse Katumbi mène par ONG interposées à cette jeune battante de la kabilie au Grand Katanga.
Sauf que dans ce combat de David contre Goliath, il est extrêmement compliqué de déceler des poux sur un crâne rasé. Muyumba ne traînant aucune casserole derrière elle demeurait de fait insaisissable. La seule manière de l’avoir fut donc de mettre à contribution des ‘‘mercenaires’’ d’ONGs de défense des droits de l’homme et des réseaux Soros qui pullulent à Lubumbashi afin qu’ils scrutent ses faits et gestes et tissent des légendes d’infamie à lui coller sur la peau.
Le premier à dégainer dans cette offensive d’arrière-garde sera un certain Thimothée Mbuya, conseiller juridique d’ »Ensemble pour le Changement »de Moïse Katumbi, qui se cache sous la peau d’un défenseur des droits de l’homme au sein de Justicia Asbl. Cet avocat de Katumbi a remué ciel et terre et publié un communiqué au vitriol cousu de fil blanc sur une improbable implication de Francine Muyumba dans une prétendue séquestration et tortures de deux militaires, alors qu’il s’agissait en fait des vulgaires voleurs qui, ayant dérobé le sac à main de la néo-sénatrice à Lubumbashi, ont été dûment appréhendés par la police locale et présentés aux autorités judiciaires compétentes.
Encore que, au demeurant, il n’est pas à exclure que les deux malfrats aient commis ce forfait en intelligence avec sieur Mbuya, si l’on en juge par la hargne et la précision quasi chirurgicale avec laquelle le prétendu avocat a décrit le contenu du sac à main, un effet personnel et intime dérobé. Il y aurait eu des atomes crochus entre ce Mbuya et les deux voleurs que personne ne serait surpris. Il est donc fort à parier que dans la nuit où Madame Muyumba a appelé au secours au milieu des crépitements des balles non loin de sa résidence, les deux incriminés aient alerté leur complice Mbuya qui n’a pas tardé à rappliquer pour créer un scandale dans la résidence privée de la sénatrice afin de permettre aux écuries katumbistes d’en découdre avec elle. C’est ce que suggère l’acharnement de la société civile contre Francine Muyumba.
Il faut dire que le communiqué de Thimothée Mbuya avait réussi à faire sensation, mais seulement l’espace de quelques instants. Tous les médias qui l’avaient relayé ont fini par publier des démentis à l’instar de nos confrères de Rfi qui, après avoir mené leur propre enquête, ont fini par confirmer la version des avocats de l’honorable Muyumba. Pour sieur Mbuya et Cie, le temps pressait et le retour de Katumbi au Katanga se faisait imminent. L’élimination politique de Francine étant un objectif majeur de l’équipe de déminage pour l’atterrissage en douceur de l’ancien gouverneur du Katanga comme en territoire conquis, il fallait rapidement passer à la vitesse supérieure. C’est tout le sens de l’appel lancé depuis Lubumbashi par une constellation d’Ongs acquises au président du TP Mazembe. Toute honte bue, elles sont montées de nouveau au créneau jeudi 9 mai 2019 pour recycler le pétard mouillé de Thimothée Mbuya et Justicia Asbl en appelant les institutions républicaines à les aider à se débarrasser de celle qui est devenue le cauchemar de leur parrain et prébendier.
La formule d’intimidation a pourtant révélé ses limites dans le passé, lorsque ces mêmes organisations étaient appelées en renfort pour mettre en place le projet insurrectionnel concocté par Katumbi contre Joseph Kabila et n’eut pas plus d’effet qu’un pétard mouillé. En fin de compte, Joseph Kabila Kabange aura savouré le bonheur et le privilège de réaliser la première passation civilisée du pouvoir, non pas avec le ‘‘judas’’ katangais mais avec un congolais, kasaïen de son état, le fils de l’opposant historique Étienne Tshisekedi wa Mulumba. Ce qui a obligé les instigateurs de l’épuration ethnique au Katanga dans les années ‘90 de revoir à la baisse leurs ambitions et de raser les murs de la présidence de la République pour espérer se mettre à l’abri des représailles.
En effet, le fait que pour un katumbiste comme Kyungu-wa-Kumwanza, Félix, fils d’Etienne Tshisekedi et ses frères riverains de la Lubilanji ne fassent plus partie des «bilulu» à exterminer est à mettre au crédit du nationaliste Joseph Kabila Kabange.
Plus sereine que jamais
En s’engageant dans la politique nationale aux côtés de tels caïmans, Francine Muyumba savait qu’elle ne serait pas à l’abri des coups fourrés dont ils raffolent. Mais il faut surtout retenir que la sénatrice du Haut-Katanga semble avoir bien assimilé les vertus du silence professées et pratiquées par son mentor, Joseph Kabila Kabange, qui a développé à la perfection l’art de toujours laisser mourir la médisance de son propre poison, en répondant par le silence à ses détracteurs.
JEAN BODIN SHIMUNA
Philosophe et essayiste