Alors que la plateforme se réclame de l’opposition et que c’est seulement du 27 octobre 2020 au 27 janvier 2021 qu’interviendra son tour d’en assurer la présidence rotative, Martin Fayulu continue à revendiquer à son propre compte le pouvoir…
«L’hostilité de Martin Fayulu à Félix Tshisekedi dépasse les limites de l’acceptable». La manchette est du journal «Le Potentiel». Dans sa livraison du 26 avril, le quotidien venait de s’interroger avec le titre «RDC : La coalition ‘Lamuka’ vers la disparation ou la survivance ?». Le 29 avril, Forum des As fait sa Une avec le titre «Lamuka : le flou persiste». Il faut avouer que lors de son meeting du dimanche 28 avril, Martin Fayulu a étalé toute sa hargne et une haine à couper au couteau à l’encontre du président de la République. Ces quelques titres extraits des sites 7sur7.cd et Actualite.cd en sont l’illustration: «Fayulu : ‘Félix Tshisekedi nous a fait la honte. Il a vendu le pays à Kabila’». «M. Fayulu : ‘Nous sommes rentrés pour demander à Félix Tshisekedi de démissionner’», «Sainte Thérèse : ‘Ceux qui sont allés dans le cimetière des militaires où il y a des fanfares vous ont trompé’», «RDC : Fayulu compare Félix Tshisekedi à un ‘placebo’».
Tellement choquant qu’un acteur politique de l’opposition connu pour avoir postulé à la présidentielle en son temps, Adam Bombole Intole, a réagi rageusement : «…tout excès nuit. Parfois le silence est grand, lorsqu’il n’y a rien à dire ! Les calomnies et les vociférations ne changeront rien ! Félix Tshisekedi est président de la République pour un premier mandat de 5 ans, renouvelable une fois…»… La même indignation, François Mwamba la partage avec Jean-Claude Muyambo. Si le premier est d’avis que «Les heures à venir nous diront en effet s’il s’agit ou pas de propos pathétiques d’un perdant en mal d’existence et isolé au sein de la plateforme politique de Bruxelles», le second demande carrément à Moïse Katumbi «de prendre ses distances avec les propos de Fayulu qu’il qualifie des déclarations à caractère insurrectionnel».
Que s’est-il passé pour amener Martin Fayulu à se radicaliser ainsi ? On sait que réunie à Bruxelles, la “Conférence des Leaders” de Lamuka a levé, le samedi 27 avril 2019, l’option de transformer ce regroupement en plateforme politique positionnée, en plus, à l’opposition. Elle a même désigné à sa coordination, pour 3 mois, Moïse Katumbi, devenu de ce fait chef de file du «contre-pouvoir». Ce qui, par voie de conséquence, revient à reconnaître l’existence formelle du pouvoir légitime et légal représenté par la coalition Fcc-Cach.
Mais de retour à Kinshasa dimanche 28 avril 2019, Martin Fayulu – censé appartenir à Lamuka – continue de se considérer comme président de la République ! Et déclare au nom de ses pairs : «Nous sommes rentrés pour demander à Félix Tshisekedi de démissionner». Des résolutions de Lamuka, il ressort pourtant que trimestrielle, la présidence tournante sera assurée successivement par Moïse Katumba (du 27 avril au 27 juillet), Freddy Matungulu (du 27 juillet au 27 octobre) et J-P. Bemba (du 27 octobre 2019 au 27 janvier 2020), Adolphe Muzito (du 27 janvier au 27 avril 2020), Antipas Mbusa (du 27 avril 2020 au 27 octobre) et Martin Fayulu (du 27 octobre 2020 au 27 janvier 2021).
Venezuela, Soudan, Algérie, Burkina Faso…
Dès lors que Moïse Katumbi n’est pas homme à conduire une fronde anti-Fatshi pendant son mandat qui atteindra son terme fin juillet prochain, Martin Fayulu a pleinement conscience du fait qu’il aura du mal, lui, à mobiliser pendant cette période Lamuka contre Cach et, par effet d’entraînement, contre sa bête noire, le Fcc, deux plateformes dont la coalition est basée essentiellement sur le Législatif et l’Exécutif.
Concrètement et dans la réalité s’atteste l’existence de deux Lamuka. L’une se revendique de l’opposition, emmenée par Katumbi, l’autre s’institue en pouvoir parallèle. C’est la branche fayuliste. On notera qu’en moins d’une semaine (respectivement les 21 et 26 avril 2019), Martin Fayulu a vu ses “parrains” de l’Eglise catholique romaine de Kinshasa (Cardinal Monsengwo et Mgr Ambongo) se rapprocher considérablement du président Tshisekedi, et cela au moment où se consolide la coalition Fcc-Cach. C’est à croire que les carottes étant cuites, l’ex-candidat à la présidentielle, devenu un Léviathan, revient à ses premières amours : le soulèvement populaire.
Le 2 mars, Martin Fayulu a évoqué la situation politique au Venezuela. Le 28 avril, il a préféré ne plus faire allusion à ce pays où l’opposant Guaido n’en mène pas si large que ça. Pour mettre en exergue les dernières évolutions politiques au Soudan et en Algérie à l’intention de ces sympathisants. «Vous êtes plus forts que les armes. Les amis soudanais et algériens n’ont pas eu recours aux armes. Maintenant, je suis de retour. Nous allons nous entendre pour dire à Félix Tshisekedi de démissionner. Il doit quitter. Qu’il arrête les bêtises», a-t-il martelé. Ce n’est pas nouveau de la part du candidat malheureux à la dernière élection présidentielle dans son pays, où certains se souviennent que de 2014 à 2018, Martin ne jurait que par un soulèvement populaire modèle burkinabé. Qui n’est jamais venu.
Moise Katumbi s’inscrira-t-il dans cette logique ? Rien n’est moins sûr. Il est d’ailleurs exclu de voir l’axe Washington-Bruxelles-New York cautionner de schéma de coup de force avec ses implications et sur le Congo et la sous-région. Aussi, les incohérences apparues les 27 et 28 avril 2019 alimentent-elles le doute sur la capacité de Lamuka de jouer le rôle qu’elle prétend se donner. Son leadership doit fixer l’opinion sur son aptitude à s’assumer en force de l’opposition politique, et en plus parlementaire, au risque de passer pour un groupe insurrectionnel.
Pour avoir librement renoncé à son mandat de député national au profit de sa suppléante, et en raison de son radicalisme qui l’empêche d’être le porte-parole de l’opposition, Martin Fayulu “trouble” en réalité Lamuka. Et la discrédite.
OMER NSONGO DIE LEMA AVEC LE MAXIMUM