Deux circonscriptions électorales rd congolaises ont vu les élections des gouverneurs de provinces retardées de 72 heures, soit de mercredi 10 au samedi 13 avril 2019. Il s’agit de la circonscription électorale du Sud Ubangi, où le gouverneur sortant Joachim Taila Nage conteste l’invalidation de sa candidature par la Cour d’Appel du ressort, et de la circonscription du Sankuru où un bi-national, Joseph Mukumadi, conteste lui aussi l’arrêt de la cour d’appel de Lusambo invalidant ses prétentions à l’élection de gouverneur de province. Les deux affaires défraient la chronique, celle du contentieux sankurois davantage que celle du Sud Ubangi, en raison de l’énorme notoriété d’un des protagonistes, le ministre de la communication et médias et porte-parole du gouvernement sortant, Lambert Mende Omalanga.
Le feu aux poudres
A l’origine de cette rocambolesque saga judiciaire se trouve un arrêt de la cour d’appel de Lusambo (RCE 026) du 28 février 2019, invalidant la candidature de Joseph-Stéphane Mukumadi à l’élection de gouverneur de la province du Sankuru. Pour détention de deux passeports, un français et un autre rd congolais. La décision de justice faisait, ipso facto, du ticket CCU & Alliés – PPRD conduit par Lambert Omalanga l’unique candidature à l’élection du 10 avril 2019. Mais le 4 mars, Joseph-Antoine Mukumadi s’est pourvu en appel au conseil d’Etat que dirige le professeur Vundwawe Te Pemako (VTP), le mobutiste spécialiste de droit administratif bien connu en RD Congo. Une audience s’est tenue à cet effet le 13 mars, avant que la chambre des élections, des formations politiques et des organisations professionnelles, de la section du contentieux du Conseil d’Etat ne rende un arrêt sous REA 002 le 27 mars 2019, annulant l’arrêt de la cour d’appel de Lusambo. Ce fut une … bourde judiciaire signée par un des meilleurs juristes du pays, VTP. A laquelle la CENI n’entendait manifestement pas se soumettre puisqu’elle ne modifiait pas, jusqu’au moment où Le Maximum mettait sous presse jeudi 11 avril 2019, sa liste électorale dans la circonscription électorale du Sankuru. Lambert Mende Omalanga (CCU & alliés) et Patrick Bekanga a Nsala (PPRD) sont les seuls candidats à l’élection de gouverneur et de vice-gouverneur de la province du Sankuru.
Saga judiciaire
La saga judiciaire s’est enrichie d’un incident majeur, mardi 9 avril 2019, lorsqu’un greffier du Conseil d’Etat rendait public les conclusions d’une audience tenue ‘express’ le même jour sur le contentieux sankurois, et ordonnait la suspension de l’élection des gouverneurs de provinces au Sankuru jusqu’à l’exécution de son arrêt du 27 mars. C’est-à-dire jusqu’à la réhabilitation de la candidature de Joseph-Stéphane Mukumadi. Cela ressemblait un peu trop à une usurpation et des voix se sont élevées qui, pour rappeler qu’en droit judiciaire la compétence est d’attribution, qui pour dénoncer l’entorse à l’article 27 de la loi électorale qui stipule que les contentieux en contestation de candidature sont du ressort exclusif des cours d’appels, qui encore pour indiquer que le Conseil d’Etat aurait dû se déclarer non saisi dans le dossier opposant Joseph Mukumadi à la CCU & Alliés.
Récriminations et contestations
Des récriminations confirmées par un éminent constitutionnaliste, mercredi 10 avril à l’occasion d’un cours de droit à l’Université Catholique du Congo (UCC) à Kinshasa. L’article 27 de la loi n° 17/013 du 24 décembre 2018 portant Organisation des élections présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales stipule que « le dispositif de l’arrêt ou du jugement est notifié à la Commission Electorale Nationale Indépendante et aux parties concernées et n’est susceptible d’aucun recours », en ce qui concerne le contentieux des candidatures. Autrement dit, explique au Maximum cet étudiant en droit de l’UCC, le privilège du double degré de juridiction est éliminé dans ce cas précis, étant donné que les décisions rendues sont opérationnelles.
La question que se posent nombre de juristes interrogés par nos rédactions consiste à savoir comment une sommité de la trempe de VTP a pu tomber aussi facilement dans ce qui ressemble bien à une erreur de débutant. Dans laquelle l’administration électorale refuse de le suivre, selon toute vraisemblance. A l’occasion de la publication des résultats des élections des gouverneurs de provinces, mercredi dans la soirée, le président de la CENI, Corneille Nangaa Yobeluo, a annoncé la tenue des scrutins «reportés» à Lusambo samedi 13 avril 2019. Expliquant le report par des impératifs techniques et opérationnels. Donc, ce n’est pas en raison du communiqué ou de la décision du Conseil d’Etat. Un camouflet, que confirme le fait que jusque tard, jeudi 11 avril 2019, aucune nouvelle liste de candidats à l’élection des gouverneurs de province au Sankuru n’était rendue publique.
J.N.