Le médecin rd congolais Denis Mukwege, prix Nobel de la paix 2018, est en croisade pour des sanctions contre le viol, qu’il présente comme une arme de destruction massive. Mais aussi contre le pouvoir en place dans son pays, dans la mesure où le président de la République sortant qui détient la majorité au parlement, demeure légalement incontournable malgré les résultats de la présidentielle de décembre 2018. Bénéficiaire d’une reconnaissance plutôt controversée dans son propre pays, où beaucoup de ses compatriotes tiennent le prix Nobel dont il a été gratifié pour une fabrication délibérée d’une bande de nostalgiques néocolonialistes occidentaux dont il défend les intérêts, le médecin directeur de l’hôpital de Panzi dans la province du Sud Kivu a profité d’une prestation au forum ‘Stand Speak Rie Up !’ tenu au Luxembourg le week-end dernier pour faire valoir certaines de ses idées-phares. Sur la question des violences faites aux femmes ainsi que sur la situation politique en RD Congo présentée à la lumière de ce fléau. « L’homme qui répare les femmes », a désormais la prétention de réparer aussi la RD Congo… moyennant remèdes occidentaux. Mais sa thérapie ne convainc pas tout le monde.
Généralisation malencontreuse
Au Luxembourg, Mukwege a certes brossé le tableau peu reluisant des violences faites aux femmes assaisonné de considérations plutôt louables sur le genre. Il prône ainsi une « masculinité positive » et une « éducation qui enseigne dès le berceau l’égalité entre l’homme et la femme ». Mais au lieu de s’arrêter à ces considérations pertinentes par rapport à sa « spécialité », il s’est laissé aller à une digression plutôt malencontreuse et de mauvais aloi sur la situation politique dans son pays d’origine, la RD Congo. Le médecin de Panzi a en effet condamné le silence de la communauté internationale face au drame qui s’y déroulerait, rapportent nos confrères de Jeune Afrique : « Faut-il que l’on tue jusqu’au dernier Congolais pour que la communauté internationale se réveille ? », s’est-il interrogé dans une tentative maladroite de placer ainsi sur le même lit de malade les pauvres femmes violées, victimes des diverses confrontations armées imposées pour la plupart de l’extérieur à la RD Congo, et l’élection présidentielle du 30 décembre 2018.
Mukwege en appelle à des sanctions exemplaires contre les viols : « J’exhorte tous les États qui condamnent la maltraitance, le viol et la destruction de l’appareil génital de la femme à tracer une ligne rouge, synonyme de sanctions. Quiconque la franchit doit être condamné. D’abord en passant par un embargo diplomatique, qui se traduirait par le refus de délivrer un visa aux auteurs et instigateurs de ces barbaries. Ensuite, en gelant leurs avoirs. Ceux qui commettent des viols pour s’enrichir ou faire des enfants esclaves des mines, doivent subir ces sanctions économiques. Je suis également favorable à ce que chaque criminel sexuel soit jugé devant une juridiction internationale », confie-t-il dans une longue interview à Jeune Afrique. Et c’est là où le bât blesse certains observateurs. Depuis notamment qu’il est de notoriété quasi universelle que l’on doit les affrontements armés qui ont fait le lit des violences faites aux femmes au pillage et à l’exploitation des ressources naturelles de la RD Congo à certaines engeances mercantilistes occidentales pour qui le chirurgien de Panzi roule et auxquelles il doit les multiples reconnaissances internationales qui pleuvent sur lui ces dernières années. On sait aussi que les bénéficiaires et pourvoyeurs d’armes aux milices et rebelles qui écument l’Est du pays, fournissant à Mukwege son lot quotidien de femmes victimes de maltraitance sont ces mêmes occidentaux qui se sont fabriqués un Prix Nobel de la paix couleur tropicale chargé d’occulter leurs propres responsabilités dans cette tragédie humainement inacceptable vécue dans ce pays.
Silence sur les pilleurs de la RDC
C’est depuis la publication d’un rapport d’experts onusiens en 2001 que le pot-aux-roses a été découvert. Mais apparemment, le bon Docteur Denis Mukwege n’a jamais entendu parler de ces réseaux occidentaux d’acheteurs, transporteurs et « end users » de minerais pillés dans son pays grâce à l’entregent des cruels groupes armés nationaux et étrangers de diverses natures. Les entreprises de transport aérien belges (Sabena) ou néerlandais ont été pourtant citées à maintes reprises par les convoyeurs de la colombo tantalite (coltan) de la RD Congo vers l’Europe des droits de l’homme et des prix Nobel. De même que les villes européennes d’Ostende en Belgique, de Hambourg en Allemagne ont servi et servent jusqu’à ce jour de transit à ses minerais de sang en partance pour des usines de traitement comme celle de Ulba au Kazakhstan, pourvoyeuse de la géante Suisse Finconcord. Contre ces véritables financiers de la guerre et du viol dans son pays, l’homme qui répare les dégâts dont ils sont responsables ne pipe mot. Sa cure de réparation, le brave médecin de Panzi la destine exclusivement à ses compatriotes. Particulièrement à ceux qui sont au pouvoir, quels qu’ils soient, dès lors qu’ils n’assurent pas les arrières de ses amis occidentaux comme lui-même.
Ainsi, le nouveau président de la RD Congo, issu d’élections entièrement financées par le gouvernement de son pays (contre la volonté des occidentaux), Félix Tshisekedi Tshilombo, ne trouve-t-il pas grâce aux yeux du prix Nobel de la paix spécialiste de la distribution des cartons rouges à ses compatriotes. Les élections du 30 décembre 2018 n’auraient été qu’une mascarade pour Denis Mukwege qui embouche les trompettes de la lutte contre l’impunité, mais seulement en République Démocratique du Congo. Pas dans les pays occidentaux qui entretiennent les groupes armés en se livrant avec eux au commerce ignoble et au blanchiment de leurs rapines. Pour Mukwege, le nouveau chef de l’Etat rd congolais ne rencontrera les espoirs nés de son élection que s’il se montrait en mesure de révoquer tous les actes posés par Joseph Kabila, pourtant chef de la majorité parlementaire, qui ne correspondent pas aux intérêts occidentaux. « S’il a la force et le courage d’imposer une cohabitation, Félix Tshisekedi pourra faire la différence », explique doctement le médecin de Panzi, qui, assimilant bien la leçon de ses mentors, a du mal à dissimuler sa sympathie pour Martin Fayulu et son combat pour « la vérité des urnes ». « J’ai beaucoup de respect pour Martin Fayulu. Un homme de principes est une chose rare au sein de la classe politique congolaise. C’est le seul que j’ai vu constant dans ses idées ces derniers temps et je l’encourage à continuer son combat. La vérité des urnes doit être un combat pour la mémoire. Si Martin Fayulu l’arrête, ce qui s’est passé aux dernières élections se répétera dans le futur », estime Mukwege.
A l’évidence, ce Nobel de la paix « nommé » par les conservateurs occidentaux prône ainsi la contestation électorale permanente et rituelle dans un pays post-conflit qui a pourtant payé un lourd tribut à la guerre, notamment le viol dont sont victimes les patientes de Panzi auxquelles il doit sa renommée. Ceci expliquerait-il cela ?
J.N.