Un quarteron de prélats catholiques conspirateurs entretient les flammes de l’insurrection et du chaos après les élections pour permettre la remise de la RDC sous coupe réglée occidentale.
En RD Congo, la classe politique et les populations doivent désormais compter avec l’extraordinaire activisme des évêques de l’Eglise catholique réunis au sein de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), l’assemblée des prélats qui privilégie carrément la politique politicienne à la pastorale. C’est une véritable institution politique que ce comité permanent des évêques, emmené par le duo Monsengwo-Ambongo, qui lient et délient tout ce que Dieu le père a fait échoir dans l’ex. colonie belge. A eux deux, l’ancien archevêque métropolitain de Kinshasa et son successeur donnent de la voix autant, sinon plus, que les institutions représentatives du peuple de la RD Congo comme l’Assemblée nationale ou le Sénat. Aux noms des seuls fidèles catholiques (auxquels du reste la parole n’a jamais été donnée) et des Congolais en général (dont ils n’ont jamais reçu un quelconque mandat de représentation).
Depuis quelques semaines, ces deux princes de l’Eglise catholique qui en ont mobilisé quelques autres dans leur croisade contre l’élection de Félix Tshisekedi Tshilombo à la tête du pays soufflent le chaud et le froid. Jusqu’à la prestation de serment du nouveau président de la RD Congo, cette frange des évêques catholiques de l’Ouest emmenée par le duo conteste et s’oppose bruyamment aux résultats électoraux qu’ils tentent de substituer aux leurs.
Etat dans l’Etat ?
Véritable Etat dans l’Etat, l’Eglise catholique s’était constituée une mission d’observation électorale qu’elle a muée en véritable commission électorale parallèle dont elle défend, becs et ongles, des résultats aussi partielles que partiales, parce qu’ils ne concernent que certains candidats à la présidentielle.
La première reconnaissance du nouveau président de la République advient, du bout des lèvres, par un porte-parole de l’assemblée des évêques, l’abbé Georges Kalenga, qui déclare sur une radio périphérique que la CENCO « prend acte de tout ce qui est arrivé et reconnait qu’il y a eu la proclamation définitive par la Cour constitutionnelle. Il y a un nouveau Président de la République c’est M. Félix Tshisekedi ». Le 15 février 2019, l’abbé Donatien Nshole, le porte-parole titulaire des évêques de la CENCO émet la reconnaissance, faisant bon gré contre mauvaise foi : « Le chef de l’Etat qui est là est reconnu officiellement. Et nous ne pouvons que composer avec lui », déclare-t-il.
En fait de composition, c’est à une totale décomposition du nouveau pouvoir en place que s’occupe ce groupe de prélats de l’Ouest. Dès le 21 février 2019, le cardinal à la retraite, Laurent Monsengwo Pasinya, s’en est allé vendre ses idées révolutionnaires contre le vainqueur proclamé de l’élection présidentielle du 30 décembre 2018 à une caste de décideurs belges d’obédience chrétienne : les Grandes conférences catholiques (GCC). L’institution née en 1931 existe depuis 88 ans et rassemble tout ce que l’ancienne (et bientôt nouvelle ?) métropole coloniale compte de conservateurs catholiques. Et expliquer que rien ne vaut une insurrection populaire qui balaie d’un revers de manche cléricale le régime politique en place. « Nous faisons confiance en notre peuple pour surprendre, car seul le peuple congolais doit être au centre des solutions qui permettront d’écrire son histoire d’un avenir meilleur, prospère et radieux », ajoute encore le cardinal à la retraite, déjà instigateur de tentatives insurrectionnelles avortées de fin 2017 et début 2018 sous le paravent du Comité Laïc de Coordination (CLC), une structure anarchique créée quelques mois plus tôt pour les besoins de la cause. Dans une interview à La Libre Afrique, l’ancien archevêque de Kinshasa s’est montré encore plus précis en communiant littéralement avec les projets politiques de Martin Fayulu Madidi, candidat malheureux à la dernière présidentielle qui est porté à bout de bras par le groupe des hommes forts de l’épiscopat catholique et leurs mentors dans les allées conservatrices et nostalgiques des pouvoirs en Occident : « Martin Fayulu doit continuer à faire ce qu’il a fait jusqu’ici – soit le contraire de ce qu’on veut lui faire faire. Il doit s’efforcer de faire éclater la vérité des urnes. Son combat c’est celui du peuple », déclare-t-il. Laurent Monsengwo a mis à profit son séjour bruxellois pour porter son message jusqu’au sénat belge, notamment.
Manœuvres de décomposition
Un peu plus d’un mois plus tard, c’est son successeur à la tête de l’archidiocèse de Kinshasa qui prend la relève en se rendant à son tour à Bruxelles et aux Etats-Unis défendre les mêmes positions cléricales. De passage en France à la faveur de l’organisation de la « Nuit des témoins », Mgr Fridolin Ambongo, par ailleurs cousin germain d’un des leaders de la coalition Lamuka, qui est monté aux barricades. Très en verve comme à son habitude, il a choisi les écrans de la chaîne publique française TV5 pour réitérer la contestation des résultats électoraux de la CENI et de la Cour constitutionnelle rd congolaise proclamant Félix Tshisekedi Tshilombo vainqueur de la présidentielle du 30 décembre 2018. Toute honte bue, l’évêque qui avait déclaré il y a quelques jours accepter ces résultats, s’est littéralement parjuré en affirmant préférer s’interroger sur leurs conséquences et sur le rôle que ses collègues et lui devront jouer…
En fait de conséquences de la proclamation des résultats de la dernière présidentielle rd congolaise, il n’y en a pas d’autres, en dehors de celles auxquelles des prélats pèlerins de l’insurrection populaire veulent entraîner leurs compatriotes, notent les observateurs. « Ils rêvent d’un scénario kényan en RD Congo, mais c’est un peu tard. Ce type de réaction aurait eu quelques chances de prendre corps dans les premiers jours qui avaient suivi la proclamation des résultats », confie un diplomate africain en poste à Kinshasa dans un entretien avec Le Maximum. Il ne croyait pas si bien dire parce que le week-end dernier le processus électoral s’est poursuivi sans encombre avec les élections législatives nationales et provinciales partielles organisées sans encombres à Beni et Butembo au Nord-Kivu et à Yumbi au Maï-Ndombe. Après que les élections sénatoriales se furent tenues le 15 mars dernier sur toute l’étendue du territoire national. Sans que quiconque ne se soit plaint de l’échec à la présidentielle de quelque autre candidat que celui dûment proclamé par la Commission électorale et le Cour constitutionnelle congolaises.
Les seuls à promener « la vérité »
Ces évêques catholiques-là sont donc les seuls à promener aux quatre vents de la planète « leur » vérité électorale, crânement fondée sur le départ de la véritable bête-noire qu’ils ont en commun avec des groupes d’intérêts politico-financiers occidentaux : le chef de l’Etat sortant, Joseph Kabila. Mgr Fridolin Ambongo l’avoue sans fioritures lorsqu’il confie à La Croix que l’Accord politique du 31 décembre 2016 (Accord de la Saint-Sylvestre) prévoyait une période de transition avant la tenue des élections. « Les évêques courent toujours derrière l’instauration d’une période de ‘transition’ non prévue dans la constitution de la RDC qu’ils prétendent défendre et feront tout pour qu’elle ait lieu », confie à nos rédactions ce député national récemment élu sur les listes du CACH (Cap pour le Changement) de Félix Tshisekedi Tshilombo. C’est ce que laissaient clairement entrevoir les derniers propos de l’évêque métropolitain de Kinshasa lorsqu’il affirmait d’une voix de stentor que les résultats de la présidentielle sont « … un déni de vérité. Et nous sommes convaincus que l’on ne peut fonder l’avenir d’une nation sur le mensonge ». C’est la quintessence du message de Fridolin Ambongo, auréolé de son manteau de vice-président de la CENCO au Département d’Etat US et au Quai d’Orsay, le ministère français des Affaires étrangères, comme si il appartenait aux Etats-Unis et à la France de faire le ménage électoral au pays de Lumumba.
Du baume dans les imprécations
Lorsqu’ils ne s’attèlent pas à scier littéralement le siège sur lequel est assis le nouveau président de la République Démocratique du Congo, le duo Monsengwo-Ambongo et leur CENCO jettent un peu de baume sur leurs imprécations, juste ce qu’il faut pour ne pas compromettre leurs rapports avec le nouveau locataire du Palais de la Nation à Kinshasa dont ils attendent sans doute encore quelque chose. « Maintenant que Félix est au pouvoir, et même s’il a été imposé par Kabila, nous voulons composer avec lui », a avancé Mgr Ambongo. Ça a tout l’air d’un appel du pied … assorti de conditionnalités méprisantes à bien d’égards : « Nous pensons que même du mal, il est possible de tirer le bien. Et de son côté, le nouveau président de la République doit aussi donner des gages pour tenter de corriger ce mal initial », confie-t-il à nos confrères de La Croix dans une étonnante réédition de l’allégorie du péché originel. Parmi les « gages » exigés par le prélat-politicien : une « association » du nouveau président congolais avec son cousin Jean-Pierre Bemba et son ami Martin Fayulu, ex-bandundois comme le cardinal Monsengwo… dans la gestion du pouvoir. Autrement dit, une renonciation pure et simple à sa victoire électorale en faveur d’une sorte de transition nihiliste. C’est la même vieille rengaine que le « saint » couple avait échoué à imposer à Joseph Kabila entre 2016 et 2018.
La question que d’aucuns se posent en RD Congo, non sans éprouver une gêne évidente, c’est de quel droit deux évêques de l’Eglise catholique se réclament pour croire pouvoir ainsi imposer leurs intérêts particuliers, et leurs vues contraires à la constitution en vigueur dans un pays laïc par vocation.
J.N.