Après les élections de décembre 2018, l’occupation du poste de porte-parole de l’opposition revient à l’actualité et suscite des convoitises entre le chairman du MLC et le leader de « Ensemble pour le Changement» qui dominent le leadership dans « Lamuka », les trois autres regroupements étant résiduels et opportunistes.
Comment, cependant, départager les deux poids lourds avec leur dénominateur commun des lobbies politico-affairistes occidentaux et leurs égos surdimensionnés dans la lutte pour le leadership qui a toujours été le tendon d’Achille de l’opposition? La réunion dévaluation de la plateforme « Lamuka » s’est terminée samedi dernier à Bruxelles sans résultat notable. Dans le communiqué plutôt laconique qui a sanctionné ces cogitations, les leaders de cette plateforme ont annoncé la poursuite des discussions techniques devant permettre de la transformer en plateforme politique et d’en définir les modalités pratiques d’organisation et de fonctionnement. Une démarche somme toute normale et logique qui, de l’avis des observateurs, ne nécessitait pas trois jours de réflexion. L’enjeu, indiquent les mêmes observateurs, se situe ailleurs au niveau de la répartition des rôles ou, en langage clair, de la détermination du leadership de la future plateforme politique, vu que le rôle attribué à Martin Fayulu avait un but précis, comme l’a précisé Jean-Pierre Bemba lors de la conférence de presse du week-end dernier à Bruxelles. « Martin Fayulu était le candidat commun pour battre le candidat de Monsieur Kabila et il l’a battu. Dans Lamuka, il y a plusieurs leaders qui ont participé à cette victoire ».
Le ton est ainsi donné et la course au « pouvoir » engagée. En perspective, le poste de porte-parole de l’opposition demeuré vacant depuis 2007 après la promulgation de la loi portant organisation et fonctionnement de l’opposition. Durant douze années, en effet, l’opposition n’avait jamais réussi à accorder les violons pour formaliser cette organisation et son fonctionnement. Le Mouvement de libération du Congo (MLC), première force politique de l’opposition au sein du Parlement à l’issue des scrutins électoraux de 2006, a gelé le débat en raison de l’absence de son leader, Jean-Pierre Bemba, détenu pendant dix ans à la Cour Pénale Internationale.
En 2011, c’est l’UDPS & Alliés qui fut le groupe parlementaire le mieux représenté à l’hémicycle mais il semble avoir troqué le problème de la désignation du porte-parole de l’opposition au profit des fonctions de 1er ministre du gouvernement dévolues un peu sur le tard à Samy Badibanga, le président du groupe des élus nationaux virés de l’UDPS par Tshisekedi-Père.
Aujourd’hui, avec l’Udps et l’Unc qui ont gagné les rangs du pouvoir, la redistribution des cartes met désormais en lice deux leaders, à savoir Jean-Pierre Bemba, dont le parti détient le plus grand nombre d’élus à l’Assemblée nationale, et Moïse K atumbi et sa plate-forme «Ensemble pour le changement» qui a l’avantage arithmétique grâce à la mosaïque des partis et regroupements politiques en son sein. Quant aux restes, soit la «Dynamique de l’opposition » de Martin Fayulu, la « Syenco » de Freddy Matungulu et le « Nouvel Elan » d’Adolphe Muzito, ils ne représenteraient que des forces résiduelles, ces deux derniers étant d’ailleurs considérés comme des regroupements purement opportunistes.
Qui donc de Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi l’emporterait sur l’autre ? Cette question, chez « Lamuka », ne manque pas d’à-propos lorsque l’on se rappelle les conditions dans lesquelles Fayulu avait été désigné comme candidat commun pour la présidentielle au mépris, à la fois, des critères de désignation communément arrêtés – dont le poids politique – et de l’évidence sociologique qui ne penchait nullement en sa faveur.
A cela devront s’ajouter les égos surdimensionnés des leaders de l’opposition et l’atavisme des querelles de leadership qui ont toujours été le tendon d’Achille de l’opposition. De plus, Bemba et Katumbi apparaissent clairement comme des libéraux à tendance capitaliste, contrairement au reste de la troupe qui se réclame majoritairement de la social-démocratie. Pour les analystes, tout pourrait se jouer avec l’influence des lobbies politico-affairistes occidentaux qui soutiennent la plateforme «Lamuka» et ses ambitions de mainmise sur le pouvoir en RDC afin d’influencer les décisions en faveur de leurs visées tout aussi affairistes. Vu sous cet angle, le poste de porte-parole de l’opposition prend une nouvelle épaisseur lorsque l’on sait qu’en se structurant autour de celui-ci (le poste de porte-parole), cette opposition devrait pouvoir agir utilement au sein des institutions à travers le Parlement. Même s’il restera de savoir quel contenu donner au terme « utilement » entre, d’une part, les intérêts des acteurs de cette opposition et leurs partenaires occidentaux et, d’autre part, les intérêts du Congo et son peuple…
J.E. KOTA (CONGO VIRTUEL) AVEC LE MAXIMUM