Cela s’est passé le 15 février 2019 à la Cité de l’Union Africaine à Kinshasa. Le chef de l’Etat, Félix-Antoine Tshilombo Tshisekedi a reçu le corps diplomatique accrédité en RD Congo à l’occasion de la traditionnelle cérémonie de présentation des vœux de nouvel an. Un événement très attendu, certainement plus attendu par les représentants ces Etats étrangers préoccupés d’en savoir davantage sur la politique étrangère du nouveau locataire du Palais de la Nation, que par les rd congolais toujours scotchés sur leurs problème de survie quotidienne et de sécurité. Des préoccupations élémentaires du souverain primaire qui a jeté son dévolu sur un porte-étendard de l’opposition radicale, mais qui demeurent inextricablement liés et dépendent largement, sinon totalement, de la nature des relations entre leur pays et ses différents partenaires extérieurs.
Le nouveau président de la République a ainsi mis l’accent sur la nécessité des relations « gagnant-gagnant », comme on aime à le dire de nos jours, entre son pays et le reste du monde. « Mon pays tient à sauvegarder son indépendance politique, acquise aux prix de multiples sacrifices, ainsi que son corollaire, la souveraineté du peuple congolais sur les richesses naturelles nationales », a notamment martelé Félix-Antoine Tshilombo Tshisekedi. Tout en affirmant la vocation de la RD Congo « à être toujours ouvert sans exclusive à une coopération naturellement avantageuse pour le plus grand bien», l’élu du 30 décembre 2018 n’en a pas moins assuré que «toute coopération devrait ainsi se fonder sur le respect et la considération mutuels, dans la logique d’un partenariat gagnant-gagnant». Le numéro un congolais a également dit que son pays entendait jouer « un rôle de taille dans le renforcement de l’Etat de droit, l’approfondissement de la culture démocratique et dans l’enracinement des valeurs des droits de l’homme et de bonne gouvernance » même si, de son point de vue, dans ces domaines, la RD Congo a intérêt « à bénéficier de l’expérience de vieilles nations démocratiques, tout en sauvegardant les atouts qui fondent notre identité nationale ».
Continuité
A ces conditions ainsi rappelées, parce qu’elles s’inscrivent plutôt dans la continuité de la politique étrangère mise en œuvre depuis plusieurs années en RD Congo, le nouveau chef de l’Etat a expliqué à ces hôtes du jour que « la République Démocratique du Congo, située au cœur du continent africain, avec neuf pays voisins, accordera priorité à la consolidation de la paix régionale ». S’agissant de ses relations avec l’Union Européenne particulièrement, Fatshi, ainsi qu’on le surnomme dans les milieux proches de son parti à Kinshasa, a appelé au « dégel des relations entre la République Démocratique du Congo et nos partenaires européens ». « Pour ce qui est la Maison Schengen, j’ai instruit la partie congolaise de finaliser rapidement les discussions entamées avec la partie européenne pour la restructuration et la réactivation de ce dispositif consulaire en harmonisant », a-t-il encore déclaré, émettant le vœu que la RD Congo et l’UE « procèdent à l’échange de leurs ambassadeurs respectifs dans les plus brefs délais afin d’avoir le même niveau de représentation ».
Extrait omis
Félix-Antoine Tshisekedi a néanmoins, selon des sources proches de la présidence, omis un extrait de son discours relatif aux conditions posées par la partie rd congolaise au cours des négociations antérieures, relative à la levée des sanctions unilatérales prises par l’UE à l’encontre de certaines personnalités politiques et militaires. « Je voudrais finalement lancer un appel pressant pour la levée des sanctions ayant concerné l’un ou l’autre responsable congolais », lit-on dans le texte distribué à la presse et aux membres du corps diplomatique. Le fait qu’une telle demande n’a pas été exprimée expressis verbis par Félix-Antoine Tshilombo Tshisekedi vendredi dernier à la Cité de l’Union Africaine a laissé croire à certains que la rupture d’avec la politique étrangère de l’équipe dirigeante sortante tant souhaitée, en Belgique et en Europe particulièrement était consommée.
Il semble pourtant que les uns et les autres y soient allés un peu vite en besogne. Parce que, à en croire une source dans l’entourage de Fatshi qui s’est confié au Maximum, « le chef de l’Etat n’avait pas besoin d’aller jusqu’à incommoder certains de ses hôtes en martelant au micro une préoccupation à laquelle son texte fait allusion abondamment ». Et de rappeler qu’en outre, « le président de la République avait déjà fait état de la nécessité de restructurer, réactiver et harmoniser les vues préalablement à la réouverture de la Maison Schengen. Il était superflu à son niveau d’y revenir et de verser dans les détails qui relèvent des discussions entre les deux parties », ajoute-t-il, un brin d’impatience dans la voix. Qu’il faut sans doute attribuer à ce qu’il a qualifié de « jubilation indécente » suscitée chez certains analystes européens particulièrement dans les médias dits globaux, l’interprétation, plutôt étriquée et réductrice, faite de l’allocution de vendredi dernier.
Main forcée … par les Occidentaux
« Tout se passe comme si Félix Tshisekedi avait axé toute son adresse sur le dossier de la fameuse Maison Schengen », se plaint un autre officiel de la présidence de la République, qui a balayé d’un revers de la main les allégations selon lesquelles les autorités du gouvernements sortant auraient tenté de forcer la main au nouveau président à ce sujet. « Ce sont plutôt eux (les Occidentaux, i.e.) qui tentent de forcer la main du Chef en réduisant sa politique étrangère à une simple politique de rupture d’avec les positions souverainistes de son prédécesseur Joseph Kabila », peste-t-il.
Encore que le dossier Maison Schengen, rappelle-t-on, ne se réduit pas à ses aspects politiques (la levée des sanctions européennes unilatérales contre une quinzaine d’officiels congolais). Des exigences techniques relatives à la demande congolaise de délais plus courts dans le traitement des dossiers de visas en faveur des requérants congolais, la transparence sur les motifs de refus des facilités pour les diplomates, sont autant d’aspects auxquels la partie rd congolaise tient particulièrement, parce que le sacro-saint principe de la réciprocité y a fait dédaigneusement défaut jusque-là, rappelle-t-on au siège du ministère des Affaires Etrangères à Kinshasa-Gombe.
En prônant la sauvegarde de l’indépendance et de la souveraineté nationales ainsi qu’un partenariat gagnant-gagnant, le président de la République avait livré les orientations essentielles à mettre en pratique dans toute négociation avec les partenaires de la RD Congo. Y compris dans le traitement du dossier Maison Schengen.
J.N.
Adresse de Son Excellence Monsieur Féli1