C’est plus facile de le désigner par son patronyme. Lui, c’est Dokolo Sindika, un des fils du banquier et homme d’affaire Central Kongolais, Augustin Dokolo, connu pour avoir été entraîné dans la faillite et la banqueroute par la dictature mobutiste. Né d’une mère Suédoise, Dokolo Sindika, présenté comme un riche collectif d’œuvres d’art, au départ, s’est fait connaître de l’opinion nationale et internationale à la faveur de liens d’alliance dont on ne peut pas se plaindre : le jeune entrepreneur n’est rien d’autre que l’époux de Maria-Isabel Dos Santos, la fille du désormais ancien Chef de l’Etat Angolais, citée parmi les femmes les plus riches du continent africain. Suffisant pour propulser sur les devants de la scène (tout au moins sur les réseaux sociaux !), son époux, tout aussi jeune qu’elle, d’origine plutôt bourgeoise au Congo voisin.
Dans l’opinion publique de son pays d’origine, Sindika se fait connaître sur la toile, les réseaux sociaux d’internet, donc. Cela se passe en 2017, à un an de la fin légale du mandat du Chef de l’Etat en place, Joseph Kabila Kabange. Naturellement, le fils Dokolo se range dans les rangs des opposants, qui ne rêvent que du départ du successeur et fils du Mzee Laurent-Désiré Kabila, le tombeur du tombeur de son propre géniteur, pourtant. Un tweet anti-Kabila par-ci-, une condamnation du régime qualifié de dictatorial par-là, c’est dans l’air du temps. Le petit Sindika se fraie une voie d’autant plus facile que sa posture sociale lui permet de se placer à l’abri des besoins communs à ses compatriotes demeurés au pays de Papa.
Fin mai 2017, le fils Dokolo crève les écrans TV en volant au secours de ses compatriotes victimes des exactions terroristes Kamwina Nsapu dans les provinces kasaiennes voisines de son pays d’adoption.
Opposant de réseaux sociaux
L’opération est merveilleusement médiatisée, aux compatriotes en errance au pays de sa belle-famille, Sindika offre devant caméras et micros quelque 200 tonnes de riz, d’huile de cuisson et de farine. « Je suis choqué et meurtri de voir la barbarie que certains réfugiés en provenance du Congo ont subie », déclare-t-il en guise d’assaisonnement à ce « don charitable ». «Même s’il ne s’agit que d’une goutte d’eau dans l’océan des besoins qu’ont désormais les Congolais, je tenais à faire ce geste de fraternité et de solidarité avec mes frères, soeurs et enfants de la RDC en leur faisant livrer 200 tonnes de riz, d’huile et de farine », ponctue-t-il. Ce fut suffisant pour le propulser au sommet d’élus de Dieu au secours de Congolais présentés comme meurtris au plus au point par le pouvoir en place.
Deux mois plus tard, en août 2017, Dokolo Fils mettait sur pied une organisation politique vouée au démantèlement du pouvoir en place dans son pays d’origine. C’est le « Mouvement Citoyen » pour l’alternance en 2017, mis sur orbite le 10 août de la même année pour obtenir l’alternance politique et sauver la RD Congo. Par des voies pacifiques.
Ce n’est pas la voie royale parmi les opposants actifs en RD Congo où la situation politique évolue sans coup férir vers la tenue d’élections présidentielle, législatives nationales et provinciales sous la houlette du pouvoir honni, tant bien que mal. Sindika, le bienfaiteur proche du pouvoir périclitant en Angola voisin, perd ses repères : le leitmotiv de son opposition au pouvoir en place dans ses terres d’origine lui est retiré sous les pieds, pour ainsi dire.
Le 30 décembre 2018 se tiennent, après un ultime report, les scrutins électoraux tant revendiqués. Sans la plus petite anicroche : ses compatriotes se présentés par millions devant les urnes, et ont confié les rênes du pays au fils de l’opposant radical et historique, Etienne Tshisekedi de l’UDPS. Au détriment du « candidat commun » choisi par des puissances occidentales au terme d’un conclave brumeux à Genève au mois de novembre 2018, Martin Fayulu Madidi.
Indécis
Cette évolution de la situation gêne à l’évidence Sindika Dokolo, qui brille par un silence de mort. Avant de réagir il y a quelques semaines lorsque la situation semble dégénérer au détriment des intérêts des populations de son pays. Parce qu’une partie de l’opposition politique à Joseph Kabila s’est muée en opposition contre Félix-Antoine Tshisekedi, le fils de l’opposant historique rd congolais déclaré vainqueur de la dernière présidentielle, par la CENI et la Cour Constitutionnelle. Lundi 1er février 2019, l’initiateur du « Mouvement Citoyen » sort de sa réserve et appelle à l’unité de l’opposition. « A tous mes amis de CACH et de LAMUKA et à tous ceux qui avec nous se sont battus pour en finir avec la Kabilie. J’ai pensé à nous en lisant Confucius : ‘La véritable faute, c’est celle qu’on ne corrige pas’. L’unité fait la force. Bon week-end à tous ! », écrit-il dans un posting qui désapprouve manifestement la croisade Lamuka contre le nouveau Chef de l’Etat.
Pour l’unité de l’opposition
Seulement, 24 heures plus tard, la coalition opposante née en novembre dernier à Genève tient meeting à Ndjili, un quartier populaire de Kinshasa, qui rassemble quelques milliers de personnes (3.400 selon les chiffres de la police). L’exploit, si c’en est un (puisque la capitale de la RD Congo compte près de 12 millions d’âmes, parmi lesquelles 4 millions se sont inscrits sur les listes électorales), émeut Sindika et l’égare. « Que faut-il (re) penser de la mobilisation réussie par Lamuka », s’interroge-t-il. Mais la perplexité du genre Dos Santos ne dure guère. Le 5 février, le nouveau Chef de l’Etat de son pays qui se rend à Luanda est l’objet d’un accueil impressionnant, par les autorités en place à Luanda, certes, mais surtout par les ressortissants rd congolais résidant dans ce pays. Qui se reconnaissent dans le nouveau Président de la République. La donne change.
Sur les antennes de nos confrères de Top Congo FM, mercredi 6 février 2019, Sindika se montre plus que conciliant vis-à-vis de Fatshi. Il appelle à la reconstruction du pays après les élections, carrément. « Le Congo aura vraiment besoin de tous ses fils qui ont quelque chose à lui offrir pour entreprendre cette grande œuvre », déclare-t-il. Ajoutant que « il est important que de l’alternance, on passe au réel changement. Que les habitudes d’inquiéter les gens, de les intimider, cessent. Qu’au ait une vraie justice, une vraie reconnaissance et respect des libertés individuelles et collectives ». C’est tout sauf de la vaine revendication d’une nébuleuse « vérité des urnes ». Au micro de Christian Lusakweno, «il faut que dans les faits, cela suive. Que la police, les services de sécurité deviennent absolument républicains. C’est le véritable enjeu de la séquence qui s’ouvre », clame le fils Augustin Sindika. Mais 24 heures plus tard, le 7 février, le patron du « Mouvement Citoyen » repart en croisade contre le nouveau pouvoir issu des rangs de l’opposition politique : « Le nouveau président (de la République) doit peser de tout son poids politique afin que la CENI et la Cour Constitutionnelle fasse toute la clarté, bureau de vote par bureau de vote, sur le mystère des résultats du FCC à la députation nationale. Le changement que tout le peuple espère est à ce prix », écrit-il dans un posting sur son compte twitter.
Même un chat n’y reconnaîtrait plus ses petits.
J.N.