Ni bureau installé, ni plénière, jeudi et vendredi derniers à Lusambo. La sagesse et la patience du doyen She Okitundu mises à rude épreuve.
C’est l’état sauvage à Lusambo, le chef-lieu de la province du Sankuru et siège des institutions provinciales. L’une d’elles précisément, l’Assemblée provinciale, a vu le démarrage de ses activités jeudi 31 janvier 2019, retardé en raison d’un tripatouillage inédit de la décision de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) désignant les membres du bureau provisoire de cet organe. Jusque vendredi 1er février, la plénière d’installation de ce bureau provisoire, puisqu’il n’est chargé que de valider les mandats, élaborer le règlement intérieur de la structure délibérante provinciale et élire le bureau définitif de l’assemblée, n’avait pu se tenir, en dépit de l’insistance de l’honorable Léonard She Okitundu, le plus âgé des élus provinciaux qui en assume la présidence.
A l’origine de l’incident de Lusambo, une usurpation de compétences comme il en survient de temps en temps dans certaines nouvelles provinces où la décentralisation se confond parfois à une sorte de passe-droits à certains intervenants indélicats et peu scrupuleux.
Un directeur de l’administration parlementaire, en charge du secrétariat de l’assemblée provinciale répondant au nom de Albert Ekesola s’était permis de modifier carrément la décision de la CENI n° 022/CENI/BUR/2019 du 19 janvier 2019 portant annonce des résultats provisoires de l’élection des députés provinciaux pour la province du Sankuru qui avait servi de soubassement légal à la désignation des membres du bureau provisoire de l’Assemblée provinciale du selon l’âge des élus pour en écarter un membre qui ne lui plaisait pas. La loi en vigueur commande en effet que le président du bureau provisoire de l’organe législatif provincial (le plus âgé des élus) soit secondé par deux des plus jeunes élus.
Un bureau provisoire, œuvre d’un administratif local
A Lusambo, ce sont donc les honorables Léonard She Okitundu, 72 ans, et les honorables Justin Omokala Wemambolo, 32 ans, et Dambo Onayimbi, 31 ans qui ont été désignés dans le document officiel de la CENI pour constituer le bureau provisoire de l’Assemblée provinciale. Mais c’était sans compter avec sieur Ekesola qui, pour une raison qui reste à élucider, a décidé de son propre chef de remplacer l’honorable Justin Omokala Wemambolo par un autre député, qui serait selon des sources connues de lui seul, né le même jour que ce dernier !
Ici, les affaires de la province se traitent en mode quasi mafieux : Ekesola, c’est l’homme du président sortant de l’Assemblée provinciale du Sankuru, le très conflictuel Charles Pongo dont il est un proche parent et à qui il doit d’avoir été propulsé à la tête des services administratifs de l’organe délibérant de la province, rapporte-t-on. Et la hantise de Pongo, député PPRD réélu de la circonscription de Lodja, ce serait… Lambert Mende Omalanga et son Alliance CCU et Alliés qui a raflé le plus grand nombre d’élus provinciaux dans cette circonscription du Sankuru avec, en prime deux sièges sur les 5 à la députation nationale et l’honneur insigne de figurer au top 5 des meilleurs élus à l’Assemblée nationale. Il se fait, d’après des sources bien informées que l’honorable Justin Omokala Wemambolo n’est autre que le jeune frère biologique de M. Mende contre qui, en dépit de leur appartenance au Front Commun pour le Congo de l’ex. président Joseph Kabila entretient des sentiments de rivalité qui semblent avoir viré en une rancœur des plus tenaces. Foulant aux pieds le mot d’ordre de cohésion lancé par les plus hautes instances du FCC dès le lendemain de la proclamation des résultats provisoires, l’honorable Pongo s’est lancé dans une campagne très agressive contre le patron de l’Alliance CCU et Alliés, ministre sortant de la Communication et Médias, allant jusqu’à conclure des jonctions contre-nature avec des membres de la plateforme oppositionnelle Lamuka à cette fin. C’est donc lui qui aurait enjoint à son homme de paille Ekesola de subtiliser le courrier de la CENI et d’improviser contre toute attente un mode de désignation basé sur un tirage au sort truqué qui lui a permis d’éjecter le député Justin Omokala Wemambolo du bureau provisoire. Parce que même s’il ne s’était pas présenté sur la liste de l’Alliance CCU et Alliés de son frère, ce jeune élu qui avait fait carton plein à Lodja sur la liste REP et Alliés risquait, de l’avis de Pongo d’accroître le prestige de son aîné.
Etincelles rallumées
L’étincelle ainsi allumée par sieur Ekesola et consorts pour satisfaire les petites rancunes de son mentor s’est mué en véritable incendie jeudi dernier à la plénière d’installation du bureau provisoire de l’assemblée provinciale lorsque plusieurs députés, y compris au sein du PPRD, se sont révoltés face à ce tripatouillage de la décision de la CENI qui menace la validité des actes pris et à prendre par l’organe législatif de la province du Sankuru. De violentes altercations ont éclaté après que le président des céans, Léonard She Okitundu, eut pris mollement acte de l’irrégularité sans la corriger.
Des témoins sur place signalent à cet égard que l’honorable She Okitundu, président du bureau provisoire ayant choisi de minimiser le tripatouillage de l’arrêté de la CENI au profit celle, « sui generis » du secrétaire exécutif près l’assemblée provinciale. Que même un courrier de rappel à l’ordre du secrétariat provincial de la CENI n’était pas parvenu à remettre sur le droit chemin. En effet, statuant sur le litige créé autour de l’installation du bureau provisoire et, somme toute, de l’interprétation de la décision de la plénière de la CENI, celle-là même qui a déclaré élus le Président de la République ainsi que tous les députés nationaux et provinciaux, la représentation provinciale de l’institution d’appui à la démocratie avait, dès vendredi, écrit à l’Assemblée provinciale pour lui rappeler que ces décisions n’étaient pas susceptibles de tripatouillages locaux. Mais rien n’y a fait. Jusqu’à la fin de la semaine dernière, le président du bureau provisoire n’avait trouvé aucune solution avec ceux des députés provinciaux qui contestaient ce qu’il qualifie d’entorse à la légalité républicaine.
J.N.