L’année 2018, marquée au fer rouge par les scrutins combinés présidentielle, législatives nationales et provinciales du 30 décembre dernier, restera marquée dans l’histoire politique de la RD Congo comme une année charnière dans les relations entre l’ancienne possession de la Belgique en Afrique noire et une certaine communauté internationale. Kinshasa a fait valoir dans toutes les langues à travers le monde sa volonté radicale de s’émanciper de tutelles surannées en prenant notamment le risque calculé de décliner toute assistance financière extérieure dans l’organisation de ses élections pour des raisons de souveraineté nationale. Mais aussi en se montrant particulièrement intraitable et jaloux de son indépendance dans ses rapports avec les Etats de l’Hémisphère Nord, ceux de l’Union Européenne particulièrement, dont connaît la lourde tendance à vouloir décider de l’avenir politique et économique de cet immense pays de l’Afrique Centrale réputé pour ses ressources minières.
Les premières élections souveraines
Outre les élections de décembre 2018, extirpées de toute interférence étrangère officielle, les autorités gouvernementales de la RD Congo avaient décidé il y a un an maintenant la fermeture de la Maison Schengen. Cette sorte d’ambassade ‘sui generis’ commune à 17 pays de l’Union Européenne gérée par la Belgique, chargée de l’octroi des visas d’entrée sur le vieux continent des ressortissants rd congolais. Au compte-gouttes à vrai dire et selon un criterium particulièrement arbitraire et méprisant à plus d’un égard. En outre, les rapports entre l’Union Européenne et Kinshasa se sont trouvées fort dégradés après qu’à l’instigation de Bruxelles, une quinzaine de personnalités congolaises de premier plan du monde politique, militaire et sécuritaire eurent fait l’objet de sanctions ciblées, dont le gel de leurs avoirs et l’interdiction de séjours ou d’escales en Europe. Sous le prétexte fourre-tout d’« entraves au processus électoral alors en gestation au pays de Patrice-Emery Lumumba et Mzee Laurent-Désiré Kabila. Ce à quoi le gouvernement rd congolais a fermement répliqué en décidant, entre autres mesures de rétorsions, la fermeture de la Maison Schengen.
Le coup asséné au bon endroit
Le coup a porté. Puisque l’Union Européenne, la Belgique en tête, n’a pas, depuis lors, cessé d’appeler à des négociations pour la réouverture de cet espèce d’ambassade commune à Kinshasa. Tout en tirant les ficelles dans l’ombre pour aggraver les ressentiments des Congolais privés de facilités de séjour en Europe. Plutôt que d’accorder les visas de séjour par leurs ambassades respectives, les 17 Etats Européens représentés par la Maison Schengen se sont solidarisés avec la Belgique pour subordonner tout octroi de « sésame » à la réouverture de leur « consulat commun ». Mais Kinshasa a tenu bon. Suffisamment pour qu’aussitôt le nouveau président de la République élu officiellement proclamé par la Cour constitutionnelle, la Belgique joigne aux félicitations protocolaires adressées à Félix-Antoine Tshilombo Tshisekedi le vœu de voir la fameuse Maison Schengen rouvrir ses portes le plus tôt possible.
En RD Congo, l’opinion savoure et se régale en découvrant ce véritable talon d’Achille d’une ex. puissance coloniale habituellement imbue de son incontournabilité et engoncée dans ses certitudes bien-pensantes. Ainsi donc la Belgique et l’Union Européenne tiennent plus que les Congolais à la « Maison Schengen » !
Priorités importées ?
Le nouveau président de la République et son équipe n’auront pas eu de répit avant de tabler sur le problème de l’ouverture de la Maison Schengen. Mardi 5 février 2019, 12 jours seulement après la prestation de serment de Félix-Antoine Tshilombo Tshisekedi, le traitement du dossier s’impose. Le directeur de cabinet du chef de l’Etat, l’UNC Vital Kamerhe, va en discuter avec les ambassadeurs européens accrédités en RD Congo. Bien avant des dossiers aussi brûlants et prioritaires pour les Congolais que ceux de l’insécurité récurrente à l’Est du pays où les FARDC affrontent au quotidien milices et rebelles étrangers, par exemple. A l’évidence, Vital Kamerhe doit faire face à un ordre de priorités dont on ne peut pas affirmer qu’il serve « d’abord » les intérêts tant vantés du « peuple congolais » dont la restauration et la préservation du regain de dignité et de souveraineté à l’ordre du jour au cours de ces quelques dernières années seront mises à rude épreuve.
Dans ce dossier dont les aspects techniques essentiels – exigence de délais plus courts dans le traitement des dossiers de visas en faveur des Congolais, transparence sur les motifs de refus des facilités pour les diplomates etc. – le principal point d’achoppement est et reste politique. Kinshasa s’étant jusqu’à présent opposé à la réouverture de la Maison Schengen tant que les sanctions européennes arbitraires contre ses officiels n’étaient pas levées. Et elles ne le sont pas encore que les occidentaux reviennent à la charge pour faire valoir leur volonté sans contrepartie. Cette contrepartie souverainiste, Vital Kamerhe serait bien inspiré de la mettre sur la balance des discussions de ce jour. D’autant plus qu’une résolution du dialogue interdiocésain auquel il participa avec l’actuel N°1 rd congolais stipule clairement au chapitre de la décrispation politique que les autorités issues des élections seront tenues d’exiger des partenaires occidentaux de la RD Congo la levée sans conditions de ces sanctions jugées à la fois illégales et arbitraires.
A Kinshasa en particulier et en RD Congo en général, beaucoup d’analystes estiment que le cabinet du nouveau président de la République devrait avoir le courage de ne pas troquer dans la précipitation le peu de respectabilité et de considération arraché aux Occidentaux contre une volonté à la limite de l’infantilisme politique de complaire à un quarteron d’ambassadeurs en quête de voies et moyens d’économiser leurs budgets de fonctionnement.
J.N.