Plus d’illusions possibles. Entre les princes de l’église catholique romaine de la RD Congo, ce n’est plus la communion parfaite. Tout au moins en ce qui concerne l’élection à la présidence de la République de Félix-Antoine Tshilombo-Tshisekedi, le 30 décembre 2018. L’accession au pouvoir suprême de ce fils de l’opposant Etienne Tshisekedi, originaire de la province du Kasai Oriental, de surcroît allié au Sud-Kivutien Vital Kamehre, sonne le glas de l’entente, toute de façade, entre les évêques des provinces centrales kasaïennes et leurs éminents collègues de la partie Ouest du pays, particulièrement de Kinshasa la capitale. Désormais, chacune de ces coalitions cléricales prie et appelle les bénédictions divines sur son favori.
A Kinshasa, au cours d’une messe à la paroisse St Cyprien de Ngaliema, l’Abbé Donatien Nshole, ci-devant porte-parole de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO), a conforté les hostilités contre le nouveau Président de la République en distillant des imprécations invraisemblables dans la bouche d’un membre du clergé à l’intention de fidèles qui n’en croyaient pas leurs oreilles. « Un pouvoir sans bénédiction des hommes de Dieu est un pouvoir sans Dieu et nous l’avons vécu pendant votre prestation de serment », a déclaré Nshole dans une envolée qui avait tout d’une excommunication symbolique du nouveau chef d’Etat, selon des propos rapportés et abondamment commentés par la presse kinoise. « Comment pouvez-vous prétendre fermer les cachots alors que des milliers de femmes à l’Est du pays réclament justice ? Comment voulez-vous être un président des Congolais alors que certains contestent votre souveraineté ?», a encore déclaré ce prêtre de l’archidiocèse de Kinshasa connu pour être un proche parent de l’ancien archevêque de la capitale, le Cardinal Laurent Monsengwo Pansinya, présenté comme le principal instigateur de la croisade contre les pouvoirs présidentiels issus de l’Est du pays (par opposition à l’Ouest). Les déclarations politiciennes belliqueuses de l’abbé Nshole, qui surfe ainsi sans scrupules sur la crédulité de chrétiens peu au fait des réalités géopolitiques et démocratiques, visent à accréditer l’idée farfelue – et somme toute antidémocratique – selon laquelle n’est président des Congolais que celui qui est élu et accepté par tous les Congolais, à l’unanimité. Ou, pire encore, que ne peut être acceptable comme président des Congolais que celui que le candidat adoubé par l’église catholique et ses princes.
Nshole, d’imprécations en imprécations
Les imprécations de Donatien Nshole contre le nouveau président intervenaient 48 heures après que la CENCO et l’archidiocèse de Kinshasa eurent décliné de manière ostentatoire l’invitation à sa cérémonie de prestation de serment, jeudi 24 janvier 2019. Un engagement politicien aussi extrémiste de la part d’hommes de Dieu, cela ne s’était jamais vu auparavant ni en RD Congo, ni ailleurs dans le monde, sauf peut-être au temps des croisades.
Contre le nouveau Chef de l’Etat, l’archidiocèse de Kinshasa semble ainsi vouloir déployer à nouveau l’armée de ses ouailles. Selon un communiqué, samedi dernier, le tristement célèbre Comité Laïc de Coordination (CLC) a été réactivé, manifestement pour soutenir le meeting prévu mardi 29 janvier 2019 à N’djili Ste Thérèse par la coalition Lamuka et son candidat malheureux à la dernière présidentielle, également candidat proclamé « élu » par cette nébuleuse catholique, Martin Fayulu Madidi. Il s’agit théoriquement de célébrer la mémoire des victimes des marches du regroupement politique monsenguiste organisées à Kinshasa le 31 décembre 2017, le 21 janvier et le 25 février 2018.
Le CLC réactivé
On apprend par ailleurs que le nouvel archevêque de Kinshasa, Mgr Fridolin Ambongo en personne, dirigera cet office destiné à entretenir dans les esprits des fidèles les mouvements insurrectionnels organisés à travers des manifestations « partant de partout vers toutes les paroisses kinoises » qui avaient été organisés par mis en œuvre pour « dégager les médiocres » du pouvoir, selon les termes de l’alors archevêque métropolitain de la capitale, le cardinal Monsengwo Pasinya.
En relançant les offices religieux révolutionnaires, Fridolin Ambongo s’engage dans un bien curieux nouveau rétropédalage. Parce que dans une correspondance adressée à tous les curés de l’archidiocèse de Kinshasa, le nouveau cardinal métropolitain y avait formellement suspendu toutes les activités du CLC qui s’exerçaient anarchiquement en parallèle à celles du très officiel Comité d’action laïque des communautés catholiques (CALCC) en attendant une réunion entre les mousquetaires monsenguistes et la hiérarchie de l’église.
Les évêques fêtent les leurs dans les kasai
Si à Kinshasa, l’église catholique de l’Ouest de la RDC est toutes griffes dehors contre le nouveau Président de la République, il en va tout autrement dans les provinces kasaïennes dont est originaire Félix-Antoine Tshilombo Tshisekedi. C’est l’évêché de Mbujimayi au Kasai Oriental qui a donné le ton en date du 13 janvier 2019 en célébrant une eucharistie spéciale pour « consacrer à Dieu, le nouveau président de la République Démocratique du Congo … et tous les autres fils et filles de la province élus à la députation nationale et provinciale », selon les termes du bureau de la chancellerie diocésaine. Le week-end dernier, les évêques membres de l’assemblée épiscopale provinciale de Kananga (ASSEPKA) qui englobe tous les prélats des provinces du Grand Kasaï ont emboîté le pas à leur collègue de Mbujimayi. « Nous bénissons Dieu pour le nouveau Président de notre pays, Monsieur Félix-Antoine Tshilombo », ont déclaré en chœur leurs excellences kasaïennes au terme d’une session extraordinaire de leur organisation tenue du 25 au 26 janvier 2019.
En RD Congo, les princes de l’église catholique ne regardent manifestement plus dans la même direction politique.
J.N.